La réforme de l'assurance chômage, une ponction qui ne dit pas son nom sur l'Unedic

Le Premier ministre Gabriel Attal s'apprête à dévoiler les grandes lignes de la réforme de l'assurance-chômage. Attaché à l'objectif du plein emploi, l'exécutif espère 90.000 personnes supplémentaires en emploi et 3,6 milliards d'euros d'économies. Mais déjà, les économistes sont sceptiques sur les effets de ce nouveau tour de vis des conditions d'accès aux indemnités sur l'emploi et les objectifs budgétaires d'une telle réforme.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La réforme de l'assurance-chômage entre dans la dernière ligne droite. Bousculée par la crise en Nouvelle-Calédonie et l'assassinat de deux gardes pénitentiaires, sa présentation devrait avoir lieu ce dimanche selon Matignon. Après avoir reçu les partenaires sociaux cette semaine, le gouvernement doit finaliser ses derniers arbitrages ce week-end.

Lors de ses échanges avec les syndicats, la ministre du Travail Catherine Vautrin a présenté les principales pistes de travail de l'exécutif. Sans surprise, les organisations de salariés sont ressorties déçues de ces échanges. « La rhétorique punitive du gouvernement dit tout de sa vision des chômeurs indemnisés. Peu lui importe qu'il soit démontré que 95% d'entre eux sont en recherche active d'emploi, il faut taper ! Et puis leur faire les poches », a réagi le président de la CFE-CGC François Hommeril. Vent debout contre cette nouvelle réforme, les syndicats ont soutenu la proposition de loi du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) présentée cette semaine à l'Assemblée nationale. Ce texte vise à contrecarrer la réforme du gouvernement prévue pour juillet prochain.

90.000 personnes supplémentaires en emploi et 3,6 milliards d'euros d'économies selon l'exécutif

Tous les arbitrages n'ont pas encore été tranchés mais le gouvernement espère que les mesures retenues permettront 3,6 milliards d'euros d'économies. Au total, ce tour de vis devrait permettre à 90.000 personnes de se retrouver en emploi selon l'exécutif . Parmi les options sur la table figure la durée d'affiliation nécessaire à l'assurance chômage pour ouvrir des droits. Actuellement, il faut avoir travailler six mois sur les 24 derniers mois pour toucher des indemnités. L'exécutif envisage d'allonger la durée nécessaire de cotisation à 8 mois et de réduire la période de référence à 20 mois. A quelques semaines de la présentation, le très influent député Renaissance et proche du chef de l'Etat, Marc Ferracci, avait plaidé pour une modification de la durée d'affiliation calquée sur le modèle de l'Allemagne.

Lire aussiAssurance-chômage : les propositions chocs du député Marc Ferracci (Renaissance)

Dans une étude présentée la semaine dernière aux organismes paritaires, l'Unédic, qui n'a pas évalué l'impact de l'hypothèse présentée par le gouvernement, a calculé que si le temps minimum était relevé à sept mois, cela affecterait 11% des allocataires et permettrait d'économiser 400 millions d'euros. S'il était relevé à 12 mois, l'économie s'élèvera à 2,3 milliards. Baisser la période de référence de 24 à 18 mois permettrait de réaliser des économies comprises entre 5,1 milliards et 7,5 milliards d'euros.

Les économistes dubitatifs sur l'impact de la réforme sur l'emploi

Le gouvernement a réaffirmé son objectif de plein emploi. Dans un entretien accordé à l'Express paru le 23 maiEmmanuel Macron a défendu cette réforme qui « va renforcer l'efficacité de notre système d'indemnisation et les incitations au travail ». Mais dans le camp des économistes, les avis sont bien plus partagés. « On n'a pas encore vu d'effet d'une telle réforme sur l'emploi », explique à La Tribune l'économiste Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l'université de Lyon et spécialiste du Travail.

Le chiffre de 90.000 personnes supplémentaires en emploi « peut paraître fantaisiste au regard de l'ampleur de la réforme et des créations d'emplois des dernières années », complète l'économiste, dubitatif sur les effets attendus de la réforme. En France, le chômage « avait commencé à baisser avant la mise en place des précédentes réformes de l'assurance-chômage». L'enseignant regrette que les précédentes modifications de ce système assurantiel entamées depuis 2019 n'aient pas fait l'objet d'évaluation précise sur l'emploi.  S'agissant des personnes pénalisées, « les jeunes, les seniors et les jeunes qui multiplient les contrats courts », seraient en première ligne.

La réforme de l'assurance chômage, « une ponction qui ne dit pas son nom » sur les comptes de l'Unedic

En pleine tempête budgétaire, le gouvernement est actuellement à la recherche de recettes pour rétablir la trajectoire des comptes publics. Epinglés récemment par le Fonds monétaire international (FMI), l'exécutif compte bien sur les annonces de dimanche pour montrer des gages de sérieux budgétaire. « La première motivation de cette réforme est de faire des économies », indique Michaël Zemmour« S'il fait cette réforme, ce n'est pas pour faire des économies » sur les comptes de l'Unedic qui sont en « excédent » alors que l'organisme participe également au financement de France Travail. «S'il fait cette réforme, c'est  pour rembourser les déficits de l'Etat. C'est une ponction sur le budget de l'Unedic qui ne dit son nom », complète l'économiste.

Lire aussiDette, déficit : le FMI désavoue le gouvernement pour 2027

Pour rappel, l'Unedic qui gère les comptes de l'assurance-chômage était principalement financée par des cotisations. Mais depuis 2018, les cotisations salariales de l'assurance chômage ont été supprimées pour être remplacées par de la CSG (Contribution sociale généralisée). Ce changement dans le financement de ce système paritaire s'inscrit pleinement dans la logique macroniste d'une reprise en main de l'Etat. En mars dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire s'était d'ailleurs montré favorable à une «étatisation » de l'Unedic.

Lire aussiAssurance chômage : Bruno Le Maire plaide pour une reprise en main « définitive » par l'Etat

Pour l'économiste Bruno Coquet, spécialiste du marché du travail, cette réforme représente « une taxe énorme sur les chômeurs (3,6 milliards d'euros) pour un tout petit 90.000 emplois créés : rendement riquiqui, 40.000 euros par emploi créé et on restera très très loin du plein emploi ».

La contracyclicité fait débat à un moment où le chômage stagne

L'autre sujet qui suscite le débat chez les économistes est la modulation des indemnités en fonction de la conjoncture. En vertu du mécanisme de contracyclicité, la durée d'indemnisation est réduite de 25% lorsque le taux de chômage est inférieure à 9% de la population active.

Le gouvernement envisage de réduire encore cette durée si le chômage descend en deca de 6,5%. Un nouveau durcissement serait en « contradiction » avec la conjoncture, pointe Michaël Zemmour. « La plupart des instituts de prévision annoncent une hausse du chômage ». Le gouvernement a certes pu compter sur une croissance un peu meilleure que prévu au premier trimestre mais les clignotants sont loin d'être tous au vert.

Lire aussiPour le FMI, le redémarrage de l'économie européenne devrait être poussif, le maintien des taux élevés freine l'activité

Bonus Malus : le patronat grince des dents

La réforme prévoit également des mesures de bonus malus de cotisations pour les entreprises. Ce dispositif vise à limiter l'utilisation des contrats courts. Déjà expérimenté dans quelques secteurs, ce dispositif pourrait être étendu à d'autres branches ou généralisé. Dans sa précédente version, le mécanisme excluait toutes les entreprises de moins de 11 salariés et visait les 7 secteurs qui avaient le plus fort recours à ce type de contrat. 18.000 entreprises étaient concernées (soit 6% des entreprises tricolores) par ce principe.

Dans une évaluation dévoilée en février dernier, la direction statistique du ministère du Travail (Dares) avait relevé que les fins de contrats sont moins fréquentes dans les entreprises soumises à cette modulation des cotisations. Farouchement critique de ce mécanisme, le patronat a réagi vivement lors des échanges avec Catherine Vautrin cette semaine. Patrick Martin (Medef) a exprimé toute son opposition à une extension ou une généralisation. Au micro de France Inter, il a réclamé une nouvelle baisse des cotisations patronales.

Lire aussi« Cette réforme de l'assurance chômage est une occasion manquée d'encourager l'emploi des seniors » (François Asselin, président de la CPME)

Grégoire Normand
Commentaires 35
à écrit le 25/05/2024 à 20:15
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Un journaliste posera t’il la question des cotisations ? Y aura t’il une baisse ? Si non, c’est un impôt déguisé.

le 26/05/2024 à 10:08
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Mais bon c'est pas grave hein, tant que les chômeurs sont encore persécutés ça te va bien non ? Et c'est bien ça le principal ! ^^

à écrit le 25/05/2024 à 14:41
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Les prestations baissent mais pas les cotisations. Cela s'appeler arnaquer les cotisants.

le 25/05/2024 à 23:11
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Pourquoi baisserait il les cotisations. On cotise 5, 10, 20 ou plus et quand au travail ça ne va plus on quitte en aillant aucun droit au chômage meme sur une courte periode... alors que ceux qui y vivent continuellement y on droit... La question re...

à écrit le 25/05/2024 à 11:47
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La démocratie n'existe pas. Les salariés productifs, qui ne produisent pas que de la paperasse ou du controle de la redistribution nécessaire du fait du progrès technique qui automatise tout, sont dans le privé. Une entreprise est nécessairement une ...

à écrit le 25/05/2024 à 11:07
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supprimons les chômeurs professionnels intermittents du spectacle AVEC LES 35 h ils peuvent réellement travailler et faire leur job en loisir !!!!!!!

le 25/05/2024 à 13:56
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En fait les intermittents du spectacle n'ont pas tant de temps que ça ils ne sont déclarés et payés que le jour du spectacle proprement dit, mais pas pour le travail en amont, ce qui arrange tout le monde car en fonctionnant de la sorte, seuls les bo...

à écrit le 25/05/2024 à 9:29
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"le très influent député Renaissance et proche du chef de l'Etat, Marc Ferracci, avait plaidé pour une modification de la durée d'affiliation calquée sur le modèle de l'Allemagne." Depuis son introduction en 2005, Hartz IV constitue un traumatisme...

le 25/05/2024 à 13:18
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Oui, mais cette pauvreté était socialement supportable car par rapport à la France, on se logeait vraiment pour trois fois rien, mais l'arrivée massive des migrants en 2015 a eu pour effet de faire flamber les loyers, l'équilibre est rompu comme en F...

le 25/05/2024 à 13:34
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En france, vous pouvez posséder des biens immobiliers valant des millions, et en même temps recevoir des allocations de chômage ou des aides sociales. Vous n'avez rien à faire en retour, avant le mort.

à écrit le 25/05/2024 à 9:13
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Quand toutes les idées viennent d'en haut, suite a un soi disant débat ou consultation, pour faire une réforme sans adaptation...c'est que la finance est dans le coup ! ;-)

à écrit le 25/05/2024 à 9:10
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"Le Dossier 51" https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Dossier_51_(film)#

à écrit le 25/05/2024 à 9:07
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"Il faut se méfier de tout ceux en qui l'instinct de punir est puissant" Nietzsche. Or les deux partis plébiscités par les médias de masse, parti de la finance et parti de la finance d'extrême droite, sont deux partis de punisseurs. Méfions nous en d...

à écrit le 25/05/2024 à 8:36
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La France a le pire taux de chômage de l'OCDE et le système d'indemnisation le plus généreux, tout cela est évidemment lié. Vu l'état de la dette du pays tout le monde se serrer la ceinture et les chômeurs ne font pas exception. Il faudrait aussi ...

le 25/05/2024 à 9:03
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La comparaison internationale des chiffres du chômage est bien trompeuse, selon si vous incluez les types d’indemnisation (rsa, assedic, chômeur handicapé) le statut (en formation, à temps partiel subi, en création d’entreprise, auto entrepreneur), e...

le 25/05/2024 à 12:49
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Ah parce que vous pensez que c’est le chômeur qui se met au chômage ? C est un outil qui profîte et que use le patronat français .. disons c est un outil rh … pensez vous sinon choisisse d été licencié à 0plus de 55 ans quand vous avez été cadre tout...

le 25/05/2024 à 12:49
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Ah parce que vous pensez que c’est le chômeur qui se met au chômage ? C est un outil qui profîte et que use le patronat français .. disons c est un outil rh … pensez vous sinon choisisse d été licencié à 0plus de 55 ans quand vous avez été cadre tout...

le 25/05/2024 à 12:56
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@ Jason 13 , votre vision est binaire .. oust pensez pas qu il y a plusieurs profil de chômeur comme malades ou cheminots ? Ah parce que vous pensez que c’est le chômeur qui se met au chômage ? C est un outil qui profîte et que use le patronat franç...

le 25/05/2024 à 12:56
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@ Jason 13 , votre vision est binaire .. oust pensez pas qu il y a plusieurs profil de chômeur comme malades ou cheminots ? Ah parce que vous pensez que c’est le chômeur qui se met au chômage ? C est un outil qui profîte et que use le patronat franç...

le 25/05/2024 à 13:30
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Doublement faux : le pays ayant le pire taux de chômage est de loin l'Espagne et il est à noter qu'en France, un chômeur sur deux n'est pas indemnisé... En fait la rengaine chômeur fainéant est de la démagogie pour brosser dans le sens du poil une gé...

le 25/05/2024 à 15:07
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"tout cela est évidemment lié" ?? de quelle façon ? On attend votre démonstration, hors éventuel "bon sens", voire "évidence". Tous ceux qui ne sont plus indemnisés, sortis des comptes, quelle indemnisation généreuse touchent-ils ? Avoir zéro ne leur...

à écrit le 25/05/2024 à 8:29
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Les salariés cotisent tous les mois et eux derrière ils ne veulent pas rendre l'argent

le 25/05/2024 à 9:05
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Dossier 51 superstar ! Merci mais pourquoi !? Signalé.

à écrit le 24/05/2024 à 21:49
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L'état socialiste donc bienveillant est habitue aux ponctions de péréquation dans la justice bienveillante. Retraites des libéraux, arco agirc, superprofits injustes, régions, etc... tout est bon pour que le petit obèse continue sur sa voie

à écrit le 24/05/2024 à 21:22
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La presse et l'ensemble des médias devraiet expliquer la manière dont est financé l'assurance chômage, cela permettrait de clarifier les agissements du Gouvernement sur la gestion de la dite assurance, idem pour les différentes caisses de retraites d...

le 25/05/2024 à 8:41
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Les assurances servent à financer la dette de l'état. C'est ni plus ni moins qu'une pyramide de Ponzi qui consiste à emprunter pour rembourser sa dette. Et cette dette alimente les subventions accordées aux actionnaires propriétaires de sociétés, qui...

à écrit le 24/05/2024 à 21:14
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Bonjour, tous vas bien, merci Mr macron de prendre l'argent de nos cotisations chômage.... Après tous , seul les individus sans emplois en ons grandement besoin... Bien sûr, avec les statistiques de France travail, toute la population active est au ...

à écrit le 24/05/2024 à 20:24
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Pour ceux qui ne sont pas contents, copions le système d'indemnisation de l'Allemagne. Il est inconcevable qu'un pays en faillite lente, une grenouille bouille soit aussi nombriliste et pleurnichard. Bien sûr qu'il faudra aussi désindexer prestations...

le 25/05/2024 à 3:12
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@AdieuBCE : justement, dans un pays avancé et civilisé, le risque est limité pour l'individu et il aura moins besoin d'être protégé alors qu'en France, le patronat et la droite sont restés figés dans le schéma mental de la première moitié du 19e sièc...

le 25/05/2024 à 13:39
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En France, les allocations familiales sont versées même si le couple gagne 6000 euros nets par mois.

à écrit le 24/05/2024 à 18:24
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On aura peut être pas les économies mais les chômeurs seront surement embêtés.

à écrit le 24/05/2024 à 18:21
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Oui, le but du jeu est de faire des économie sur le dos des chômeurs pour brosser dans le sens du poil la génération de l'argent facile et de la retraite à 60 ans, ce qui est le logiciel standard de la droite depuis des décennies, dit autrement du ré...

le 24/05/2024 à 19:34
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Présentez vous puisque c'est si facile de gouverner la France !

le 24/05/2024 à 23:50
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J'airais bien des idées, mais je ne vois qu'un putsch de l'armée pour avoir une chance de les mettre en oeuvre en court-circuitant le verrouillage des partis pro-retraités... Et à noter qu'un jeune sur trois ne serait pas hostile à un putsch des mili...

à écrit le 24/05/2024 à 16:25
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"Il faut se méfier de tout ceux en qui l'instinct de punir est puissant" Nietzsche. Or les deux partis plébiscités par les médias de masse, parti de la finance et parti de la finance d'extrême droite, sont deux partis de punisseurs. Méfions nous en d...

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