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La réforme de l'assurance-chômage entre dans la dernière ligne droite. Bousculée par la crise en Nouvelle-Calédonie et l'assassinat de deux gardes pénitentiaires, sa présentation devrait avoir lieu ce dimanche selon Matignon. Après avoir reçu les partenaires sociaux cette semaine, le gouvernement doit finaliser ses derniers arbitrages ce week-end.
Lors de ses échanges avec les syndicats, la ministre du Travail Catherine Vautrin a présenté les principales pistes de travail de l'exécutif. Sans surprise, les organisations de salariés sont ressorties déçues de ces échanges. « La rhétorique punitive du gouvernement dit tout de sa vision des chômeurs indemnisés. Peu lui importe qu'il soit démontré que 95% d'entre eux sont en recherche active d'emploi, il faut taper ! Et puis leur faire les poches », a réagi le président de la CFE-CGC François Hommeril. Vent debout contre cette nouvelle réforme, les syndicats ont soutenu la proposition de loi du groupe LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) présentée cette semaine à l'Assemblée nationale. Ce texte vise à contrecarrer la réforme du gouvernement prévue pour juillet prochain.
90.000 personnes supplémentaires en emploi et 3,6 milliards d'euros d'économies selon l'exécutif
Tous les arbitrages n'ont pas encore été tranchés mais le gouvernement espère que les mesures retenues permettront 3,6 milliards d'euros d'économies. Au total, ce tour de vis devrait permettre à 90.000 personnes de se retrouver en emploi selon l'exécutif . Parmi les options sur la table figure la durée d'affiliation nécessaire à l'assurance chômage pour ouvrir des droits. Actuellement, il faut avoir travailler six mois sur les 24 derniers mois pour toucher des indemnités. L'exécutif envisage d'allonger la durée nécessaire de cotisation à 8 mois et de réduire la période de référence à 20 mois. A quelques semaines de la présentation, le très influent député Renaissance et proche du chef de l'Etat, Marc Ferracci, avait plaidé pour une modification de la durée d'affiliation calquée sur le modèle de l'Allemagne.
Dans une étude présentée la semaine dernière aux organismes paritaires, l'Unédic, qui n'a pas évalué l'impact de l'hypothèse présentée par le gouvernement, a calculé que si le temps minimum était relevé à sept mois, cela affecterait 11% des allocataires et permettrait d'économiser 400 millions d'euros. S'il était relevé à 12 mois, l'économie s'élèvera à 2,3 milliards. Baisser la période de référence de 24 à 18 mois permettrait de réaliser des économies comprises entre 5,1 milliards et 7,5 milliards d'euros.
Les économistes dubitatifs sur l'impact de la réforme sur l'emploi
Le gouvernement a réaffirmé son objectif de plein emploi. Dans un entretien accordé à l'Express paru le 23 mai, Emmanuel Macron a défendu cette réforme qui « va renforcer l'efficacité de notre système d'indemnisation et les incitations au travail ». Mais dans le camp des économistes, les avis sont bien plus partagés. « On n'a pas encore vu d'effet d'une telle réforme sur l'emploi », explique à La Tribune l'économiste Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l'université de Lyon et spécialiste du Travail.
Le chiffre de 90.000 personnes supplémentaires en emploi « peut paraître fantaisiste au regard de l'ampleur de la réforme et des créations d'emplois des dernières années », complète l'économiste, dubitatif sur les effets attendus de la réforme. En France, le chômage « avait commencé à baisser avant la mise en place des précédentes réformes de l'assurance-chômage». L'enseignant regrette que les précédentes modifications de ce système assurantiel entamées depuis 2019 n'aient pas fait l'objet d'évaluation précise sur l'emploi. S'agissant des personnes pénalisées, « les jeunes, les seniors et les jeunes qui multiplient les contrats courts », seraient en première ligne.
La réforme de l'assurance chômage, « une ponction qui ne dit pas son nom » sur les comptes de l'Unedic
En pleine tempête budgétaire, le gouvernement est actuellement à la recherche de recettes pour rétablir la trajectoire des comptes publics. Epinglés récemment par le Fonds monétaire international (FMI), l'exécutif compte bien sur les annonces de dimanche pour montrer des gages de sérieux budgétaire. « La première motivation de cette réforme est de faire des économies », indique Michaël Zemmour. « S'il fait cette réforme, ce n'est pas pour faire des économies » sur les comptes de l'Unedic qui sont en « excédent » alors que l'organisme participe également au financement de France Travail. «S'il fait cette réforme, c'est pour rembourser les déficits de l'Etat. C'est une ponction sur le budget de l'Unedic qui ne dit son nom », complète l'économiste.
Pour rappel, l'Unedic qui gère les comptes de l'assurance-chômage était principalement financée par des cotisations. Mais depuis 2018, les cotisations salariales de l'assurance chômage ont été supprimées pour être remplacées par de la CSG (Contribution sociale généralisée). Ce changement dans le financement de ce système paritaire s'inscrit pleinement dans la logique macroniste d'une reprise en main de l'Etat. En mars dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire s'était d'ailleurs montré favorable à une «étatisation » de l'Unedic.
Pour l'économiste Bruno Coquet, spécialiste du marché du travail, cette réforme représente « une taxe énorme sur les chômeurs (3,6 milliards d'euros) pour un tout petit 90.000 emplois créés : rendement riquiqui, 40.000 euros par emploi créé et on restera très très loin du plein emploi ».
La contracyclicité fait débat à un moment où le chômage stagne
L'autre sujet qui suscite le débat chez les économistes est la modulation des indemnités en fonction de la conjoncture. En vertu du mécanisme de contracyclicité, la durée d'indemnisation est réduite de 25% lorsque le taux de chômage est inférieure à 9% de la population active.
Le gouvernement envisage de réduire encore cette durée si le chômage descend en deca de 6,5%. Un nouveau durcissement serait en « contradiction » avec la conjoncture, pointe Michaël Zemmour. « La plupart des instituts de prévision annoncent une hausse du chômage ». Le gouvernement a certes pu compter sur une croissance un peu meilleure que prévu au premier trimestre mais les clignotants sont loin d'être tous au vert.
Bonus Malus : le patronat grince des dents La réforme prévoit également des mesures de bonus malus de cotisations pour les entreprises. Ce dispositif vise à limiter l'utilisation des contrats courts. Déjà expérimenté dans quelques secteurs, ce dispositif pourrait être étendu à d'autres branches ou généralisé. Dans sa précédente version, le mécanisme excluait toutes les entreprises de moins de 11 salariés et visait les 7 secteurs qui avaient le plus fort recours à ce type de contrat. 18.000 entreprises étaient concernées (soit 6% des entreprises tricolores) par ce principe. Dans une évaluation dévoilée en février dernier, la direction statistique du ministère du Travail (Dares) avait relevé que les fins de contrats sont moins fréquentes dans les entreprises soumises à cette modulation des cotisations. Farouchement critique de ce mécanisme, le patronat a réagi vivement lors des échanges avec Catherine Vautrin cette semaine. Patrick Martin (Medef) a exprimé toute son opposition à une extension ou une généralisation. Au micro de France Inter, il a réclamé une nouvelle baisse des cotisations patronales.