La renaissance des belles endormies de l’industrie française

Bonux, Vigor, Baranne, Miror… Avec leur PME Héritage, Daniel Chassagnon et Richard Lerosey relocalisent et offrent une seconde jeunesse aux marques iconiques du passé industriel tricolore. (Cet article est issu de T La Revue n°16 - Réindustrialiser et décarboner la France)
Grâce à la reprise de Bonux, Héritage peut afficher quelques ambitions légitimes. En janvier dernier, la PME revendiquait une cinquantaine d'emplois créés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Grâce à la reprise de Bonux, Héritage peut afficher quelques ambitions légitimes. En janvier dernier, la PME revendiquait une cinquantaine d'emplois créés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. (Crédits : DR)

Qui aurait pu croire qu'un simple paquet de lessive Bonux et son mythique cadeau deviendraient, avec les décennies, une madeleine de Proust ? Qui aurait pu penser qu'en chantonnant quelques notes du jingle des adoucissants Minidou, on voyagerait dans l'espace et dans le temps ?

L'air de rien, en nous entretenant de méthode entrepreneuriale et de tactique industrielle, Richard Lerosey et Daniel Chassagnon convoquent bien des souvenirs. Les deux pieds dans leur époque, les deux hommes, jadis cadres au sein de groupes aussi solidement implantés qu'Unilever, Colgate, Danone ou Johnson & Johnson, se sont lancés fin 2021 dans une grande aventure entrepreneuriale en fondant Héritage. Leur objectif : ressusciter de belles endormies du patrimoine industriel français et dépoussiérer leurs recettes, leurs compositions, leurs images respectives pour leur permettre d'entrer pleinement dans le XXIe siècle.

Nostalgique à souhait, l'aventure de la PME à forte valeur ajoutée comprend aujourd'hui « 8 marques patrimoniales dans 3 catégories : la droguerie, le ménage et le lavage » explique Lerosey. Le tout avec une proposition forte : « proposer aux consommateurs des valeurs sûres avec des produits efficaces aux formules plus responsables et plus saines ». Une démarche qui s'inscrit évidemment dans cette grande vague de ré-industralisation qui touche l'Hexagone : « Le contexte actuel, on le connaît, on le vit tous, analyse Chassagnon.

Dans un monde souvent anxiogène, où l'enchaînement des différentes crises frappe les consommateurs dans leur ensemble, les Français ont un besoin fort de retrouver leurs repères, leurs racines.

La maison, premier des lieux de vie, est un espace qu'ils aiment car ils peuvent s'y ressourcer en prenant soin de leur famille et s'y sentir bien. La mission d'Héritage est au cœur de cette attente en faisant revivre les marques de notre enfance aux savoir-faire historiques, pour prendre soin des personnes et des objets. » Au gré des opportunités du marché, ces bons connaisseurs du milieu, ayant d'abord aiguisé leur appétit et leur vision avec la marque Maison Verte, ont donc repris 8 entités fortes : Bonux, Minidou, Miror, Vigor, Baranne, O'Cedar, Décap'Four et Terra. Autrement dit, des marques qui ont une histoire parfois centenaire, ont bercé l'enfance de millions de Français et font partie de l'inconscient collectif de plusieurs générations.

Plus durable, plus écologique, plus local...

À plus d'un titre, Héritage avec sa galaxie de marques remet du sens dans une époque qui en manque parfois cruellement. Quoi de mieux, dès lors, que de se retourner sur son passé, en direction de l'âge d'or français, celui des Trente Glorieuses et de l'industrie ambitieuse. Mais ne voyez surtout pas dans l'entreprise ardemment menée par le duo Chassagnon-Lerosey une énième résurgence du « C'était mieux avant ». « Notre objectif n'est pas de revenir sur le marché avec les mêmes recettes que dans les années 1970 et 1980. Prenons par exemple la marque de cirage Baranne, explique Daniel Chassagnon.

On connaît tous son odeur reconnaissable entre mille. L'idée a été d'en améliorer la composition, de la faire coller aux attentes du consommateur de notre époque, en termes de durabilité, d'écologie et de longévité. En augmentant notamment le taux de cire d'abeille, on aboutit ainsi à un produit de grande qualité, très performant quand on le compare aux cirages destinés aux souliers de luxe. » Ce n'est pas tout... S'ils veillent à la composition de leurs produits, les nouveaux propriétaires de Baranne travaillent activement à relocaliser en France : aujourd'hui 70 % de la production est fabriquée sur le territoire français. Un retour aux fondamentaux qui s'accompagne de véritables perspectives de développement alors même que l'on imaginait le marché du cirage voué à une lente disparition.

« Grâce au boom du marché de la basket, nous sommes résolument optimistes quant à l'avenir. On a là un vrai exemple de l'adaptation d'un savoir-faire ancien aux besoins et usages d'aujourd'hui » analyse Lerosey.

Aux perspectives de savoir-faire englouti et de territoires à jamais sinistrés, Héritage répond donc production locale et retour d'un écosystème hexagonal vertueux. Pour renforcer l'ensemble des maillons de la chaîne de valeur (de l'industriel au consommateur) et justifier son positionnement, Héritage a ainsi investi dans la production locale (pour 80 % des produits) et entamé une démarche de relocalisation dès 2022 tandis que le secteur des produits d'hygiène et d'entretien s'était largement tourné vers l'Europe de l'Est. Du made in France qui permet de sécuriser durablement ses approvisionnements (97 % contre 80 % en moyenne) alors que l'on a pu récemment constater de plus en plus d'étagères vides dans les rayons des grandes surfaces.

« Quand on entend faire revivre une marque aussi populaire et familiale que Bonux, être largement disponible, c'est essentiel, précise le duo. Avoir un impact social, produire en France, apporter du sens et de la joie comme dans les années 1970 et 1980 aussi ! »

Grâce à la reprise de Bonux, Héritage peut afficher quelques ambitions légitimes. En janvier dernier, la PME revendiquait une cinquantaine d'emplois créés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Pour l'heure « près de 60 % de la distribution » a conclu un partenariat avec le groupe, dont Leclerc, Intermarché, Casino, Monoprix et Cora. Une présence sur tout le territoire qui devrait lui permettre, à terme, de prendre entre 2 et 4 % du marché de la lessive. Pour ce faire, Chassagnon, Lerosey et Bonux ont plus d'un tour dans leur paquet de lessive : outre le retour du fameux cadeau Bonux à destination de nos chères têtes blondes, une campagne publicitaire serait en projet pour la rentrée. Histoire de se rappeler au bon souvenir des Français...

......................................................................................................................................

T16

Commentaires 2
à écrit le 21/10/2023 à 13:32
Signaler
"Reindustrialiser et decarboner la France" . Remplacer Decarboner par Recarboner et vous aurez tout bon...

à écrit le 21/10/2023 à 8:52
Signaler
Est-il possible de contrebalancer l'immense, le gigantesque dumping social généré par les investisseurs du monde entier débuté il y a maintenant 40 ans ? Rien que son inertie parait irrésistible. Avec les comptables peureux, non ambitieux, formatant ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.