La transformation du CICE en baisse de charges : une fausse bonne idée ?

Emmanuel Macron veut transformer le crédit d'impôt compétitivité emploi (mis en œuvre par François Hollande) en baisse de cotisations sociales pour les employeurs. Dans une note, l'Institut des politiques publiques considère que les effets de cette cette transformation sur la compétitivité et l'emploi restent très incertains.
Grégoire Normand
Les évaluations de l’impact du CICE ont été plutôt mitigées, avec des effets
positifs sur les marges des entreprises mais modestes sur l’emploi,
et quasi nuls sur l’investissement, explique l'IPP.
"Les évaluations de l’impact du CICE ont été plutôt mitigées, avec des effets positifs sur les marges des entreprises mais modestes sur l’emploi, et quasi nuls sur l’investissement", explique l'IPP. (Crédits : REUTERS/Stephane Mahe)

La transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en allègement de cotisations sociales pérennes promise par Emmanuel Macron lors de sa campagne pourrait avoir des conséquences sur les finances publiques et l'économie tricolore. Dans une note très documentée commanditée par l'Assemblée nationale, l'Institut des politiques publiques (IPP) indique que, si à première vue, les entreprises pourraient bénéficier d'une réduction du coût du travail, l'examen approfondi de cette mesure signale que son impact "sur la compétitivité et l'emploi est incertain" à moyen ou long terme. La réforme engagée par le gouvernement prévoit quatre mesures principales :

  • la suppression du CICE et du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) à partir du premier janvier 2019;
  • la baisse des cotisations maladie de 6% du salaire brut jusqu'à 2,5 Smic;
  • la réduction des cotisations d'assurance chômage et des régimes complémentaires au niveau du Smic et jusqu'à 1,6 Smic;
  • un nouvel allègement de 4% des cotisations sociales au Smic. Cette dernière mesure a été reportée au 1er octobre 2019.

Un coût majeur pour les finances publiques

L'année 2019 pourrait être décisive pour le gouvernement sur le plan budgétaire. En effet, selon les estimations des économistes, la bascule du CICE en réduction de cotisations patronales pourrait accroître le déficit public de 0,8 point de PIB l'année prochaine. La dépense publique pourrait s'accroître de 20 milliards d'euros, passant de 22 à 42 milliards d'euros avant de retomber à 24 milliards d'euros en 2020. "La transformation du CICE en réductions de cotisations sociales se traduit en 2019 par un quasi doublement du coût budgétaire, avec d'un côté la créance de CICE au titre des années précédentes et de l'autre la dépense fiscale due à la réduction des cotisations sociales équivalentes pour les salaires de 2019", expliquent les auteurs. De son côté, le gouvernement anticipe une dégradation du déficit de 0,9 point de PIB dans le projet de loi de finances 2019. Selon les prévisions de l'exécutif, "le déficit public s'élèvera à - 2,8% du PIB en 2019." Contacté par La Tribune, l'économiste et co-auteur de la note, Clément Malgouyres précise que "c'est la principale difficulté."

Élargissement du nombre d'entreprises bénéficiaires

Outre son impact sur les finances publiques, le dispositif promu par le gouvernement Philippe devrait permettre aux entreprises non bénéficiaires du CICE ou du CITS de profiter de la baisse des cotisations. D'après le travail de l'organisme d'évaluation, le coût du travail devrait diminuer "à hauteur de 6% du salaire brut pour les salariés rémunérés à hauteur de 2,5 Smic." Ainsi, les employeurs du secteur non lucratif seraient largement bénéficiaires de la mesure.  Ce qui pourrait avoir un impact non négligeable sur l'emploi. Les autres entreprises bénéficiaires seraient principalement situées dans les secteurs à faible rémunération comme "l'hôtellerie et la restauration ou les services administratifs."

Des effets hétérogènes

Les conséquences sur les entreprises dépendent de plusieurs facteurs. La baisse des cotisations peut entraîner une hausse du résultat imposable soumis à l'impôt sur les sociétés. D'après les simulations opérées par l'IPP, "1 euro de baisse de cotisation employeur se traduit par un gain net de 81 centimes", pour une entreprise moyenne. Au total, les économistes estiment que le supplément d'impôt sur les bénéfices pourraient s'élever à 3,3 milliards d'euros (3 milliards d'euros d'impôts sur les sociétés et 276 millions d'euros sur le revenu). Le supplément d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu pourrait être profitable aux jeunes et aux petites entreprises.

A l'inverse, cette augmentation de la fiscalité pourrait frapper les entreprises à plus forte profitabilité. "Sans considérer le surcroît de trésorerie lié au remboursement des créances CICE passées, les entreprises seront perdantes nettes à la réforme si elles bénéficiaient du CICE et si l'allègement supplémentaire sur les bas salaires ne compense pas l'augmentation de l'impôt sur les bénéfices", explique la note.

Moins de décalage sur la trésorerie des entreprises

L'une des critiques régulièrement adressée au CICE par les entreprises concerne ses effets décalés sur la trésorerie. Comme le souligne l'IPP, "l'effet du CICE sur la trésorerie des entreprises est décalé d'au moins un an, voire de trois ans, selon le mode d'imputation du CICE. L'imputation du CICE (c'est-à-dire le fait de déduire du montant de l'impôt dû le montant du CICE) a lieu en effet lors du paiement de l'impôt sur les bénéfices, c'est-à-dire un an après le paiement des salaires, et des imputations peuvent avoir lieu dans les deux années qui suivent si le montant de l'impôt sur les bénéfices était inférieur au montant de la créance." L'économiste de l'IPP rappelle à ce titre que "un tiers de la créance CICE acquise au titre des salaires versés en 2013 a été consommé après le premier avril 2017." Les entreprises pourraient ainsi avoir plus de visibilité sur leur comptabilité à court terme.

Un dispositif plus lisible

Souvent critiqué pour sa complexité, le CICE n'a pas toujours eu l'effet escompté sur les décisions des entrepreneurs à embaucher. Pour l'Institut des politiques publiques, la baisse de cotisations pourrait avoir plus de lisibilité que le CICE pour les chefs d'entreprise qui devraient mieux intégrer la réduction du coût du travail dès l'embauche. "La lisibilité de la réduction du coût du travail est obscurcie par le mécanisme du crédit d'impôt : une réduction des cotisations employeurs se traduit dès l'embauche comme une réduction du coût, alors que le crédit d'impôt vient augmenter la profitabilité après impôt," informe le document. Ainsi, si la note de l'IPP n'apporte aucune estimation précise du nombre d'emplois potentiellement crées par cette transformation, "l'effet sur l'emploi à court terme devrait être favorable", conclut Clément Malgouyres.

> Lire aussi : Le CICE, un scandale d'Etat ?

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 09/10/2018 à 7:59
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Pour compenser le coût, arrêt des taux de tva reduits sur la restauration.

à écrit le 08/10/2018 à 17:33
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Comme souligné,le CICE bénéficiera a toutes les entreprises,donc a enveloppe constante,les très grosses toucheront moins.elles seront donc moins bénéficiaires.

à écrit le 08/10/2018 à 16:41
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Il faut réduire les prélèvements sur les entreprises et les reporter sur la consommation, soit sur la TVA (TVA sociale) ou mieux sur la consommation d'énergie (impot sur l'énergie°. Cet impot sur l'énergie aurait de plus d'autres avantages comme favo...

à écrit le 08/10/2018 à 16:09
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L'usine à gaz du CICE est simplement du au fait que l'ancien gouvernement n'a pas pu passer une baisse de charges directe à cause de la tréso pour respecter nos trajectoires de déficit en année N. C'est finalement juste un retour à la normale.On peut...

le 08/10/2018 à 19:35
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attention avec le terme de "bonus" pour les entreprises : il ne s'agit jamais que de solder la dette de l'état envers les entreprises en ce qui concerne le CICE (jusqu'à 3 ans en retard pour une bonne part... et sans intérêt, bien sûr) tout en transf...

le 08/10/2018 à 19:37
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attention avec le terme de "bonus" pour les entreprises : il ne s'agit jamais que de solder la dette de l'état envers les entreprises en ce qui concerne le CICE (jusqu'à 3 ans en retard pour une bonne part... et sans intérêt, bien sûr) tout en transf...

le 08/10/2018 à 23:27
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Pourquoi 3 ans? C est un an, tu fais ton bilan, tu fais ta demande et tu reçois relativement vite...donc je maintiens y aura un effet tréso sympa la première année, ok pour pas l'appeler bonus si vous voulez.

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