Le commerce extérieur français enregistre un déficit abyssal en 2022 à 164 milliards d'euros

L'envolée des prix du pétrole, du gaz et de l'électricité, couplée à la dépréciation de l'euro, ont plombé le déficit commercial de la France en 2022 pour atteindre le chiffre record de 164 milliards d'euros. Mais ce ne sont pas les seuls facteurs qui expliquent ce chiffre : le pays paye également les conséquences d'une désindustrialisation à marche forcée ces vingt-cinq dernières années.
Grégoire Normand
Le port du Havre.
Le port du Havre. (Crédits : Reuters)

L'économie française subit de plein fouet les effets dévastateurs de la guerre en Ukraine. Un an après l'éclatement du conflit en Ukraine, l'appareil productif tricolore est toujours en plein marasme. D'après les chiffres communiqués par les douanes ce mardi 7 février, la balance commerciale tricolore a enregistré un plongeon abyssal. « La balance des biens clôture l'année avec un déficit de 164 milliards d'euros. Sur ce total, la moitié est imputable à cette balance énergétique et l'autre moitié est liée au déficit structurel qui lui se maintient »,  a déclaré le ministre en charge du commerce extérieur, Olivier Becht, lors d'un point presse.

Le déficit enregistré en 2022 est deux fois supérieur à celui de 2021 et 2,5 fois plus haut que la moyenne de la dernière décennie. « Le chiffre global de 2022 n'est pas une surprise. Il vient confirmer les chiffres des 11 premiers mois de l'année, » a déclaré Denis Ferrand, économiste et directeur général à COE-Rexecode interrogé par La Tribune. « Derrière ce chiffre, il y a des facteurs conjoncturels comme la crise exceptionnelle de l'énergie et des facteurs plus structurels. La France n'a pas réussi à enrayer son déficit de compétitivité. L'examen des résultats de parts de marché de la France dans la zone euro indique que la place de l'Hexagone s'est un peu affaiblie entre 2019 et 2022 » , a-t-il complété.

Alors que le gouvernement ne cesse de répéter que l'économie française « résiste, » ces chiffres pourraient mettre à mal la stratégie économique de Bercy basée en grande partie sur la politique de l'offre et l'attractivité.

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La crise énergétique plombe la balance commerciale

Sans surprise, la crise énergétique a provoqué un choc majeur sur la balance commerciale tricolore. « 85% de la dégradation de la balance des biens s'explique par la crise énergétique. Les coûts de l'énergie ont été multipliés par deux entre 2021 et 2022. Le premier facteur est l'importation de gaz. Il a fallu reconstituer les stocks de gaz », a détaillé le ministre. En effet, la guerre en Ukraine a complètement chamboulé les cartes de l'approvisionnement énergétique sur le Vieux continent. En quelques mois, les Etats européens ont dû anticiper les menaces de coupure gaz russe tout en cherchant d'autres sources d'approvisionnement à des prix souvent prohibitifs.

Résultat, la facture énergétique de l'Hexagone s'est envolée. Les importations de gaz ont augmenté de 248% à 59 milliards d'euros, celles de pétrole brut de 99% à 33 milliards d'euros, celles de produits pétroliers de 60% à 38 milliards d'euros selon les Douanes. «La France paye lourdement la facture énergétique », a résumé le ministre.

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L'immobilisation du parc nucléaire et la dépréciation de l'euro ont également dégradé la balance

Le second facteur évoqué par Olivier Becht est l'importation d'électricité de l'étranger. « La France a dû faire face à une immobilisation de son parc nucléaire durant l'année 2022. Il a fallu rattraper la maintenance des années Covid » a-t-il expliqué.

Enfin, la dépréciation de l'euro face au dollar, en principe favorable aux exportations, a joué en défaveur de l'appareil tricolore exportateur. « L'euro s'est déprécié de 11% face au dollar. La France n'a pas eu le bénéfice de cette dépréciation sur certains exports », a précisé Olivier Becht. En outre, une partie des importations, notamment dans le secteur de l'énergie sont libellées en dollar. Ce qui peut grandement pénaliser la balance commerciale de l'Hexagone.

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La balance des services à un niveau record

Le bilan 2022 est également marqué par quelques points positifs. La balance des services a atteint un excédent record de 50 milliards d'euros. « C'est du jamais-vu. Cela s'explique par le retour des touristes (+14 milliards d'euros), des gains dans les entreprises de transports (+25 milliards d'euros), et aussi les services financiers (+9 milliards d'euros) », a passé en revue Olivier Becht.

Après plusieurs années de fermetures des frontières dans le contexte de la pandémie, de nombreux touristes étrangers sont venus en France l'été dernier contribuant ainsi à rééquilibrer la balance commerciale globale. Aussi, le Brexit semble avoir eu des répercussions favorables sur la balance des services. « Le dynamisme de la place de Paris s'explique en partie par un effet post-Brexit. Paris est devenue la première place financière en Europe après Londres en 2022, » a expliqué le ministre.

Une désindustrialisation à marche forcée

Ces facteurs conjoncturels n'expliquent pas l'ensemble des mauvais chiffres de 2022. D'autres facteurs plus structurels ont pu également jouer un rôle majeur. « Ce déficit structurel s'explique par la désindustrialisation du pays. 25 ans de désindustrialisation se paie très cher », a déclaré le ministre devant les journalistes.

Malgré cette avalanche de mauvais chiffres, le membre de l'exécutif assume la stratégie économique de l'exécutif. « La France a entamé une politique de réindustrialisation depuis cinq ans », a assuré Olivier Becht. « C'est un mouvement qui prend du temps, mais qui est engagé ».

Pourtant, de nombreux travaux ont jeté une lumière crue sur les facteurs de désindustrialisation propres à l'Hexagone. Le très épais rapport (457 pages) de la commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France dévoilé l'année dernière a pointé par exemple les effets néfastes du « rêve d'une France sans usine » cher à Serge Tchuruck, ex-PDG de Total. « Le rêve d'une France sans usine a montré non seulement ses limites, mais sa dangerosité. Dans un cercle vicieux, les délocalisations d'usines ont entraîné une délocalisation de la recherche et du développement, conduisant dans certaines branches à un manque d'innovations technologiques favorisant de nouvelles délocalisations », a ainsi critiqué le député (PS) et rapporteur de la Commission Gérard Leseul.

Lire aussiQuel ministère pour réindustrialiser la France ? Cinq pistes issues d'un rapport parlementaire pour le quinquennat Macron II

Grégoire Normand
Commentaires 29
à écrit le 09/02/2023 à 11:32
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Dans une France déjà très mal en point financièrement il ne pouvait avoir que de mauvaises surprises en déficits généralisés: commerce extérieur, endettement, croissance, inflation. Nous y sommes car fini le fameux "qyuoi qu'il en coûte" et depuis l...

à écrit le 08/02/2023 à 20:21
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excellent, ce qui a ete seme pousse tres bien!!! le bon peuple de gauche a mis le capital capitaliste dehors, a fait les 35 heures payees 39 dans la rigolade sociale, passe son temps a coller des lois des normes et des impots en envoyant tout ce qu'e...

à écrit le 08/02/2023 à 17:17
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Hélas, il suffit de faire un tour dans certaines enseignes ouvertes le dimanche. N'ayant pas le droit de citer de noms, je ne citerai que la première partie.... GI..., Mega,....la F....., et j'en passe et des meilleurs....Made in China pour 99% des p...

à écrit le 08/02/2023 à 17:15
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Hélas, il suffit de faire un tour dans certaines enseignes ouvertes le dimanche. N'ayant pas le droit de citer de noms, je ne citerai que la première partie.... GI..., Mega,....la F....., et j'en passe et des meilleurs....Made in China pour 99% des p...

à écrit le 08/02/2023 à 14:07
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Les USA et la France ont 3 points communs très négatifs: un déficit commercial monstrueux, un déficit budgétaire abyssal, et une désindustrialisation vertigineuse couplée avec une financiarisation sans fin. Voilà où même l'idéologie Reagano-thachéris...

à écrit le 08/02/2023 à 10:31
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Tous ces commentaires/analyses ont leur part de vérité. Néanmoins, le gros du problème réside dans la mentalité française. La France n'a jamais été une nation commerçante, dans le sens international du terme. C'est le jour et la nuit contre des pays ...

à écrit le 08/02/2023 à 9:52
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Faisons comme l'Allemagne qui permet a ses ouvriers de faire des études supérieures grâce a une vrai formation payé par les entreprises, contrairement a la France ou le diplôme universitaire est un vrai mécanisme de relégation sociale sans possibilit...

à écrit le 08/02/2023 à 0:05
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Contrairement aux Français, les Allemands sont fortement excédentaires car ils sont restés beaucoup plus nationalistes dans la défense de leurs entreprises, mais aussi dans leur vie de tous les jours - et surtout quand ils achètent : Cela commence pa...

à écrit le 07/02/2023 à 18:28
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Il faut réindustrialiser ce pays et vite. Mais une fois que l'on a dit ça, que constate-t-on ? D'une part il faut des capitaux. Or ici on n'aime pas les capitaliste dont on veut taxer à mort les profits. OPn pointe du doigt les entrepreneurs qui réus...

le 07/02/2023 à 18:46
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Oui, ça dit que ça veut réindustrialiser et après ça dit que ça veut faire payer le capital pour les retraites et augmenter encore les charges sur les salaires élevés des plus compétents qui sont indispensables à l'industrie et ne pas baisser les imp...

le 07/02/2023 à 19:29
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Il faut encore trouver des employés formés dans l'industrie et qui veulent y travailler. Il n'y en a pas beaucoup de jeunes qui sortent de l'université avec plein de titres mais ....

à écrit le 07/02/2023 à 18:20
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Donc tout va bien, rien ne change, une constante depuis des années. C'est rassurant de savoir que certaines choses ne changent pas au milieu de ce tumulte.

à écrit le 07/02/2023 à 18:09
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Quand on est dans la rue à pleurer avant d'avoir mal, on n'est pas au boulot. Quand on paralyse la France par des actions qui frisent le terrorisme par la prise en otage des Français, on ne peut pas espérer avoir une économie dynamique.

à écrit le 07/02/2023 à 18:02
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Le moteur exportateur allemand, lui, n'a pas calé en 2022. Le commerce extérieur allemand enregistre un excédent, l'an dernier, de 76 milliards d'euros. C’est bien la désindustrialisation et la vision stratégique de la France sans usines de nos élit...

le 07/02/2023 à 18:19
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Ce n'est pas seulement la faute des élites comme vous dites. Je suis bien placé pour vous dire que j'ai vu partir des investissements en Chine après un bras de fer avec les syndicats extrémistes (suivez mon regard) sur les salaires et le nombre de po...

le 07/02/2023 à 22:30
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Tous ces néolibéraux français des années 90-2000 qui travaillaient pour des obédiences et intérêts privés frisant l’affairisme contre leur pays et les salariés/ contribuables , donneurs de leçon et de morale : Alain madelin . Woerth, Jean Marie Mess...

le 07/02/2023 à 22:30
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Tous ces néolibéraux français des années 90-2000 qui travaillaient pour des obédiences et intérêts privés frisant l’affairisme contre leur pays et les salariés/ contribuables , donneurs de leçon et de morale : Alain madelin . Woerth, Jean Marie Mess...

à écrit le 07/02/2023 à 17:29
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Une actualité qui remonte à 2021 énonce que l'Allemagne pourrait mettre la France sous tutelle. Il est probable que nous n'en sommes pas très loin.

à écrit le 07/02/2023 à 17:29
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c est la faute a l euro au prix du pétrole c est toujours la faute aux autres mais c est la faute au capitalisme français qui s est vendu aux etrangers et qui sont parti ailleurs et au fait pourquoi l Allemagne est a l équilibre ? et bien elle a gard...

à écrit le 07/02/2023 à 15:20
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On devrait rétablir un contrôle des changes. N'importer que ce qui est indispensable, et pas toutes ses conneries venues de Chine à 1 €. Si on avait le Franc cela ferait belle lurette que notre commerce extérieur serait en meilleur position.

le 07/02/2023 à 17:58
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Merci pour cette barre de rire !! Sans l'Euro, ça fait belle lurette qu'on serait en banqueroute mon pauvre !!

le 07/02/2023 à 18:51
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Personne n'investirait en France, sauf les collectivités locales et l'état, meme pas les français. L'économie mondiale est trop interconnectée pour rétablir un contrôle des changes. Après une guerre mondiale peut-etre ça sera possible.

à écrit le 07/02/2023 à 15:19
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Nous vivons dans le paradis de l' "entreprise sans usines" imaginé par l'ancien PDG d'Alcatel Serge Tchuruk. Alcatel n'existe plus, et ce sera bientôt notre tour à nous aussi. Nous nous appauvrissons collectivement à la vitesse grand V , au seul pr...

à écrit le 07/02/2023 à 13:40
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Pourtant la France n'a jamais vendu autant de sac à main, de rouges à lèvres avec LVMH, Kering, loreal... Et jamais autant vendu d'avions avec Airbus et Dassault... Malheureusement, ces grands champions ne sont que l'arbre qui cache la forêt, la prod...

à écrit le 07/02/2023 à 13:36
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Pour que le commerce extérieur français retrouve une croissance, il est indispensable de réindustrialiser massivement, et surtout de réduire drastiquement nos achats en provenance de Chine qui est en train de nous emmener vers une guerre mondiale. IL...

le 07/02/2023 à 14:18
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quand vous avez des 1er ministres qui vous disent ce n'est pas grave il n'y a qu'a acheter aux chinois ce que l'on ne produit plus ou pas la france ne pollue plus ne produits presque plus rien et nos dirigeants son fier de leur decadence et surto...

à écrit le 07/02/2023 à 13:15
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"L'économie française subit de plein fouet les effets dévastateurs de la guerre en Ukraine", heu lol? C'est la guerre en Ukraine qui a décidé des sanctions contre la Russie ou du marché européen de l'énergie qui permet à des escrocs et des spéculateu...

à écrit le 07/02/2023 à 13:11
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Voila. Il faudrait parler de compétitivité du pays au lieu de pouvoir d'achat. Parce que sans compétitivité il n'y aura ni du pouvoir d'achat ni des retraites. Seulement une puissance ennemie pourrait nous suggérer d'augmenter les impots et les pré...

à écrit le 07/02/2023 à 13:10
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Bonjour, Quel surprise, comme notre pays ne produit presque rien , ils faut tout importé... Bien sûr, dire que cela est le fait de la désindustrialisation conduite puis 30 année ne change rien.. Mais certains pays de notre union n'ons pas subit l...

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