Le marché du travail s'est amélioré en 2019... avant l'hécatombe en 2020

Plus de 359.000 emplois ont été crées en France en 2019 selon les derniers chiffres de l'Insee. Mais la crise du coronavirus risque de provoquer des destructions importantes d'emplois si l'économie tarde à redémarrer. Rien qu'entre février et mai, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A a bondi de 920.000.
Grégoire Normand
Dans le bâtiment, les destructions d'emplois pourraient fortement s'amplifier avec la crise du coronavirus.

Les indicateurs de l'emploi en 2019 sont au vert. Selon la dernière livraison de l'institut national de statistiques (Insee) publiée ce jeudi 2 juillet, près de 360.000 emplois ont été crées l'année dernière contre 225.000 l'année précédente. Pour Vladimir Passeron, chef du département de l'emploi et des revenus d'activité à l'organisme public, "le marché du travail est resté très bien orienté en 2019, aussi bien pour l'emploi que pour le chômage. Le premier facteur de fluctuation de l'emploi est la croissance du produit intérieur brut. La croissance a ralenti en 2019 mais est restée relativement robuste à 1,5%".

Cette année, beaucoup d'économistes redoutent une hécatombe sur le marché du travail. Depuis maintenant plusieurs semaines et la fin du confinement, des grands groupes dans l'industrie automobile, l'aéronautique, le commerce de détail ont annoncé des plans massifs de licenciement et des restructurations drastiques sans compter les sous-traitants qui risquent de trinquer. Si les mesures de chômage partiel ont permis de limiter la casse sociale pendant le confinement de huit semaines, le lent et périlleux redémarrage de l'économie tricolore risque de faire des dégâts dans de nombreux secteurs qui ont terriblement souffert pendant la mise sous cloche de l'économie. Le spectre d'un chômage de masse risque de ressurgir rapidement si la récession se prolonge dans les mois à venir.

> Lire aussi : Le spectre du chômage de masse hante les États

En 2019, dynamique de l'emploi dans le privé

La dynamique du marché du travail a été particulièrement portée par l'emploi salarié dans le secteur privé en 2019. D'après les chiffres communiqués par la direction statistique du ministère du Travail (Dares) ce jeudi 2 juillet, l'emploi salarié privé a bondi de 267.000 après 162.000 l'année précédente. En revanche, les créations d'emplois dans le public sont restées relativement modérées (21.000 après -4.000 en 2018).

Du côté de l'emploi non salarié, les chiffres sont plutôt optimistes. Il augmente nettement (+70.000) grâce notamment aux mesures favorables accordées aux micro-entrepreneurs, comme le doublement du plafond de chiffre d'affaires en 2019 et l'élargissement de l'aide aux créateurs d'entreprise (ACRE). Au final, "toutes les hausses de l'emploi ont contribué à la hausse d'ensemble" ajoute Vladimir Passeron lors d'un point presse.

Le tertiaire et la construction en tête

Signe d'une bonne santé du marché du travail, tous les secteurs ont connu des créations d'emplois en 2019. Derrière cette dynamique, il existe néanmoins de fortes disparités. Ainsi, les secteurs tertiaires marchand et non-marchand, qui pèsent énormément dans l'économie tricolore, ont crée environ 227.000 emplois l'année dernière. Dans l'industrie, les voyants sont également au vert. "Depuis 2017, l'industrie (hors intérim) crée à nouveau des emplois (+11.000 en 2019 après +12.000 en 2018)" note l'Insee. Enfin, l'emploi dans la construction s'est très bien porté en 2019 avec 48.000 créations contre 28.000 en 2018. A l'approche des élections municipales, beaucoup de collectivités ont boosté leurs investissements. Ce qui a fortement dopé l'emploi dans le bâtiment et la construction.

Légère amélioration de la qualité de l'emploi

Sur le front de la qualité de l'emploi, les indicateurs sont également favorables. Globalement, la proportion de personnes à temps partiel, en emploi à durée limitée ou en sous-emploi a baissé ces dernières années. En revanche, la part des personnes en emploi à durée indéterminée s'est également infléchie. Après avoir atteint un point haut en 2004 à 78%, cette proportion diminue régulièrement sous l'effet notamment de la hausse de l'emploi non salarié. "Un tiers de la baisse de la part des emplois salariés à durée indéterminée a pour contrepartie une hausse de la part de l'emploi indépendant. En 2019, elle augmente encore, de 0,4 point par rapport à l'année précédente, atteignant 12,1 %" expliquent les statisticiens. Cette proportion demeure très inférieure à celle enregistrée dans les années 80 (18%) et le salariat reste amplement majoritaire sur le marché du travail.

Baisse du taux de chômage, les jeunes toujours en première ligne

Au final, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) a diminué de 0,6 point en un an en passant de 9% de la population active en 2018 à 8,4% fin 2019. Derrière ce panorama positif, l'examen plus approfondi des tableaux de l'institut basé à Montrouge montre que la situation n'est pas si rose. En effet, le taux de chômage reste encore supérieur de 1 point à son niveau de 2008, au moment de la crise. En outre, la baisse du chômage est loin de concerner l'ensembles des catégories de la population. Si toutes les catégories au dessus de 25 ans ont enregistré une baisse, ce n'est pas le cas des jeunes de moins de 25 ans. Ainsi, le taux de chômage chez les plus jeunes est passé de 19,2% à 19,9% entre le dernier trimestre 2018 et le dernier trimestre 2019 avec une hausse particulièrement préoccupante chez les hommes (19,3% à 20,6%).

Envolée des personnes dans le halo du chômage

Là encore, certains indicateurs montrent que la situation est loin de s'améliorer pour une partie non négligeable de la population active. Le nombre de personnes recensées dans le halo du chômage a augmenté de 82.000 sur un an pour s'établir à 1,7 million. Cette catégorie relativement moins connue est "composée de personnes inactives au sens du BIT qui, soit recherchent un emploi mais ne sont pas disponibles, soit souhaitent travailler mais ne recherchent pas d'emploi, qu'elles soient disponibles ou non" indique l'Insee.

Vers une hécatombe en 2020 ?

A ce stade, il est encore tôt pour établir un état des lieux des véritables dégâts du coronavirus sur le marché du travail. Le mécanisme d'activité partielle largement utilisé pendant la période de confinement a permis de préserver une grande partie des effectifs au pic de la crise. Avec le déconfinement et le redémarrage de l'activité, beaucoup de salariés se retrouvent déjà sur le carreau. Les salariés intérimaires ont été les premiers à subir les effets dévastateurs de la crise.

Selon les derniers chiffres du baromètre Prism'emploi publié ce 1er juillet, le travail temporaire enregistre une baisse de -47,4 % par rapport à mai 2019. Le secteur du BTP est celui qui a le plus souffert avec -61%. Il est suivi des services (-53%) et de l'industrie (-47%). Rien qu'au premier trimestre, l'emploi salarié privé a chuté de 500.000, avec une baisse très marquée pour l'intérim (170.000). Entre février et mai, les services de Pôle emploi et de l'Insee ont enregistré une hausse de 920.000 demandeurs d'emploi en catégorie A. Pour 2020, les économistes de la Banque de France s'attendent à une forte hausse du chômage qui pourrait grimper à 10,1% en 2020, 11,7% en 2021, puis reculer à 10,4% en 2022.

Grégoire Normand
Commentaires 2
à écrit le 02/07/2020 à 18:36
Signaler
Avant que ce soit moins bien alors c'était mieux ? :-)

à écrit le 02/07/2020 à 18:32
Signaler
C'est normal, qu'il se soit amélioré en 2019, l'interventionnisme des dirigeants européens et français est omniprésent, on subventionne tout, on "injecte" des liquidités. A force d'intervenir dans l'économie, on ne sait même plus ce qui est viable, e...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.