
Alors que le ministre de l'Économie Bruno Le Maire doit être auditionné sur le projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022) au Sénat ce mercredi, les économistes de l'Institut des politiques publiques (IPP), un centre de recherche rattaché à l'École d'économie de Paris (PSE), ont dévoilé ce mardi 16 novembre un bilan détaillé des mesures fiscales pérennes en faveur des entreprises sur l'ensemble du quinquennat d'Emmanuel Macron. Les deux leviers phares étudiés concernent avant tout la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) qui doit passer de 33% à 25% entre 2017 et 2022 et la diminution des impôts de production, très longtemps réclamée par une bonne partie du patronat.
Cette politique fiscale de l'offre a principalement bénéficié aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et aux grandes entreprises, expliquent les économistes dans leur conclusion.
"Les deux mesures pérennes (baisse de l'IS et des impôts de production) bénéficient peu aux entreprises ayant subi un choc Covid. Les mesures d'aides Covid ont ciblé les entreprises les plus exposées au choc de la crise", a déclaré l'économiste de l'IPP, Clément Malgouyres lors d'un point presse.
Baisse de la fiscalité sur les entreprises : gagnants et perdants
Au total, la baisse de l'impôt sur les sociétés est évaluée à 52,5 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat Macron (10,5 milliards d'euros chaque année). À cette enveloppe, s'ajoutent les 13 milliards d'euros de baisse d'impôts de production comptabilisés dans les budgets 2021 et 2022 par le laboratoire de recherche. Les grands gagnants de cette politique fiscale sont "les entreprises industrielles, capitalistiques, mais peu touchées par la crise sanitaire" expliquent les économistes. Parmi les grands secteurs bénéficiaires figurent l'énergie, l'eau et les déchets, les industries, et l'électronique et l'informatique.
À l'inverse, la construction, les transports ou l'hôtellerie-restauration figurent en bas de tableau. Enfin, la diminution des impôts de production intégrée au plan de relance profitent avant tout au secteur manufacturier et à l'énergie.
"Une proportion significative du plan de relance déployé en 2021 est concentrée sur un soutien non ciblé aux entreprises, en particulier à travers la baisse des impôts de production. Ces mesures, dans un contexte de forte incertitude, seront peu efficaces pour dynamiser l'investissement à court terme et auront un faible effet multiplicateur", indiquent les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans leur ouvrage "L'économie française 2021".
La baisse des impôts de production avait été critiquée par une large partie des collectivités locales dépendantes de ces ressources. Le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt avait indiqué, dans un entretien accordé à La Tribune cet été, que les collectivités seraient compensées de manière "intégrale et dynamique".
Mesures d'urgence : des aides plus ciblées à partir de l'automne 2020
Prêts garantis par l'État, chômage partiel, fonds de solidarité, report ou annulation des cotisations sociales... le gouvernement a déployé une panoplie importante de mesures d'aide d'urgence face à la crise.
Après la mise en œuvre du "quoi qu'il en coûte" annoncée par le chef de l'État Emmanuel Macron au printemps 2020, l'Etat et les différentes administrations ont absorbé une grande partie du choc économique, permettant au tissu productif de sortir de cette crise sanitaire sans trop de dégâts.
"Le choc agrégé sur le revenu national est considérable, et s'est reparti entre les entreprises de manière hétérogène. 60% du secteur privé a vu son chiffre d'affaires baisser. L'impact du choc sur les faillites est concentré sur les firmes ayant subi une très forte baisse de leur chiffre d'affaires. Sans surprise, l'impact du choc sur les faillites est concentré sur les secteurs les plus touchés. Pour un grand nombre d'entreprises, le gouvernement a distingué plusieurs secteurs (S1, S1 bis). Il est possible que ce ciblage n'ait pas été de très grande qualité lors de la première vague", a expliqué l'économiste Laurent Bach, directeur du programme entreprises à l'IPP et enseignant à l'Essec.
Ciblage plus précis lors du second confinement
En matière de stratégie, le gouvernement a clairement opéré un virage à l'automne 2020, au moment du second confinement. Si les premières annonces ont bénéficié à un grand nombre d'entreprises, l'exécutif a ciblé les secteurs les plus touchés au moment de la seconde vague.
"Depuis le début de la crise, l'hôtellerie-restauration a ainsi reçu, en aides publiques, l'équivalent de 45% de la valeur ajoutée annuelle pré-crise du secteur", indiquent les chercheurs.
Contrairement aux mesures pérennes du quinquennat Macron, les dispositifs d'urgence ont principalement bénéficié aux plus petites entreprises et aux secteurs les moins productifs.
Il faut dire que le gouvernement a régulièrement modifié ses critères d'attribution des aides pour tenter de limiter les effets d'aubaine parfois critiqués par les économistes. L'une des craintes des chercheurs de l'IPP et du Cepremap, il y a un an, était que les mesures d'urgence et le plan de relance manquent leur cible.