Les effets dévastateurs de la pandémie sur les entreprises et les salariés

Le conseil national de la productivité (CNP) dans son dernier rapport redoute une hausse des faillites chez les entreprises les plus productives au cours de l'année 2021 avec "un effet de rattrapage".
Grégoire Normand
Lors des crises, c'est au moment de la reprise que les entreprises déposent le bilan a rappelé le président de l'organisme Philippe Martin lors d'un point presse.
"Lors des crises, c'est au moment de la reprise que les entreprises déposent le bilan" a rappelé le président de l'organisme Philippe Martin lors d'un point presse. (Crédits : Reuters/Ralph Orlowski)

Les ravages de la crise sur l'économie française se poursuivent. Dans leur dernier rapport rendu public ce mercredi 6 janvier, le conseil national de la productivité (CNP) regroupant notamment l'ex-économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard et la cheffe économiste de l'OCDE, Laurence Boone, dresse un panorama effrayant des conséquences délétères de la crise sur le tissu productif tricolore.

"Pendant les crises, ce sont les entreprises les moins productives qui sont éliminées. Ce sont des effets schumpétériens. Les entreprises qui sont très productives mais qui sont très endettées peuvent également disparaître. Le risque majeur est que ces entreprises productives disparaissent. Comme cette crise est inédite, il faut être prudent" a expliqué le président de l'organisation, Philippe Martin, lors d'un point presse.

A ce stade, il est encore difficile de dresser un bilan précis des répercussions de cette récession sur la productivité, même si de nombreux travaux d'économistes ont été publiés. 2021 pourrait cependant mettre en relief les effets "domino" de cette pandémie sur l'économie hexagonale.

Mise en hibernation de l'économie, forte hausse des défaillances à prévoir

La propagation du virus sur l'ensemble de la planète a obligé un grand nombre de gouvernements à mettre en oeuvre des mesures drastiques de confinement dès le printemps. Après la levée de ces mesures, la recrudescence du virus à l'automne et l'apparition de mutants dans certains pays ont à nouveau plongé les économies dans un épais brouillard. Si les annonces d'un vaccin ont apporté des lueurs d'espoir, les retards pris dans la campagne de vaccination par certains pays comme la France risquent de freiner la reprise économique. Dans ce contexte sanitaire toujours dégradé, les économistes du conseil hébergé par France Stratégie parlent "d'une mise en hibernation de l'économie" par le déploiement de différentes mesures d'urgence en faveur des entreprises, des salariés et des ménages (Prêt garantis par l'Etat, fonds de solidarité, chômage partiel...) Ils s'attendent néanmoins à une hausse considérable de faillites dans les mois à venir.

"En 2020, la chute des défaillances d'entreprises est principalement liée aux aides financières (PGE, fonds de solidarité). Ce qui est inquiétant est la probable hausse des défaillances d'entreprises. Cela aura un impact sur la productivité dans l'économie française a expliqué Philippe Martin. Même dans cette crise inédite, les déterminants des faillites en 2020 sont toujours la dette et la productivité. On peut penser qu'il y aura un effet de rattrapage en 2021. Pour le moment, c'est une mise en hibernation des entreprises plutôt qu'une "zombification" de l'économie. Les entreprises vont connaître une hausse des dettes dans certains secteurs avec les PGE comme dans l'hébergement-restauration. Il va probablement y avoir une hausse des défaillances de 30%" poursuit-il.

Les économistes s'inquiètent notamment des faillites qui menacent les entreprises les plus productives. "Les liquidités qui ont permis de sauver des entreprises vont peser. Les entreprises qui sont viables mais qui sont endettées ont des difficultés pour innover, investir et embaucher. Ce qui peut avoir un impact sur la productivité. L'excès d'endettement des entreprises détruit de la valeur" ajoute l'enseignant à Sciences-Po. En effet, les défaillance d'entreprises pourraient entraîner d'autres PME et TPE dans leur sillage. Sur ce point, la situation de l'aéronautique est particulièrement alarmante dans le Sud-Ouest avec des sous-traitants et fournisseurs d'Airbus étouffés depuis le début de la crise.

Lire aussi : CARTE. Aéronautique : 4.500 emplois toujours menacés autour de Toulouse

Renégocier la dette des entreprises viables

Face à tous ces risques, le conseil national de la productivité dans son épais document de plus de 160 pages fait quelques préconisations. "Pour réduire les dettes des entreprises, il faut privilégier la renégociation de la dette à l'égard des créanciers, c'est à dire les banques. C'est le rôle des tribunaux de commerce" explique Philippe Martin. Le CNP propose également "un crédit d'impôt qui peut également être envisagé pour les créditeurs qui décident de réduire les créances".

lls suggèrent de mieux cibler les aides sur les entreprises les plus en difficulté et qui sont viables. Enfin, les économistes proposent que lorsque l'Etat est l'un des principaux créanciers à travers les PGE, les créances fiscales et sociales soient aménagées : "l'État doit agir en créancier responsable et flexible, il doit consentir des réductions de dette lorsque c'est nécessaire pour permettre à l'entreprise de se développer ou même de survivre, à condition qu'elle soit viable. Cela peut impliquer une transformation de ces créances en actions, mais c'est dans son intérêt comme dans celui de l'entrepreneur. Il est tout à fait raisonnable d'imaginer que l'État puisse devenir actionnaire minoritaire d'un certain nombre d'entreprises, quitte à prévoir un plan de sortie progressive" indique le rapport.

L'impact incertain du télétravail

Les conséquences du télétravail sur la productivité des salariés sont encore très débattues. La mise en place précipitée du travail à distance au printemps pour des millions de salariés dans des conditions parfois improvisées et le manque de cadre ne sont pas vraiment des conditions favorables pour bien mesurer ces effets. Avec l'expérience, l'adoption progressive d'outils numériques, la réouverture des écoles et des crèches, les entreprises et salariés ont parfois pu s'adapter dans de meilleures conditions lors du second confinement mais il est encore complexe à ce stade de bien évaluer toutes les retombées de cette organisation. "Son impact sur la productivité et le bien-être des salariés est encore mal connu, en particulier dans le contexte français. Cette analyse ne pourra être réalisée sur la seule base de la période de confinement où le télétravail s'est diffusé de manière contrainte" écrivent les auteurs du rapport. Dans une étude rendue publique mardi 5 janvier, deux économistes de la Banque de France, Gilbert Cette et Antonin Bergeaud, estiment "par l'accélération du recours au télétravail qu'elle a provoquée, la crise de la Covid-19 pourrait aboutir à terme à une augmentation durable de la croissance potentielle via une accélération de la productivité".

> Lire aussi : Télétravail : quel impact économique et social ?

L'enjeu crucial des compétences

Le CNP a également mis l'accent sur les effets néfastes d'une telle crise sur le capital humain, "étant le principal moteur de gain de productivité". La montée du chômage et les centaines de milliers de destructions de postes en cours devraient entraîner une forte perte de compétences humaines dans des secteurs stratégiques. "Lorsque le chômage augmente, on assiste à une baisse de l'employabilité des personnes. Cela peut provoquer des effets d'hystérèse (des effets à long terme) sur l'économie avec des pertes de compétences humaines" indiquait Philippe Martin.

Par ailleurs, la fermeture des établissements scolaires et des facultés lors du premier confinement devraient pénaliser les enfants et les étudiants situés dans les catégories les moins favorables. "Le confinement du printemps s'est traduit par un retard dans l'acquisition des compétences par les élèves, en particulier chez les plus fragiles socialement. Du point de vue des résultats scolaires, les expériences de crises précédentes montrent que le retard pris ne sera pas rattrapé si des mesures spécifiques ne sont pas mises en place dans ce but en direction des plus défavorisés" ajoute le rapport. Pour les jeunes qui sont arrivés sur le marché du travail depuis le mois de septembre, l'insertion professionnelle devrait se transformer en parcours du combattant dans ce contexte économique et social morose.

Lire aussi : Emploi: des patrons visent 100.000 offres pour les jeunes d'ici à fin janvier

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 07/01/2021 à 18:20
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Pas grave, macron ira à Bruxelles demander des dons...

à écrit le 07/01/2021 à 9:55
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Ouf ça va ! On ne parle que d'entreprises privées. Pas d'administrations, de conseils, de comités...

à écrit le 06/01/2021 à 19:46
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"Quoi qu'il en coûte" qu'il disait... Donc, c'est pas grave puisque l'État va combler les trous. Le souci, c'est que les trous sont en train de se transformer en puits sans fond. Il ne peut pas "en coûter" éternellement ! Trivialement, on va sauver...

le 07/01/2021 à 11:07
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oui mais les vieux votent pour les partis au pouvoir ! Un jeune au chomage ne votera pas macron et ne votera pas tout court. Un boomer mort c est une voix pour Macron (ou LR/PS au pire) en moins

à écrit le 06/01/2021 à 19:33
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Non, non, les effets dévastateurs sur les entreprises et les salariés ne sont toujours pas ceux de la pandémie mais de l'hystérie sanitariste et administrative...

à écrit le 06/01/2021 à 19:15
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On a un conseil national de la productivité ? On en découvre tous les jours des comités théodules à dudule.. La plus grande source de productivité de l'économie francaise sont les logiciels US d’assistance à la conception, du vrai assistanat !

à écrit le 06/01/2021 à 18:33
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C'est un manque général de liquidité de toutes façons, même les plus grosses entreprises sont touchées, il me semble que la grosse agence de voyage qui a coulé l'année dernière, avant la pandémie c'était cela également. On peut parler tranquillement ...

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