Les faux arrêts de travail en ligne de mire

Face à l’explosion de l’absentéisme, le gouvernement incite les entreprises à renforcer leurs contrôles.
Fanny Guinochet
Illustration
Illustration (Crédits : ⓒ DORIANO STROLOGO)

16 millards d'euros. C'est le coût, pour la Sécurité sociale, des seules indemnités journalières versées aux patients en arrêt maladie. Ces arrêts ont progressé de près de 8 % l'an dernier. Pour Aurélien Rousseau, le ministre de la Santé, « ce n'est pas soutenable ».

Afin de réduire la note, le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS), discuté actuellement au Parlement, pointe les arrêts de travail dits de complaisance. Et encourage les employeurs à procéder à des vérifications. Certes, un patron qui a des doutes sur la réalité de l'arrêt d'un salarié peut déjà envoyer - à ses frais - un médecin contrôleur. Si l'arrêt est jugé injustifié, le versement des indemnités journalières peut être automatiquement suspendu ; le patient ayant un droit de recours. Demain, le PLFSS promet de simplifier le dispositif : « Avant, il fallait en plus un avis obligatoire d'un médecin de l'Assurance maladie ; cette étape est supprimée », explique le ministère de la Santé, qui entend aussi repérer les entreprises où les arrêts augmentent fortement. Mais pour les sociétés privées de prévention de l'absentéisme, comme Securex, Contrôle médical service ou Medicat Partner, qui effectuent notamment ces contre-visites à la demande des employeurs, cet ajustement ne changera pas la donne.

Le gouvernement cible aussi les soignants trop conciliants avec leurs patients. Le texte doit les empêcher de prescrire des arrêts de plus de trois jours par téléconsultation, sauf s'il s'agit du médecin traitant du salarié. Pourquoi cette limite ? « Si l'état de santé de l'assuré ne s'améliore pas, ou s'aggrave après ces trois jours, il doit être examiné physiquement », assure le projet de loi. Selon l'Assurance maladie, les arrêts à la suite d'une téléconsultation représentent pourtant à peine 0,6 % de la facture totale des indemnités journalières. Mais l'exécutif veut stopper le juteux business des plateformes Web où, moyennant quelques euros, on peut se procurer de faux arrêts de travail auprès de médecins peu regardants.

Lire aussiTélétravail : les Français sont les champions européens de la présence au bureau

Syndromes somatiques

Pour la gauche, le gouvernement se trompe de cible. Si les salariés sont plus nombreux en activité, il est normal que le nombre d'arrêts augmente. En cause, aussi, la démographie : une population vieillissante, le recul de l'âge de départ à la retraite, le maintien dans l'emploi des seniors s'accompagnent toujours d'une hausse des arrêts. Aussi, pour les syndicats, comme la CFECGC, « l'exécutif tape sur les travailleurs en laissant penser qu'ils sont fainéants ». Pour MG France, qui représente les généralistes, « il met une fois encore sous pression les médecins, alors que certaines pathologies explosent ». En témoigne l'envolée de syndromes somatiques auparavant rarissimes. « En 2022, les arrêts de travail liés à la santé mentale, comme la dépression, ont représenté autour de 17,5 % du total », assure le docteur Rémi Pécault-Charby, responsable de la mission animation du centre médical de la Cnam. « Depuis le Covid, les actifs sont fatigués, confirme Benoît Serres, de l'Association nationale des DRH (ANDRH). Les gens craquent, s'arrêtent quelques jours, reviennent au travail, repartent en maladie parfois des mois... Pour les entreprises, gérer ces arrêts de travail "perlés" est difficile. »

Signe d'une véritable dégradation de notre santé ou d'un rapport au travail plus distant ? Par exemple, l'augmentation des arrêts chez les jeunes est plus marquée que chez leurs aînés... sans explication. « Il faut analyser ces nouveaux comportements, ne stigmatiser personne, dialoguer avec les entreprises, les médecins qui prescrivent, les salariés », plaide le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, qui lance une concertation. En attendant, le gouvernement renonce à faire payer les indemnités journalières - entre le quatrième et le septième jour - par les employeurs, comme envisagé au printemps. Pas question de braquer le patronat. « On ne va pas prendre une mesure punitive si ce n'est pas la bonne réponse au diagnostic », assure le ministère. Sa prescription ? Encourager les entreprises à faire de la prévention, détecter les premiers signes de malaise au travail, inciter les salariés à se faire vacciner contre la grippe pour éviter les maladies hivernales... Rien de très contraignant. ■

Fanny Guinochet
Commentaires 5
à écrit le 30/10/2023 à 7:21
Signaler
Que les TPE et PME commencent par respecter les plans QHSE... à condition qu'ils existent. Le nombre d'entreprises où les règlementations sont quasi inexistantes est hallucinant. Un investissement de quelques millions dans des postes d'inspecteurs pe...

à écrit le 29/10/2023 à 18:12
Signaler
C'est aussi un moyen pour les employeurs d'éviter un licenciement pour les fins de carrières et avec le report de l'âge de départ en retraite le phénomène va s'amplifier .

à écrit le 29/10/2023 à 14:52
Signaler
Encore l'éternelle ritournelle des fraudeurs!

à écrit le 29/10/2023 à 11:43
Signaler
"Pour Aurélien Rousseau, le ministre de la Santé" On peut rappeler que le socialiste de 47 ans est aussi le mari de Marguerite Cazeneuve, ancienne conseillère sociale de l’Élysée et de Matignon, aujourd'hui numéro deux de l’assurance-maladie.L'épo...

à écrit le 29/10/2023 à 9:48
Signaler
Forcer les gens à travailler a des conséquences hein, il serait temps que nous responsables assument leurs responsabilités au lieu de nous dire sans arrêt que c'est de notre faute.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.