Budget de la Sécurité sociale : le gouvernement hésite à ponctionner les caisses de retraite complémentaire

Le gouvernement hésite encore, jusqu'à la dernière minute, pour savoir s'il ponctionne, ou non, l'Agirc-Arrco, la caisse de retraites complémentaires du privé. Deux lignes s'affrontent au sein de l'exécutif : une ligne dure prônée par Olivier Dussopt et une moins volontariste à Matignon. L'examen du PLFSS 2024, projet de loi de financement de la Sécurité sociale, débute ce mardi.
Fanny Guinochet
Si Olivier Dussopt n'a pas d'état d'âme, c'est parce qu'il estime avoir prévenu les partenaires sociaux.
Si Olivier Dussopt n'a pas d'état d'âme, c'est parce qu'il estime avoir prévenu les partenaires sociaux. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Au cœur du dilemme : jusqu'à 1 milliard d'euros. C'est ce que pourrait ponctionner le gouvernement au régime de retraite complémentaire des ex-salariés du privé, Agirc-Arrco. Objectif, alimenter le régime de retraite général. Seul hic, la plupart des partenaires sociaux, CGT et Medef en tête, sont contre. En outre, deux lignes, deux visions s'affrontent au sein du gouvernement.

Lire aussiRetraites : les pensions complémentaires des ex-salariés du privé (Agirc-Arrco) revalorisées de 4,9%

Le dossier est tellement sensible politiquement qu'à la veille de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à l'Assemblée nationale, ce lundi, l'exécutif n'a toujours pas tranché.

Lire aussiBudget sécu : comment le gouvernement compte économiser 3,5 milliards d'euros

La ligne dure du ministre du Travail

Pour le locataire de la rue de Grenelle, au ministère du Travail, inutile de tergiverser. Il faut piocher dans les recettes de l'Agirc-Arrco. Si Olivier Dussopt n'a pas d'état d'âme, c'est parce qu'il estime avoir prévenu les partenaires sociaux, avant l'été, de la nécessité d'un abondement nécessaire des régimes complémentaires au régime de base. Avec cet argument : la réforme des retraites, en reculant l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, fait gagner de l'argent aux régimes complémentaires. Il estime donc normal que ces derniers en restituent une partie pour payer, notamment la revalorisation des petites pensions. « Ils ne veulent pas de la réforme, mais ils veulent bien les gains de la réforme », résume son entourage.

Le ministre du Travail pensait qu'un compromis pourrait être trouvé avec les partenaires sociaux, gestionnaires de l'Agirc-Arrco - au moins à hauteur de 500 millions d'euros cette année. Sauf qu'à l'exception des deux organisations patronales CPME et U2P, les syndicats et le Medef ont dit « non » au ministre.

Pas question pour eux, en effet, de toucher à l'argent de la caisse de retraite du secteur privé gérée de façon autonome depuis plus de 70 ans.

« Nous ne voulions pas de cette réforme des retraites, que nous avons combattue, il n'y a aucune raison que ce soit la double peine pour les retraités du privé à qui le gouvernement demande déjà de travailler deux ans de plus », assène ainsi Sophie Binet à la tête de la CGT.

Pour Patrick Martin, président du Medef, il n'en est pas question non plus, mais le patron des patrons en fait plutôt « une histoire de principe, de respect du paritarisme, du dialogue social. » Surtout, si aujourd'hui, le gouvernement commence à piocher dans ces caisses de retraite, c'est la porte ouverte à d'autres ponctions, notamment à l'Unédic.

Reste que pour boucler son budget, le gouvernement a du mal à faire l'impasse sur ce milliard d'euros. A fortiori, parce que celui-ci s'inscrit dans le pacte de stabilité que la France a adressé à Bruxelles. Aussi, à Bercy observe-t-on, la même ligne que prônée par Olivier Dussopt.

L'article 10 du PLFSS en question

Puisque les syndicats et le Medef ont fermé la porte à tout geste concerté, le gouvernement doit trouver une solution s'il souhaite obtenir cet argent. Selon nos informations, l'option envisagée consiste à déposer, via la majorité, un amendement à l'article 10 du PLFSS. Objectif affiché, mettre fin au principe de compensation intégrale des allégements généraux vers les régimes. Jusqu'alors, chaque année, le gouvernement reversait à l'euro près ce qu'il devait aux organismes sociaux après les allégements de cotisations.

Lire aussiExonérations de cotisations : le torchon brûle entre Bercy et la majorité, les patrons en colère

Las, l'exécutif pourrait acter une véritable rupture et en finir avec la sanctuarisation de ces compensations. Cette année, pour l'Agirc-Arrco, le montant devant être reversé par l'Etat est estimé entre 7 et 8 milliards d'euros, par les gestionnaires des régimes. Mais, avec un tour de passe-passe, l'exécutif pourrait décider de rétrocéder seulement 6 milliards d'euros, ce qui lui permettrait de ponctionner au passage 1 milliard d'euros. En clair, ce que les partenaires sociaux ont refusé de donner.

« L'exécutif aurait d'autant moins de mal à le faire, que ce mécanisme est déjà inscrit dans le projet de loi pour l'assurance chômage », note une source proche du dossier.

La ligne floue de Matignon

Du côté de Matignon, l'opposition des partenaires sociaux a beaucoup agacé. Mais Elisabeth Borne hésite néanmoins à en passer par une moindre compensation dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Selon nos informations, alors qu'elle cherche à renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, la Première ministre ne veut pas mettre de l'huile sur le feu.

Lire aussiConférence sociale : l'unité de façade

En outre, le sujet a vite pris une tournure politique. Marine Le Pen, la cheffe de file des RN, évoque « un pillage » gouvernemental, et demande à s'opposer à tout prélèvement. Les Républicains, eux aussi, montent au créneau, menaçant le gouvernement d'une motion de censure s'il ponctionne la caisse des retraités du privé, plutôt que d'être capable de mener une réforme de l'Etat.

Idem à gauche, où les députés du PS, comme Jérôme Guedj, s'insurgent contre un gouvernement qui tient un double discours, en affichant, « le respect des partenaires sociaux, d'une part, et de l'autre, en leur faisant les poches. »

Ce lundi après-midi, la question n'était toujours pas tranchée. L'Elysée devait se prononcer dans la soirée. L'examen du texte commence ce mardi à l'Assemblée nationale.

Fanny Guinochet
Commentaires 10
à écrit le 24/10/2023 à 11:37
Signaler
Précisions pour tous: en réalité il ne s'agit pas vraiment de savoir si les régimes publics sont ou non plus favorables en retraites que celles du privé seulement POURQUOI CES REGIMES SONT TOUJOURS EN DESEQUILIBRE FINANCIERS ? ce que les régimes du p...

à écrit le 23/10/2023 à 20:11
Signaler
ils ne savent vraiment plus qui voler.......a l'ecole francaise, le petit qui sait faire une addition et connait sa recitation est desormais puni, car il stigmatise au facies celui qui n'a pas la chance de savoir.......on habitue les petits francais ...

à écrit le 23/10/2023 à 19:01
Signaler
Les caisses de retraite privées sont pleines et bien gérées a la difference du regime par repartition qui est une vraie ruine... encore un delire de gauche....

à écrit le 23/10/2023 à 18:53
Signaler
Quelles que soient les raisons, les fonds AGIRC ARRCO appartiennent aux salariés du privé et ne doivent pas servir à sauver la dette abyssale de l'état mal géré

à écrit le 23/10/2023 à 18:04
Signaler
Une réforme des retraites, une durée de vie qui baisse et surtout une incapacité à gérer quoique ce soit. Conséquence, le gouvernement vole les caisses complémentaires qui sont correctement gérées. Cela s'appelle un vol d'Etat alors non condamnable. ...

à écrit le 23/10/2023 à 17:18
Signaler
S'il y avait eu une Vraie Réforme des Retraites il n'y aurait aucun problème de financement de celle des fonctionnaires et agents de l'Etat s'ils étaient passés comme le Privé à une assiette de calcul sur 25 ans et non les 6 derniers mois à 75% Donc ...

le 23/10/2023 à 18:52
Signaler
@revanchard :pour avoir taffé dans le régime public puis privé il u d ' autres différence et non des moindres: -public : 1/commes1/3 des conventions collectives du privé, les grilles de salaires débutent sous le smic pour 50% des entreprises ou a...

le 23/10/2023 à 18:56
Signaler
@revanchard :pour avoir taffé dans le régime public puis privé il y a d ' autres différence et non des moindres: -public : 1/comme 1/3 des conventions collectives du privé, les grilles de salaires débutent sous le smic pour 50% des entreprises o...

le 23/10/2023 à 20:56
Signaler
Et oui comme à toutes les réformes des retraites depuis des décennies, c'est les salariés du privé qui doivent remettre à flot les régimes spéciaux ou publics.... Le gouvernement sait très bien que les salariés du privé ne descendront jamais dans la...

le 24/10/2023 à 0:00
Signaler
Le calcul du régime de retraite que vous évoquez qui semble à priori « plus favorable «  n´ est pas tant que ça : il exclu les primes, il n a pas de retraite complémentaire car coûterait trop cher à l état et boîte publique en cotisations patronales...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.