Il va y avoir du sport dans les Hauts-de-France : face à Xavier Bertrand et au RN, pas moins de cinq ministres et secrétaires d'Etat se retrouvent dans cette région candidats sur les listes LREM aux prochaines élections. A commencer par la tête de liste : le plutôt méconnu Laurent Pietraszewski, secrétaire d'Etat chargée des Retraites, qui est pourtant un pur produit du coin en étant un ancien haut cadre d'Auchan avant de se lancer en politique en 2017. À ses côtés, on trouvera aussi Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, ancien président de la chambre des métiers et de l'artisanat du Nord-Pas-de-Calais, ainsi que trois poids lourds du gouvernement : Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et ancien maire de Tourcoing, Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, ainsi qu'Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée à l'Industrie.
Lorsque la candidature de cette dernière fut officialisée, l'équipe de Xavier Bertrand en contesta la validité, en soulignant qu'elle était « inscrite, au moins jusqu'à l'année dernière, sur les listes électorales de Paris », puisque candidate aux municipales dans le 16e arrondissement. En réponse, l'entourage de la ministre rétorqua qu'elle était « très sereine » puisqu'elle avait « désormais une partie de sa vie personnelle dans le Pas-de-Calais ». En d'autres termes, Agnès Pannier-Runacher assume totalement ce que, dans l'ancien monde, on qualifiait de « parachutage » politique.
Cette arrivée dans le Pas-de-Calais de cette « techno » habituée aux postes de direction dans le privé comme dans le public est un signe qui ne trompe pas : qu'on se le dise, Agnès Pannier-Runacher a de grandes ambitions politiques. Et c'est pourquoi la ministre souhaitait se sortir de son image Auteuil-Neuilly-Passy, le célèbre triangle d'or parisien. Quoi de mieux pour cela que de se lancer dans une terre industrielle sinistrée socialement... Pour ce nouveau défi, Pannier-Runacher va recevoir l'aide de son « conseiller politique et élus locaux », Nicolas Bays, qui a toute sa confiance. Ce régional de l'étape a été député du Pas-de-Calais sous Hollande, après avoir servi deux anciens barons locaux : il fut l'assistant parlementaire de Daniel Percheron, et le chef de cabinet de Jacques Mellick. L'ex camarade socialiste Bays, proche de Jean-Christophe Cambadélis, est aussi devenu un très proche d'Emmanuel Macron.
Si Pannier-Runacher était encore inconnue des Français en 2017, elle multiplie depuis quelques mois les interventions médiatiques. Encore discrète quand elle fut nommée après la présidentielle « simple » secrétaire d'Etat « auprès de Bruno Le Maire » sans autre fonction officielle, elle fait désormais feu de tout bois depuis qu'elle a été nommée ministre déléguée en charge de l'industrie lors de la constitution du gouvernement de Jean Castex en juin dernier. Elle pilote ainsi le groupe de travail consacré au volet industriel du « pacte productif 2025 », et n'hésite pas à aller au contact sur le terrain, devant parfois répondre à la détresse de salariés subissant des plans sociaux et des fermetures d'usines, comme Bosh à Rodez, Whirlpool à Amiens, ou Bridgestone à Béthune. L'industrie est d'ailleurs une affaire de famille chez les Pannier-Runacher : son mari est haut cadre d'Engie, et son père fut durant une trentaine d'années directeur général du groupe pétrolier Perenco, avant de devenir banquier d'affaires à Genève.
La première présidente de la République ?
C'est aussi elle qui a la lourde tâche de réparer le fiasco des masques et autres matériels sanitaires sur le front de la Covid-19, ou d'améliorer en urgence les capacités de production et de développement des vaccins dans notre pays au nom de la « souveraineté sanitaire » qu'Emmanuel Macron a appelé de ses voeux dès le début de l'épidémie.
Comme son patron, la ministre a parfois l'habitude de parler (trop) cash : en mars 2020, au moment où les bourses mondiales s'affolaient avec l'explosion de l'épidémie, elle répondit à un journaliste d'une chaine d'info : « Nous avons aujourd'hui un système financier qui est beaucoup plus solide que pendant la crise de 2008 [...] C'est plutôt le moment de faire des bonnes affaires en Bourse aujourd'hui ». Et tout juste un mois après, elle expliqua qu'il « faudra probablement travailler plus qu'on ne l'a fait avant » pour « rattraper ce mois perdu », suscitant, à là encore, un tollé médiatico-politique. La ministre est donc adepte de la « disruption ».
C'est qu'Agnès Pannier-Runacher a rejoint très tôt Emmanuel Macron dans son aventure présidentielle. Elle fut l'une des premières adhérentes d'En Marche ! Référente du mouvement dans le 16e arrondissement, elle en fut l'un des discrets piliers, devenant, par exemple, membre la stratégique commission nationale d'investiture du mouvement aux législatives de 2017. C'est en 2007 qu'elle rencontre Emmanuel Macron pour la première fois lors d'un déjeuner de son corps d'origine, l'inspection des Finances, dont le futur président est alors chef de mission. A l'époque, elle est directrice adjointe des finances et de la stratégie de la Caisse des Dépôts.
Cette inspectrice des finances passée par HEC connait également très bien le puissant secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler. Ils sont tous les deux issus de la même promo Averroès de l'ENA. À la Caisse, son ascension fut rapide. Chargée notamment des acquisitions stratégiques, elle fut également administratrice d'Icade, la filiale immobilière du groupe public, avant de devenir directrice générale d'une autre de ses filiales stratégiques, la Compagnie des Alpes, chargée du développement international et de la « performance des domaines skiables et des centres de loisirs ».
Et pourtant : celle à qui l'on a proposé un jour de devenir la directrice générale de cette vénérable institution qu'est la CDC, a préféré décliner l'offre, ne se voyant pas ad vitam aeternam haut fonctionnaire. Au point qu'on chuchote désormais à Paris que cette quadragénaire caresse des ambitions plus hautes encore... « Elle ne cache pas qu'elle veut devenir la première présidente de la République », nous souffle un initié. Décidément, à défaut de susciter les vocations, Emmanuel Macron démultiplie les ambitions.