Régionales : Emmanuel Macron et l'effet de levier

Même si elle a tourné court, la tentative de rapprochement entre LR et LREM en Région Sud a montré que les élections régionales sont un prélude à la présidentielle en 2022. Pour Emmanuel Macron, il devient même urgent d'élargir sa base électorale s'il veut briguer un deuxième mandat.
Robert Jules
Si il veut l'emporter en 2022, Emmanuel Macron n'a d'autre choix que de vampiriser LR, comme il l'avait fait avec le PS.
Si il veut l'emporter en 2022, Emmanuel Macron n'a d'autre choix que de vampiriser LR, comme il l'avait fait avec le PS. (Crédits : Reuters)

En finance, l'effet de levier est un terme général qui désigne une technique permettant de multiplier les profits mais aussi les... pertes. Emmanuel Macron est en train de l'utiliser pour les élections régionales. En effet, son jeune parti présidentiel, LREM, peine à s'affirmer sur le terrain local, aucun de ses candidats n'étant à ce jour bien placé pour emporter une région, sauf son allié à l'Assemblée nationale, le Modem, qui est à la tête d'une liste commune en Centre-Val de Loire en la personne du ministre des Relations avec le Parlement Marc Fesneau. Néanmoins, il dispose de suffisamment de poids électoral pour jouer les trouble-fêtes, sinon les faiseurs de rois ou de reines. Ce qui permet de faire monter les enchères, en particulier face à la droite républicaine, qui se trouve talonnée dans plusieurs régions par le candidat du Rassemblement national.

Dommage collatéral

Mais comme l'a illustré le cas de la Région Sud, cela ne va pas sans risque. Elu président délégué avec l'actuel maire de Nice Christian Estrosi en 2015, le LR Renaud Muselier, patron de l'association Régions de France a dû faire volte-face après l'annonce du Premier ministre d'une fusion avec la liste LREM, qui a soulevé l'ire des leaders de son parti, qui menaçaient d'exclure immédiatement cet ancien secrétaire d'Etat de Jacques Chirac. Non seulement l'opération a tourné court mais elle a eu pour dommage collatéral l'élimination pure et simple de la liste LREM, menée par la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées Sophie Cluzel, partie tester les électeurs dans une élection départementale.

Cette opération ratée aura toutefois montré que les élections régionales sont un prélude à l'élection présidentielle d'avril 2022. Il est en effet urgent pour l'ancien ministre de l'Economie de François Hollande d'élargir sa base électorale pour l'emporter face à Marine Le Pen, du moins si telle est la configuration du second tour que prévoient les sondages aujourd'hui.

En effet, LREM, parti composite, tiraillé entre plusieurs tendances et personnalités, que nombre de députés ont déjà quitté, ne peut pas à lui seul rassembler suffisamment pour permettre à Emmanuel Macron d'obtenir un deuxième mandat. Il est donc nécessaire pour lui de trouver des alliés.

Vampiriser LR

Or, pour ce faire, il n'a d'autre choix que de vampiriser LR, comme il l'avait fait avec le PS. Le parti de droite a déjà perdu son centre - le courant représenté par Alain Juppé - qui a rallié Emmanuel Macron dès le lendemain de son élection avec Edouard Philippe comme Premier ministre. Par ailleurs, il attire également une partie de son électorat, comme l'ont montré les dernières élections européennes.

En mai 2019, François-Xavier Bellamy, nouveau visage de la jeune génération de LR, avait plutôt fait une bonne campagne, et les sondages lui prédisaient un score autour de 12%. LREM était à la peine avec une tête de liste, Nathalie Loiseau, ex-directrice de l'ENA, peu rompue aux campagnes électorales, qui avait multiplié les faux-pas. Les sondages la plaçaient autour de 18%. Pourtant, les résultats finaux ont montré de façon surprenante un jeu de vases communicants entre LR et LREM, qui ont respectivement obtenu 8,5% et 22,4%, évitant au parti présidentiel d'être distancé par le RN, en lui permettant d'obtenir le même nombre de sièges.

Ce choix des électeurs LR illustre le dilemme dans lequel le parti de la droite républicaine se débat. Fragilisé depuis des années, notamment depuis la défaite de François Fillon à la présidentielle, plombé par ses ennuis judiciaires dont le procès Bygmalion qui s'est ouvert ce 20 mai, son électorat est tiraillé entre ceux qui pensent que pour peser sur la politique de la France, il est préférable de s'allier avec la majorité présidentielle, d'autres au contraire que ce serait hâter la désagrégation du parti, sans compter ceux qui sont attirés par la dynamique du RN.

Car LR, comme le PS d'ailleurs, est d'abord et avant tout fragilisé de l'intérieur : sans véritable leader, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, qui ont depuis quitté le parti, et Laurent Wauquiez se disputant une candidature à l'élection présidentielle, sans véritable colonne vertébrale idéologique, traversé par des divisions, nombre d'électeurs LR sont donc tentés d'aller voir ailleurs.

Il est donc logique que dans ces élections régionales, LREM négocie auprès de LR son capital électoral pour lui permettre de gagner certaines présidences, que ce soit dans la Région Sud ou dans les Hauts de France. Un tel adoubement, voire baiser de la mort, pourrait donner lieu à un appel de LR à voter Macron contre Le Pen, au deuxième tour des présidentielles.

L'absence de la gauche durant six ans

En effet, la gauche et les écologistes, qui avaient déjà sauvé LR en 2015 dans les Hauts de France et en Région Sud, au prix d'un retrait pur et simple qui s'est soldé par la présence d'aucun élu de gauche durant 6 ans dans ces conseils régionaux, ne semblent pas vouloir cette fois-ci réitérer l'opération s'ils peuvent se maintenir au second tour, d'autant qu'ils sont hostiles à la politique menée par Emmanuel Macron.

Reste à savoir où en sont les électeurs LR et quel sera le candidat ou la candidate qui portera les couleurs de leur parti? C'est la raison pour laquelle un rapprochement entre LR et LREM dès ces élections régionales aurait eu le mérite de clarifier la situation.

Car, après tout, un gouvernement où les postes aussi importants que ceux de Premier ministre, de ministre de l'Intérieur ou encore de ministre de l'Economie sont détenus par d'anciens LR donne une indication suffisante sur l'orientation générale de la politique menée par le président.

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Robert Jules

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Commentaires 9
à écrit le 21/05/2021 à 15:18
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Ces magouilles électorales sont surtout l'occasion de mettre au grand jour les convictions réelles , la sincérité ou le carrièrisme et l'hypocritie de beaucoup ( TROP ! ) de politiques de ce pays ! Et il n'y a pas de quoi pavoiser........

à écrit le 21/05/2021 à 10:12
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Nous avons un paysage politique éclaté , dans la réalité, il faudrait clarifier la situation. Nous avons les mondialistes libéraux, le Modem, une partie de la LREM et de LR. De l'autre coté, les nationalistes , ceux qui ne veulent pas laisser la Fran...

à écrit le 21/05/2021 à 10:07
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La vérité est que le grand gagnant sera la pèche à la ligne et le grand perdant la démocratie ; le pourcentage des abstentionnistes n'est jamais rappelé dans les média quand ils donnent les résultats des sondages. Ça relativiserait bien des choses. ...

le 21/05/2021 à 15:20
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La démocratie perdante n'est QUE le fait du cheptel politique de ce pays .......depuis des décénnies !

à écrit le 21/05/2021 à 8:40
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Il aurait du lutter contre ce racisme puant qui empoisonne la France au plus haut rang cet héritage décliniste du national socialisme qui n'a jamais été puni, même pas chassé de notre pays après guerre. Mais il est bien trop dépendant lui aussi de l'...

à écrit le 21/05/2021 à 5:19
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Pour avoir pulvérisé le système politique, avec la complicité de la majorité des partis d'ailleurs, et confisqué le débat démocratique, Macron sera réélu sans problèmes en 2022. Une fois encore, on va faire peur au peuple avec Marine, et ça va march...

à écrit le 21/05/2021 à 4:41
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La fin de ce petit facho s'annonce certaine. Il est temps vu ce qu'il reste du pays France. Pire que ce freluquet, ca n'est pas possible.

à écrit le 20/05/2021 à 22:07
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Les gens devraient se rendre compte quand ils ont perdu.

à écrit le 20/05/2021 à 18:19
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Il est rentré au pied de biche, il sortira a la catapulte. Et pourtant je n'aime aucun de ses concurrents. Next délire please. (et toujours content, enfin presque)

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