La pandémie a fait des ravages sur le marché du travail. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee publiée ce mardi 15 décembre, plus de 700.000 emplois seraient détruits cette année. Dans le détail, près de 600.000 postes de salariés ont été détruits et 100.000 emplois non salariés ont disparu. Les vagues d'épidémie et de confinement ont été désastreuses pour l'emploi.
"L'emploi avait chuté fortement au premier semestre avec près de 700.000 destructions d'emplois. Entre juin et septembre, 400.000 emplois ont été crées dans les services marchands et non-marchands. Il devrait y avoir un nouveau recul de l'emploi salarié au dernier trimestre avec 300.000 emplois en moins. Au total 600.000 emplois salariés ont été détruits" a déclaré Olivier Simon lors d'un point presse.
Sur l'ensemble de l'année, les statisticiens anticipent un recul du produit intérieur brut d'environ 9%. "La crise est encore conditionnée par la situation sanitaire à rebours des crises antérieures. La situation est très évolutive. L'Allemagne par exemple se reconfine avec un régime assez strict" a expliqué le chef du département de la conjoncture, Julien Pouget. Notre prévision de perte d'activité est d'environ 8% sur l'ensemble du quatrième trimestre par rapport au quatrième trimestre 2019. Le chiffre annuel du PIB est estimé à -9%. C'est un chiffre que l'on publie depuis le mois de juillet. Le rebond a été plus fort que prévu au troisième trimestre. En revanche, il y a de nouveau un recul au dernier trimestre. Le coût de la crise sanitaire est supérieur à -9%. Compte tenu des premières estimations pour 2020 (environ 1% de croissance), le coût de la crise est estimé à une dizaine de points de PIB sur l'ensemble de l'année 2020" a-t-il poursuivi.
Les services en première ligne
Le choc économique a eu des répercussions hétérogènes. Les tableaux dressés par l'institut de statistiques montrent que le tertiaire a particulièrement été frappé par cette crise économique avec une chute brutale annuelle d'environ 4%. Plus de 480.000 postes en moins ont été recensés par les services de l'Insee. Sans surprise, l'hébergement-restauration enregistre les plus fortes pertes avec environ 200.000 emplois en moins (-17,3%). Viennent ensuite les services aux entreprises (-90.000 ; -3,1%) et les services aux ménages (-71.000, -5,4%). Beaucoup de ces secteurs ont particulièrement été exposés aux mesures administratives visant à limiter les interactions physiques lors des périodes de confinement.
L'industrie paie un lourd tribut
Le tissu productif tricolore déjà miné par des décennies de désindustrialisation et de délocalisations devrait souffrir encore pendant de longs mois. En effet, l'Insee note que 96.000 emplois ont été détruits cette année et les effets délétères de la crise risquent de se prolonger dans des secteurs stratégiques tels que l'aéronautique ou l'automobile. L'industrie hexagonale qui avait recommencé à créer des emplois depuis deux ans est à la peine. La plupart des grands partenaires commerciaux en Europe comme l'Allemagne remettent actuellement en place des mesures de confinement plus drastiques en cette fin d'année et la perspective du Brexit assombrit les opportunités pour les exportateurs français. Si la crise a ravivé les débats sur la relocalisation, il semble pour l'instant qu'elle ne concernerait qu'une très faible partie de l'activité. Il s'agit essentiellement de la santé et des industries pharmaceutiques. Dans la construction (-11.000) et l'agriculture (-5.000) les dégâts sont plus limités.
Un taux de chômage en trompe l'oeil
La pandémie a donné le tournis aux statisticiens. Les mesures de confinement mises en oeuvre cette année ont bousculé leur outils de statistiques et leurs modèles de prévision. Sur ce point, le taux de chômage au sens du bureau international du travail peut paraître dépassé. En effet, le taux de chômage serait d'environ 8,1% à la fin de l'année 2020. "Au second trimestre, le taux de chômage a diminué à 7,1%. C'est une baisse en trompe l'oeil qui traduisait le contexte du confinement. Les demandeurs d'emploi ne pouvaient plus remplir les critères classiques et ont rejoint les effectifs du halo du chômage" a précisé Olivier Simon. En effet, les périodes de confinement ne permettaient pas à la plupart des demandeurs d'emploi de répondre aux critères du chômage établis par l'organisation internationale du travail. Une grande majorité des personnes sans emploi ne pouvait pas se déclarer disponible dans les 15 jours pour travailler alors que des pans entiers de l'économie française étaient paralysés et que les autorités avaient appelé les Français à se confiner. Cette baisse en trompe-l'oeil montre les limites de certains indicateurs et rend nécessaire l'examen d'autres instruments de mesure pour rendre compte de l'état du marché du travail.
Le halo au plus haut
En parallèle, le halo du chômage a continué de grimper par "un effet de vase communicant". En effet, lors des périodes de confinement, beaucoup de personnes se retrouvant dans l'impossibilité de chercher un emploi ont basculé dans le halo autour du chômage (personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais ne sont pas en recherche active et/ ou ne sont pas disponibles). Au cours du second trimestre par exemple, 6% des personnes âgées de 15 à 64 ans se sont retrouvées dans cette situation délicate, soit 1,9 point de plus qu'au premier trimestre.
Revenus : des pertes limitées
Les revenus des ménages ont été relativement préservés malgré l'ampleur de la crise. Le revenu disponible brut des ménages a ainsi légèrement augmenté (0,2%). "La chute du revenu des ménages a été compensée par les prestations sociales (chômage partiel, RSA) au second trimestre. Le revenu des ménages a augmenté au troisième trimestre. En revanche, il reculerait au dernier trimestre. Les prestations sociales viendraient compenser les pertes a indiqué Olivier Simon. Au final, les revenus des ménages augmenteraient très légèrement de 0,2%. Compte tenu de l'inflation, le pouvoir d'achat serait en baisse de 0,3% sur l'année 2020. C'est une baisse relativement limitée par rapport au recul de l'activité" a-t-il poursuivi. Evidemment cette baisse moyenne peut masquer des contrastes important au sein de la population française. Beaucoup de travailleurs au statut précaire ont perdu rapidement leur revenu d'activité ou se sont retrouvés en activité partielle pendant plusieurs mois.