Lutte contre le gaspillage alimentaire : la Belgique à l'avant-garde

Depuis presque trois ans, les supermarchés de Herstal, en Belgique, ont obligation de donner leurs invendus à des associations. Quelles leçons tirer de l'initiative belge, au moment où la lutte contre le gâchis alimentaire s'intensifie en France ?
Chaque année, 1,3 milliard de tonnes de nourriture est gaspillée, estime l'Organisation des Nations unies pour l'Agriculture et l'Alimentation.

La France est encore à la traîne en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Car si le Sénat vient d'adopter un amendement visant à mieux encadrer le don d'invendus alimentaires, celui-ci n'est pas encore systématique. Pourtant, cela ne saurait tarder, promet Arash Derambarsh. Ce conseiller municipal de Courbevoie (92) a fait de la lutte contre le gaspillage alimentaire son cheval de bataille : au travers d'une pétition signée, à ce stade, par quelques 185.000 personnes sur change.org, l'élu réclame purement et simplement une loi pour imposer le don d'invendus alimentaires, si possible avant l'été. Une mesure prise il y a déjà trois ans par Frédéric Daerden, maire de Herstal, ville de 40.000 habitants de la banlieue de Liège.

Don obligatoire

Frédéric Daerden est sans appel. La lutte contre le gaspillage des grandes surfaces alimentaires passe par l'obligation de donner. "Autrement, on reste malheureusement dans le bon vouloir. La démarche est aléatoire, peu efficace". Et le maire parle en connaissance de cause : parmi la douzaine de grandes surfaces concernées par la mesure, certaines enseignes ont été réticentes, au point même de déposer un recours pour s'y soustraire.

Mais des sanctions existent pour rappeler à l'ordre les enseignes désobéissantes de sa municipalité. Elles sont passibles de 5.000 euros d'amende. Surtout, il est aussi possible de leur retirer leur permis d'exploitation - permis dans lequel a été inséré, fin 2012, la clause imposant le don d'invendus alimentaires.

Motivation fiscale et incitation marketing

Cependant, imposer le don aux grandes surfaces ne suffit pas. Il faut également "susciter une adhésion à la démarche", estime Frédéric Daerden. Celle-ci peut passer par une incitation fiscale au don, dispositif impossible à mettre en place à l'échelon municipal d'Herstal, mais déjà pratiquée en France.

Mais, selon le maire, c'est surtout en terme d'image de marque que l'incitation est la plus forte, et Carrefour l'a bien compris. "L'enseigne, qui a participé à la phase pilote du projet dès juin 2012, a fait preuve de volontarisme, initiant même de nouveaux projets dans le cadre de la lutte contre le gaspillage", note le député belge.

Répondre aux arguments contre le don

Quoique cynique, une question économique se pose pourtant : comment vendre des produits d'un côté et les donner de l'autre ? "Je suis convaincu que cette réflexion économique existe au sein des grandes surfaces", reconnaît Frédéric Daerden.

"Je peux la comprendre et je constate même une diminution du nombre d'invendus [depuis que le don est devenu obligatoire]. Les entreprises font tout pour minimiser la sortie des produits de la filière commerciale. Par exemple, des ordres de dernière minute passent pour baisser les prix d'aliments dont la date de péremption approche", observe le maire.

Malgré cette politique de réduction des invendus, "il reste toujours des produits consommables qui ne peuvent plus être vendus [des fruits ou légumes fatigués, des paquets de biscuits en miettes ou des emballages détériorés par exemple]. C'est à ce moment là seulement que nous intervenons, afin d'éviter qu'ils soient aspergés d'eau de javel. Cette pratique est blessante".

Quid des associations ?

Enfin, quel rôle les associations doivent-elles jouer dans la collecte des invendus ? Seules les mieux organisées ont la place de stocker les invendus, et surtout la capacité de maintenir la chaîne du froid. En Belgique, la loi prévoit que seules les associations habilitées par la banque belge de l'alimentation et l'agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire peuvent récupérer les invendus.

Or, à Herstal, les deux associations chargées de la collecte ne suffisent pas toujours pour récupérer tous les invendus et les redistribuer aux quelques 200 familles bénéficiaires. C'est pourquoi la ville subventionne la création d'une filière de formation à la lutte contre le gaspillage. Le but : fournir aux associations une main d'oeuvre qualifiée sur les questions logistiques et les problématiques d'hygiène. Et si les décideurs politiques Français prenaient exemple sur la Belgique ?

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