Et si Emmanuel Macron avait déjà réussi son « pari » ? En s'opposant aux médecins et épidémiologistes qui réclamaient à cor et à cris il y a encore quelques jours la mise en place d'un troisième confinement, le président a indéniablement marqué des points auprès des Français qui ont de plus en plus de mal à supporter les restrictions sanitaires.
Plus de quinze jours après la décision du chef de l'Etat, le front de l'épidémie semble lui donner raison : le niveau des contaminations n'a pas explosé comme le redoutaient certains scientifiques. Les courbes sont mêmes légèrement négatives. C'est désormais devenu une habitude, médecins et épidémiologistes se succèdent sur les plateaux télé pour reconnaître qu'il ont été trop alarmistes. Bien sûr, l'inconnu des variants du virus plane encore sur l'Elysée. Alexis Kohler comme Emmanuel Macron regardent chaque jour comme le lait sur le feu les différents chiffres qui leur remontent du terrain.
« Rien n'est gagné encore d'un point de vue sanitaire », nous souffle ainsi un conseiller alors que la situation à Dunkerque sur le "variant anglais" inquiète. « Si la situation s'améliore d'ici le printemps, Emmanuel Macron va pouvoir capitaliser politiquement sa décision courageuse », espère un autre. Alors oui, la campagne vaccinale est loin d'être parfaite, les Français subissent encore un « couvre-feu » à 18 heures, mais le ciel s'éclaircit quelque peu pour l'hôte de l'Elysée à un an de la présidentielle.
À droite, si les noms d'éventuels challengers se multiplient - au point que certains commencent à envisager de nouveau l'organisation d'une primaire à l'automne prochain - ils sont encore peu nombreux à imprimer dans l'opinion. Du côté des décideurs économiques, le « quoi qu'il en coûte » du président a fini par faire son effet : « En lâchant les cordons de la bourse de l'Etat, Macron ne s'est pas uniquement acheté la paix sociale, il s'est acheté la paix patronale ! » s'exclame devant nous un haut responsable patronal. De fait, même les restaurateurs commencent à mettre leurs critiques en sourdine.
Cela n'empêche pourtant pas les chiffres de la pauvreté et des inégalités d'exploser ces derniers mois. « S'il a refusé ce nouveau confinement, c'est d'abord parce qu'il a senti que le pays était à deux doigts de lui péter à la gueule », persifle un opposant.
En ces temps de tempête épidémique, tout n'est finalement que perception et ressenti. Les jours passent, et toute rationalité semble vaine. Seul compte les images. À ce jeu là, Emmanuel Macron est un redoutable candidat. Peu importe si les mots se contredisent semaine après semaine. En l'absence d'alternative clairement définie, les Français finissent par s'habituer au statu quo politique. Au point de vouloir le conserver ?
« Si c'est le chaos, c'est Sarko »
S'il y en a un pourtant qui n'a pas dit son dernier mot, malgré ses ennuis judiciaires, c'est Nicolas Sarkozy. L'ancien chef de l'Etat après avoir multiplié les éloges à l'égard d'Emmanuel Macron au début du quinquennat, ne cesse aujourd'hui de critiquer sa gestion de la crise sanitaire. Ses amis espèrent encore aujourd'hui qu'il peut revenir dans l'arène politique comme l'homme du recours. C'est justement ce qu'affirmait, dès l'hiver 2019, le publicitaire Jacques Séguéla, sous forme de slogan : « Si c'est le chaos, c'est Sarko ».
À ces appels du pied, Sarkozy répond pourtant qu'il ne souhaite pas concourir de nouveau. L'homme pour qui tout était possible en 2007 se fait-il désirer ? En attendant, c'est dans l'arène économique, où s'affrontent les grands fauves du capitalisme français, que les deux hommes se jaugent. Sarkozy soutient mordicus Vincent Bolloré dans sa joute avec Bernard Arnault au sujet du groupe Lagardère.
Signe évident d'une montée d'une tension entre les deux hommes, l'Elysée a initié l'usine à "offs" visant explicitement Bolloré et ses manigances pour 2022. Depuis décembre dernier, les communicants et les militants d'En Marche tentent de faire croire que le dessein d'un Vincent Bolloré serait d'abord politique, et passerait par le soutien de Marine Le Pen et de l'extrême droite à la prochaine élection présidentielle. Cette manière d'agiter ce chiffon rouge - en tout cas encore perçu comme tel au sein des médias parisiens - commence à faire ses effets dans le microcosme : journalistes, communicants, intermittents du spectacle, bref, le petit monde de Paris, pourtant lassé par les gesticulations présidentielles, commence à craindre l'activisme médiatique de Bolloré.
Macron rempart contre les "oligarques"
Car l'entourage présidentiel n'hésite plus à présenter ce dernier comme un danger pour la démocratie ! Ce storytelling est aussi une manière de laver Emmanuel Macron de toutes les critiques qu'il a eu à subir depuis 2017, et notamment celles qui faisaient de lui un artefact, un homme des médias et des oligarques. Avec comme message sublimal : si les oligarques semblent vouloir désormais remplacer le président, c'est peut-être qu'il a bien fait son travail. Emmanuel Macron est passé maitre dans l'art du judo en politique...
Ce qui est sûr, c'est qu'à un an de la présidentielle, les peaux de banane et autres vacheries n'ont pas fini d'être glissées par les entourages des uns et des autres. Et au moment où l'Express dévoile que Nicolas Sarkozy, 66 ans, a eu la chance de se faire vacciner à l'hôpital militaire de Percy, l'ancien président assume et décide d'hausser le ton sur la gestion sanitaire du gouvernement : « Vous vous rendez compte, on annule les gens pour leur deuxième injection ?! » balance-t-il à ses visiteurs. À ce jeu de l'affrontement, le fauve Sarkozy choisit comme à son habitude l'attaque, laissant l'esquive à Macron, dont il est devenu un spécialiste. Dans un an, on verra bien qui des deux hommes a choisi la meilleure stratégie...