Patrick Martin (Medef) : une campagne sans risques

Candidat à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux, à la présidence du Medef, Patrick Martin a présenté ce mardi 23 mai son programme pour l'organisation patronale. Celui qui est aujourd'hui vice-président de cette dernière, revendique la continuité avec le bilan de l'actuel locataire du siège du Medef, avenue Bosquet, à Paris. Le chef d'entreprise lyonnais articule l'essentiel de ses propositions autour de la croissance.
Fanny Guinochet
Travail, croissance... Candidat à la présidence du Medef, Patrick Martin a opté pour un discours classique pour séduire les patrons.
Travail, croissance... Candidat à la présidence du Medef, Patrick Martin a opté pour un discours classique pour séduire les patrons. (Crédits : Laurent Cerino/ADE)

C'est dans un café à proximité du siège du Medef, avenue Bosquet, dans le 7e arrondissement parisien que Patrick Martin a convié la presse ce mardi matin. Au menu, le détail de ses propositions pour un « Medef ambitieux pour la France », selon le slogan que le prétendant à la tête du patronat a choisi. La voix rauque des fumeurs, il déroule sa série de propositions.

La croissance avant tout

L'actuel vice-président du Medef martèle sa croyance fondamentale : « Sans création de richesse, pas d'emploi, pas de redistribution, pas de partage de la valeur ». Certes, selon le dirigeant de l'ETI familiale Martin Belaysoud, spécialiste de la distribution de matériel professionnel, cette croissance doit être « responsable », mais il y a lieu d'évacuer les débats sur la décroissance, « quitte à être classique et un peu rétrograde. »

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Pour Patrick Martin, seule la croissance est la mère de toutes les vertus, puisqu'elle permet de résoudre bien des problèmes : d'emplois, de salaires, de financement des innovations, mais aussi de rééquilibrage des comptes de notre modèle social. Aussi, il ne souhaite surtout pas opposer « croissance et climat, ce qui serait un grave contre-sens ».

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Pour développer la première, les recettes sont connues. Moins de normes, et de règlements. Sur ce point, le dirigeant n'hésite pas à forcer le trait : « La surrèglementation est comparable à un impôt supplémentaire ». Et d'ajouter : « La surtransposition des règles européennes, spécialité française, doit cesser. Ce sont de vrais délires ». A travers ce discours, Patrick Martin s'assure le soutien des chefs d'entreprises, notamment ceux des petites entreprises. De fait, ces derniers se plaignent régulièrement de la foule de contraintes auxquelles ils se heurtent pour faire construire une usine, développer un produit, etc.

Travailler plus

Afin de garantir une croissance plus forte, il est aussi indispensable, selon Patrick Martin de « retrouver une culture industrielle forte, avec un appareil de production performant, retrouver la valeur travail, ce qui signifie travailler plus collectivement ». Lorsqu'on oppose à celui qui est président du Medef Auvergne-Rhône-Alpes l'envie des Français de lever le pied, de repenser le travail, il rétorque :

« Je ne crois pas deux minutes à la théorie de la Grande démission en France. Ce n'est pas la valeur travail qui est interrogée ».

Le discours de Patrick Martin se révèle pour le moins classique sur le sujet. A ses yeux, le télétravail et la semaine de quatre jours peuvent même contribuer à augmenter les fractures entre les salariés, assure-t-il en substance.

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Le postulant préfère miser sur les compétences, l'apprentissage, la formation et l'inclusion. Il souhaite notamment une profonde réforme des lycées professionnels. Pour rappel, Emmanuel Macron a annoncé investir un milliard d'euros par an pour les lycées professionnels, couplé à un objectif de 100% d'insertion des lycéens, le 4 mai dernier. A ses yeux, cette réforme n'est « pas simplement une réforme », mais « une cause nationale ». Le locataire de l'Elysée a donc fixé trois objectifs : « s'attaquer au décrochage » scolaire, l'insertion professionnelle et la reconnaissance de l'engagement des enseignants des lycées professionnels.

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Sur l'épineux dossier de l'emploi des seniors, le candidat à la tête du Medef croit à l'intelligence collective des partenaires sociaux pour trouver des dispositifs de reconversion professionnelle. Et tant pis, si par exemple, le système des transitions collectives professionnelles, pourtant mis sur pieds, conjointement, par les syndicats et le patronat, a finalement été un flop, avec 70 reconversions à peine. Il reconnaît que « c'était d'une complexité sans nom, mais qu'au moins l'expérience a été tentée. »

Une volonté de poursuivre le dialogue social

Quid du dialogue social ? Sur le sujet, Patrick Martin souhaite, s'il est élu, défendre le paritarisme et mener les négociations avec les syndicats. Il se dit convaincu « de la force de l'organisation paritaire ». Traduction : « Que les partenaires sociaux se saisissent d'un maximum de sujets, malgré leurs oppositions ». Encore faut-il que ce dialogue social puisse se faire sans la contrainte étatique. Aussi, le candidat à la tête du Medef aspire à plus d'espace et de liberté dans la négociation. Là, encore, le sexagénaire reste fidèle aux positions du Medef, qui a toujours refusé une trop grande ingérence de l'Etat.

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Une organisation patronale plus prospective

C'est sûrement la plus novatrice de ses propositions : créer un Medef Labs, sorte de plateforme prospective et collaborative des entreprises. « Non pas un think tank, mais une interphase avec des chercheurs, des économistes... Les économistes ont voix au chapitre », affirme-t-il. Patrick Martin estime ainsi que le Medef doit nourrir le débat d'idées. Surtout face à transformations colossales comme la transition écologique, numérique, démographique. Dans ce contexte, il estime que les chefs d'entreprises doivent être entendus. S'il l'emporte, Patrick Martin entend d'ailleurs créer à ses côtés un ou une vice-présidente, chargé de la prospective.

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Idem pour les questions internationales. Dans un contexte géopolitique complexe et incertain, il souhaite renforcer le lobby patronal à Bruxelles, ou encore aux Etats Unis.

Une position de favori

Alors qu'il ne reste qu'une seule concurrente dans la course, Dominique Carlac'h, Patrick Martin a conscience de son avance. Il souligne d'ailleurs, non sans satisfaction, qu'il a reçu les soutiens des grandes fédérations comme l'UIMM, ou le bâtiment, qui, au Medef, ont la réputation d'être des faiseuses de rois. Au cours de la rencontre, il s'arrête alors que son téléphone vibre pour assurer qu'il s'agit d'un nouveau patron qui l'appelle pour lui apporter son vote.

Patrick Martin compte sur son expérience patronale pour l'emporter. Il faut dire qu'il connaît très bien la maison. Il a été formé avec Geoffroy Roux de Bézieux, pendant ce mandat, « un duo inédit », au point que même si le sortant s'en défend formellement, Geoffroy Roux de Bézieux orchestre en coulisses pour que son dauphin emporte le titre. Être favori n'est pas si facile, confie-t-il, comme si un excès de confiance pouvait lui jouer de mauvais tours.

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Avant le 6 juillet, date du vote, cet amateur d'alpinisme assure toutefois ses prises, veille à ne faire aucun faux pas. Oui, il est prêt à un débat avec Dominique Carlac'h, « mais l'idée n'est pas de faire un débat pour les observateurs ». Il se dit favorable à la compétition. En revanche, il fait mine de s'étonner de l'alliance pour le moins particulière que Dominique Carlach a passée avec Pierre Brajeux, un temps dans la course, alors que ces deux-là n'ont pas du tout les mêmes sensibilités. Il refuse ainsi de croire à une front commun « tout sauf Patrick ».

Enfin, interrogé sur l'affaire dite des AGS, Patrick Martin balaie d'un revers de main : « La procédure ne me vise pas ». Pour rappel, l'association pour la garantie de salaires est une structure patronale dont la mission est de verser les salaires dans les entreprises en difficulté. Elle se trouve actuellement au cœur d'une enquête sur de possibles détournements de fonds pouvant aller, selon les estimations, jusqu'à 15 milliards d'euros.

Fanny Guinochet
Commentaire 1
à écrit le 24/05/2023 à 8:41
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Beaucoup vont regretter m.Roux de Bezieux, car le nouveau MEDEF sera bien moins conciliant, et c’est très bien ainsi (chacun dans son rôle et le MEDEF doit être la dernière défense de notre déliquescence).

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