Succession de Geoffroy Roux de Bézieux au Medef : et si c'était elle...

Geoffroy Roux de Bézieux passera la main à la tête de l'organisation patronale en juillet prochain. Le président du Medef n'a pas le droit de se représenter à un second mandat. Les dépôts de candidature pour lui succéder sont ouverts depuis quelques jours. En coulisses, les postulants s'activent. Des hommes... mais aussi une femme. Dominique Carlac'h espère s'imposer avenue de Bosquet.
Fanny Guinochet
Dominique Carlac'h se lance dans la bataille pour la présidence du Medef
Dominique Carlac'h se lance dans la bataille pour la présidence du Medef (Crédits : DR)

Dominique Carlac'h n'a pas voulu attendre pour postuler à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux, à la présidence du Medef. A 54 ans, l'actuelle vice-présidente de l'organisation patronale et porte-parole, a été l'une des premières à déposer son dossier de candidature, le 6 mars dernier.

Histoire de montrer « sa détermination » à se lancer dans la course - « Moi, je n'ai pas besoin de tergiverser », explique-t-elle. Pour l'heure, cette ancienne athlète est la seule femme à se lancer dans la campagne patronale. Mais elle tient surtout à ne pas mettre en avant son genre. « J'y vais car je me sens prête. »

Reste que dans un univers encore masculin comme l'est le monde patronal, c'est une façon de marquer sa différence. Jusqu'alors, la seule femme à avoir dirigé le Medef est Laurence Parisot.

Ses compétiteurs sont tous des hommes

Si Dominique Carlac'h veut éviter toute comparaison antérieure, elle se retrouve, toutefois, comme Laurent Parisot, à devoir affronter uniquement des hommes. Ainsi, Pierre Brajeux, 61 ans, président délégué de la fédération de la sécurité privée, vient lui aussi de se dévoiler. En fin de semaine dernière, c'était Patrick Martin, également vice-président actuel du Medef, qui faisait officiellement acte de candidature. A la tête d'une entreprise familiale, Patrick Martin a été président du Medef Auvergne-Rhône-Alpes. Il connait bien l'appareil et fait figure de favori. Même s'il s'en défend, et affiche une neutralité, Geoffroy Roux de Bézieux, le sortant, pose un regard bienveillant sur ce dauphin potentiel qui fut son bras droit pendant toute sa mandature.

Laurent Giovachini, président de la fédération Syntec était aussi dans les starting block, mais étant actuellement souffrant, sa candidature reste pour l'heure en suspens.

Enfin, autre inconnue et non des moindres, la décision d'Alexandre Saubot le patron de France Industrie, de se lancer dans la bataille. Arrivé en deuxième position en 2018, le patron de l'entreprise Haulotte a eu du mal à se remettre de son échec face à Geoffroy Roux de Bézieux. « S'il y va, c'est que cette fois, il est sûr de l'emporter », assurent les caciques du Medef.

Des candidats qui tentent leur chance pour la deuxième fois...

« Pas question cette fois de se rallier dans la dernière ligne droite », assure encore Dominique Carlac'h, qui en 2018, avait finalement fait alliance avec Goeffroy Roux de Bézieux. Reste que tous les postulants de cette édition 2023 sont dans ce cas ou presque... En effet, excepté Laurent Giovachini, tous ont déjà mené campagne, il y a cinq ans. Les têtes sont donc connues, et les discours finalement assez proches.

Difficile pour la plupart qui ont exercé des mandats au Medef ces dernières années, et notamment Dominique Carlac'h, de critiquer le bilan de Geoffroy Roux de Bézieux. Seul Pierre Brajeux, qui n'avait pas de fonction auprès de l'actuel président, semble détaché de cette loyauté tacite.

Un positionnement très sociétal

Les autres évoquent leur volonté d'incarner une forme « de rupture dans la continuité. » Et pour cause, entre Covid, guerre en Ukraine et période inflationniste, le monde économique a changé ces cinq dernières années. La question du rapport au travail s'en trouve profondément bousculée, les prix de l'énergie ont explosé, la géopolitique remaniée... Les défis des entreprises ne sont plus les mêmes. Dominique Carlach' qui s'est beaucoup investie dans les sujets de responsabilité sociale et environnementale (RSE) espère marquer sa différence sur ce point.

Pas sûr toutefois que cela permette de séduire les adhérents patronaux, plus attachés à la réduction des coûts et des charges qu'aux avancées progressistes. « La semaine des 4 jours par exemple que le gouvernement veut mettre en place via sa prochaine loi Travail, c'est bien joli, mais je doute que  ce soit un atout pour la compétitivité de nos entreprises, dans la guerre économique que nous traversons face à la Chine ou les Etats-Unis...», résume un membre du Conseil exécutif, l'instance de décision du Medef.

Et pour cause, les fondements du Medef restent encore majoritairement le social et la fiscalité. Et en la matière, les dossiers qui attendent le prochain locataire de l'avenue Bosquet sont nombreux : application de la réforme des retraites, future loi Plein emploi, loi Industrie verte, risque de hausse d'impôts sur les sociétés, défense des instances paritaires (Agirc-Arrco, Unedic etc.)

Dominique Carlac'h aura-t-elle les épaules ? De nombreux poids lourds du Medef se posent la question. Mais elle n'est pas la seule pour qui cette interrogation reste sans réponse. « Etre président du Medef, ce n'est pas uniquement avoir des dispositions techniques, c'est aussi être capable de s'affirmer face à un pouvoir politique, de faire du lobbying, de convaincre, d'avoir une vision pour l'avenir des entreprises, de nouer des liens avec les autres partenaires sociaux etc. », rappelle un bon connaisseur de l'organisation.

Bataille en vue

Reste qu'au-delà de la compétence affichée des candidats, une élection du Medef est aussi et surtout une bataille acharnée où en coulisses, se nouent de subtils jeux d'alliances et de soutiens - déclarés ou non.

Cette année, les statuts de l'élection ont été modifiés pour laisser plus de poids aux votes des Medefs territoriaux. Mais les fédérations entendent bien avoir leur mot à dire, car ce sont elles qui contribuent le plus financièrement à la vie de l'organisation.

La première d'entre elle, - principal adhérent du Medef- est la puissante Union des Industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), réputée pour être une faiseuse de rois - ou de reines !-.

Que fera-t-elle cette année ? Si Alexandre Saubot, qui fut président de l'UIMM, se lance ? S'il ne se lance pas ? Pour l'heure, tout semble ouvert. Et comment se positionneront aussi les autres fédérations de la banque et de l'assurance ? Du bâtiment et des travaux publics ? Dominique Carlac'h espère « rassembler tous ces adhérents qui justement, parfois défendent des intérêts contraires ». D'autres diront, en langue moins feutrée, « elle pourrait l'emporter en étant le plus petit dénominateur commun de ces différentes maisons ».

Enfin, cette élection 2023 se passe dans un contexte particulier, que beaucoup ont en tête, sans le dire vertement : il plane comme le vent d'un scandale larvé autour du régime de garantie des salaires (AGS), ce système qui permet de verser les salaires aux entreprises qui font faillite. Un scandale qui pourrait éclabousser le monde patronal. Aussi, bien choisir son candidat ou sa candidate en cas de coup de tempête pourrait s'avérer primordial, et peser dans le choix.

Pour rappel, les prétendants, doivent obtenir 150 parrainages parmi 560 membres de l'Assemblée générale du Medef. Chacun de ces membres peut accorder trois parrainages au maximum. Le vote final est prévu le 6 juillet. 1.120 membres de l'organisations exprimeront alors leurs suffrages.

En athlète habituée à mener compétition, Dominique Carlac'h espère décrocher sa place sur la première marche du podium.

Fanny Guinochet
Commentaire 1
à écrit le 15/03/2023 à 9:34
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On sait ce que l'on perd, mais pas ce que l'on gagne, surtout en cette période de nomination orientée par le pouvoir en place !

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