
La crise pourrait faire des ravages dans les semaines à venir. La pandémie a plongé l'économie française dans une léthargie profonde provoquant déjà la destruction de plusieurs centaines de milliers de postes et une probable aggravation de la pauvreté et de l'extrême pauvreté.
Face à cette bombe à retardement, France Stratégie a décidé de donner l'alerte dans une note rendue publique ce vendredi 2 octobre. Les auteurs pointent particulièrement les risques chez les plus démunis.
"La crise sanitaire et le confinement en place entre mars et mai 2020 ont entraîné des difficultés importantes et spécifiques pour les plus vulnérables, notamment en matière de subsistance (recours important aux distributions alimentaires), de santé (exposition plus forte au virus et risque plus élevé de développer une forme grave de la maladie, situations de discontinuité des soins) ou encore d'accès à l'éducation à distance (manque d'équipement, difficultés d'accompagnement par les familles, exiguïté du logement)."
Vendredi dernier, les associations de lutte contre la pauvreté étaient reçues à Matignon. A l'issue de cette rencontre, le gouvernement a promis un acte 2 de son plan pauvreté. Ce premier rendez-vous, qui a duré près de deux heures, réunissait autour du Premier ministre et du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, le Samu Social, ATD Quart Monde, Médecins du monde, Emmaüs, la Fondation Abbé-Pierre et le Secours populaire. Avec la multiplication des foyers de contamination ces dernières semaines et l'arrivée de l'hiver, les risques se multiplient pour les personnes les plus vulnérables.
La pauvreté, angle mort du plan de relance
Le 3 septembre dernier, le Premier ministre Jean Castex et plusieurs membres du gouvernement ont présenté un plan de relance d'environ 100 milliards d'euros répartis en plusieurs volets. Sur cette enveloppe, 36 milliards d'euros doivent servir à "garantir la solidarité entre les générations, entre les territoires, et entre tous les Français". Il reste que, sur cette somme, 800 millions d'euros "seulement" seront dédiés aux personnes précaires. Ce qui représente environ 0,8% du total. Pour les membres du comité d'évaluation, ce montant paraît relativement dérisoire au regard de l'ampleur de la crise.
"Même si d'autres mesures devraient toucher également des personnes en situation de pauvreté monétaire, par exemple celles destinées aux jeunes, le comité constate que la part allouée aux personnes en situation de pauvreté dans le plan est très limitée".
Bien que la France dispose de plusieurs outils pour amortir le choc de la crise et de stabilisateurs automatiques, une partie de la population française, notamment les plus démunis, pourrait passer entre les mailles des filets de sécurité.
"Pour le comité d'évaluation, les plus vulnérables sont particulièrement exposés aux conséquences de la crise, et les aides gouvernementales mises en place pour limiter ses effets ne répondent pas à tous les besoins en matière de lutte contre la pauvreté qu'elle a révélés et générés. Les mesures du plan de relance doivent, quant à elles, permettre d'éviter des entrées massives dans la pauvreté, mais concernent peu les personnes qui y sont déjà. Il est donc nécessaire, selon le comité, de les compléter."
Les "derniers de cordée" et les plus démunis en première ligne
Aides-soignants, caissiers, éboueurs, métiers du nettoyage, livreurs... lors des mesures drastiques de confinement décidées à la mi-mars, de nombreux métiers se retrouvés en première ligne pour affronter la crise. Ces emplois, souvent occupés par des personnes peu qualifiées, ont été particulièrement exposés au risque de contamination à une période où les transmissions étaient particulièrement élevées. En outre, ces salariés occupent parfois des postes à durée limitée, en CDD ou en intérim, ou ne bénéficient pas forcément de protection sociale en cas de maladie ou de problèmes de santé.
Cette crise sanitaire a ainsi mis au grand jour de profondes inégalités qui pourraient s'amplifier avec la seconde vague d'épidémie en cours.
> Lire aussi : Le coronavirus aggrave les inégalités au travail
En parallèle, les plus fragiles ont été frappés de plein fouet par les premiers effets de la crise sanitaire et économique.
"La crise sanitaire a ainsi servi de révélateur des manques des politiques en matière de lutte contre la pauvreté. Elle a montré combien le logement se trouve au cœur de la pauvreté, et jeté une lumière crue sur les poches de pauvreté qui existent aujourd'hui en France, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les Outre-mer. Les plus démunis ont été particulièrement affectés par le confinement", indique l'institution rattachée à Matignon.
Avec le confinement, l'accès physique aux droits pour les plus pauvres et les plus démunis a été particulièrement restreint, voire impossible. Et même avec le déconfinement, les situations extrêmes ont continué, notamment pour les sans-domicile qui ont dû faire face à des refus d'hébergement, explique le conseil national de lutte contre la pauvreté. Le non-recours aux droits par les plus fragiles reste très préoccupant, de même que le manque d'accès et le non-recours aux services de soins qui persiste chez les plus fragiles.
Les associations craignent un effondrement social
Au cœur de leurs revendications depuis plusieurs années, les associations ont notamment demandé une hausse des principaux minima sociaux (RSA, AAH pour les personnes handicapées et ASPA pour les personnes âgées), ainsi que l'ouverture du RSA aux jeunes, une mesure un temps envisagée puis... oubliée. Inquiètes du "contrecoup" de la crise sanitaire, nombre de ces associations ont vu les demandes exploser et craignent désormais que "des centaines de milliers de personnes ne passent d'un état de précarité à la pauvreté".