Plan de relance : les fonds monopolisés par les entreprises privées, au détriment de la transition écologique

Alors qu'elles ne devaient recevoir qu'un tiers des fonds du plan de relance, les entreprises privées auraient capté « les deux tiers des sommes décaissées », selon un bilan publié ce mardi par l'Observatoire des multinationales. A l'inverse, « les grands perdants de l'austérité risquent bien d'être les services publics et l'écologie ».
« Les grands perdants de l'austérité risquent bien d'être les services publics et l'écologie », alerte l'Observatoire.
« Les grands perdants de l'austérité risquent bien d'être les services publics et l'écologie », alerte l'Observatoire. (Crédits : Vincent Kessler)

La transition écologique délaissée par le plan de relance post-Covid de la France ? C'est le constat que dresse l'Observatoire des multinationales dans un bilan publié ce mardi. Selon cette association, qui enquête régulièrement sur les dividendes versés par les groupes du CAC 40 ou les stratégies d'influence des multinationales, les entreprises privées ont été les principales bénéficiaires du plan de relance percevant jusqu'à deux tiers des près de 73 milliards d'euros de fonds déjà dépensés.

Pour rappel à l'origine, les 100 milliards du plan France Relance, annoncé à l'été 2020, devaient être dépensés pour la transition écologique (30 milliards d'euros), la compétitivité des entreprises (34 milliards) et la cohésion sociale (36 milliards), dans le but de permettre à l'économie française de retrouver, rapidement, son niveau d'avant Covid après le choc de la pandémie. Ainsi, en février 2022, Bercy affirmait que ce plan avait permis de soutenir 782 projets industriels et de créer ou sauvegarder environ 100.000 emplois.

« Le soutien de ces projets a permis de générer 5,4 milliards d'euros d'investissements productifs, dont 1,6 milliard d'euros de subvention », assurait à l'époque le ministère de l'Economie.

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Deux tiers des sommes décaissées sont allées vers les entreprises

Mais près de quatre ans après la présentation du plan, l'Observatoire des multinationales assure dans le détail qu'« au moins 29,5 milliards d'euros ont bénéficié directement aux entreprises », notamment via la baisse des impôts de production.

À ces soutiens directs s'ajoutent « 17,7 milliards d'aides à l'emploi, comme les subventions pour l'embauche de jeunes et d'apprentis », poursuit l'association. « Et sans doute aussi les aides » à la rénovation ou à l'achat de voitures électriques, qui ont profité aux consommateurs mais aussi « aux fournisseurs des produits et services concernés ».

Avec ce calcul au périmètre large, « la proportion des dépenses de relance qui ont bénéficié exclusivement ou en grande partie aux entreprises dépasse dès lors les deux tiers des sommes décaissées », conclut l'Observatoire.

Le financement des services publics en retard

De leur côté, les organismes publics (Etat, collectivités locales, SNCF...) ont eux capté 19% des montants déjà dépensés, tandis que 11% des fonds déboursés sont déclarés « inclassables » par l'association.

Pour Nadine Levratto, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) citée par l'Observatoire, le plan de relance « s'inscrit dans le schéma classique de transformation de la société via le tissu productif et les aides individuelles aux entreprises », au détriment de l'investissement dans les services publics. « Or, quand on regarde les déterminants de la croissance et de la localisation des entreprises, la qualité des services publics joue beaucoup », ajoute-t-elle.

La transition écologique sous-investie

Ainsi, là où le comité d'évaluation estimait dans son rapport final que 21 milliards d'euros avaient été dépensés pour la transition écologique, « nous n'avons pu flécher que 15,24 milliards d'euros » déboursés sur ce volet du plan de relance, fait valoir l'Observatoire.

« Les grands perdants de l'austérité risquent bien d'être les services publics et l'écologie : ce sont les domaines qui ont le moins bénéficié du plan de relance et dont les budgets sont les plus diminués » dans le décret de février qui a acté 10 milliards d'économies dans les dépenses de l'Etat, conclut-il.

En 2022 déjà, la Cour des comptes européenne pointait les lacunes du plan de relance français qui « ne comprend aucune mesure de soutien direct pour accroître la production d'énergies renouvelables ». Ce constat est loin d'être une surprise. A l'échelle européenne, la France est le seul pays de l'Union européenne à ne pas tenir ses objectifs en matière d'énergies renouvelables selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE) alors que l'accélération du réchauffement climatique accroît la pression sur l'Hexagone pour que l'Etat respecte ses engagements internationaux.

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L'autre faille, soulignée par la Cour des comptes européenne, concerne le réseau électrique. Le plan de relance « ne comprend aucune initiative dans le domaine des interconnexions électriques transfrontalières », relevaient les magistrats.

Par ailleurs, dans un entretien à La Tribune en janvier dernier, l'économiste Xavier Jaravel affirmait aussi que « le bilan est globalement positif. Mais il reste néanmoins des points de vigilance sur plusieurs dispositifs à améliorer, par exemple s'agissant des dispositifs de soutien à la modernisation de l'industrie, qui n'ont pas toujours été ciblés sur des technologies de pointe. »

Des fonds difficiles à tracer

Le comité d'évaluation, un organisme placé auprès du Premier ministre, a dressé en janvier un bilan plus positif de France Relance, soulignant la contribution du plan à la croissance, à l'emploi et à la réduction des émissions de CO2.

Mais ce dernier et l'Observatoire des multinationales déplorent tous deux la difficulté à identifier les bénéficiaires finaux du plan. « La France (...) ne donne pas les bénéficiaires finaux de son plan de relance, mais liste essentiellement des opérateurs de l'État, soit différentes instances intermédiaires qui redistribuent les financements par la suite », regrette ainsi l'Observatoire, ce mardi.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 10/05/2024 à 9:02
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Ben c'était fait pour ça. Vous avez vu le détournement d'argent lié à la formation également ? Nos dirigeants publics et privés qui sont les mêmes de toutes façons sont devenus incapables de s'enrichir sans l'argent public, ils sont nuls.

à écrit le 07/05/2024 à 9:51
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Le lancé d'argent public par les fenêtres aurait dû être une discipline figurant aux JO, histoire à s'assurer d'entrée une médaille d'or 🏋️‍♂️

à écrit le 07/05/2024 à 8:55
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euh, oui, la cellule de l'obesrvation des riches multinationales capitalistes medef, observatoire dont le nom ne laisse aucun doute sur son independance bienveillante donc juste, pense que la sncf aurait du beneficier de plus d'argent ecolo pour dimi...

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