Plus belle la politique ? La HATVP veut mieux encadrer les lobbies et la prise illégale d'intérêts

Créée en 2013, la Haute autorité prône un recours plus systématique à la publication des informations en open data afin de suivre les rencontres des responsables publics avec des lobbyistes. Chargée de punir la prise illégale d'intérêts pour les élus, elle suggère aussi de préciser sa définition. Ce délit peut être sanctionné par cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende. Mais les condamnations sont limitées.
Il faut trouver le bon équilibre entre sécurisation des responsables publics et sanction de tout manquement à la probité, a-t-il ajouté en lançant: La balle est dans le camp de l'exécutif et du législateur, a conclu Didier Migaud.
"Il faut trouver le bon équilibre" entre "sécurisation des responsables publics" et sanction de "tout manquement à la probité", a-t-il ajouté en lançant: "La balle est dans le camp de l'exécutif et du législateur", a conclu Didier Migaud. (Crédits : Reuters)

A la tête de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Didier Migaud entend soulever "plusieurs failles" dans le contrôle de la vie politique française. Celles-ci touchent à plusieurs volets de la vie des élus : le lobbying et la prise illégale d'intérêts par ces derniers. Des sujets qui ne sont pas nouveaux : il y a dix ans, le même Didier Migaud, alors premier président de la Cour des comptes et membre de "la commission Sauvé pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique", voulait s'attaquer aux groupes d'intérêts dont l'objectif est d'influencer les décisions, en échange de rétributions diverses et variées.

Recenser plus précisément l'activité des lobbies

Mais pour Didier Migaud face à la presse jeudi, il reste néanmoins "un blocage" à faire évoluer notamment en matière de contrôle des lobbies.

"La Haute autorité a pu détecter plusieurs failles qui viennent grandement fragiliser le dispositif et empêcher une bonne vision de l'empreinte" des lobbies sur la loi et les normes, a déclaré M. Migaud.

Pour y remédier, la Haute autorité plaide aussi pour un rythme de déclaration semestriel des actions et non annuel, ainsi que pour la création d'une sanction d'entrave aux missions des agents de la HATVP. Elle encourage en outre la publicité en open data des rencontres des responsables publics avec les représentants d'intérêts, ce que pratiquent déjà certains parlementaires.

De plus, "les critères actuels d'identification des représentants d'intérêts peuvent relever de l'absurde ou être injustes", a-t-il poursuivi, citant le fait que les lobbies doivent être à l'initiative pour être obligés de déclarer une action, ou le seuil de dix actions au moins par personne physique au sein d'un organisme qui conduit à des contournements.

Plus de 2.300 lobbies à la rencontre des ministres et de leur cabinet

Depuis la loi Sapin II anti-corruption de décembre 2016, les représentants d'intérêts (mais aussi le cas échéant entreprises, ONG, associations) doivent s'inscrire à un répertoire numérique géré par la HATVP pour rencontrer les ministres et leur cabinet, les parlementaires et leurs collaborateurs, certains hauts fonctionnaires, sous peine de sanction pénale. Le président de la République n'est pas concerné, à la différence de son entourage.

Plus de 2.300 lobbies sont inscrits à ce jour, qui ont déclaré au total quelque 39.000 activités. Selon le rapport annuel de la HATVP publié jeudi, les ministères de l'Economie et des Finances, et de l'Environnement, concentrent plus d'un tiers de ces actions de représentation d'intérêts.

La prise illégale d'intérêts des élus dans le viseur

Créée par les lois post-Cahuzac sur la transparence de 2013, la Haute Autorité est aussi chargée de la collecte et du contrôle des déclarations de patrimoine et d'intérêts de près de 15.000 responsables publics, ministres, élus et hauts fonctionnaires.

Aussi, elle suggère de préciser la définition de la prise illégale d'intérêts pour les élus, ce qui devrait "faciliter l'organisation de la vie publique locale", dans un rapport rendu public jeudi.

L'infraction de prise illégale d'intérêts vise à éviter que les personnes concourant à une mission de service public ne tirent profit de leurs fonctions dans leur intérêt personnel, comme lors de l'octroi d'une subvention à une entreprise dans laquelle l'élu a un intérêt ou l'utilisation à des fins privatives de personnel sous ses ordres. Ce délit peut être sanctionné par cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende, mais les condamnations sont limitées.

La proposition de la HATVP est de préciser dans le Code pénal que serait sanctionnée, non plus la prise d'un "intérêt quelconque" dans une entreprise ou une opération dont l'élu a la charge, mais la prise d'un intérêt "de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité".

De plus, la Haute autorité préconise que les élus siégeant dans les établissements publics (EPIC) ou sociétés d'économie mixte puissent participer sous conditions aux décisions de leur collectivité portant sur ces organismes, alors qu'ils doivent se déporter actuellement.

Elle a reçu plus de 17.000 déclarations de patrimoine et d'intérêts en 2020, un record du fait des élections municipales, sénatoriales et du remaniement gouvernemental de juillet. Nouveaux maires et adjoints déclarant pour la première fois ont été souvent en retard.

Seule la moitié des déclarations déjà contrôlées ont été jugées conformes aux exigences "d'exactitude, d'exhaustivité et de sincérité", soit 53%, contre 73% en 2019. La HATVP a dû relancer ou demander des rectifications aux autres.

Et 10 dossiers ont été transmis à la justice, dont celui en novembre dernier du ministre délégué aux PME Alain Griset pour "omission substantielle" de son patrimoine et soupçon d'"abus de confiance".

"Il faut trouver le bon équilibre" entre "sécurisation des responsables publics" et sanction de "tout manquement à la probité", a-t-il ajouté en lançant: "La balle est dans le camp de l'exécutif et du législateur", a conclu Didier Migaud.

Lire aussi 1 mnEnquêtes pour abus de confiance: perquisition au logement de fonction d'Alain Griset à Bercy

Commentaires 2
à écrit le 03/06/2021 à 18:27
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Wouaff wouaff wouaff 😂🤣😂😂 Lol et re-lol !!🤣🤣🤣. La meilleure du mois, en même temps il commence à peine. Ça promet 😁 Combien de condamnations ? Combien de sanctions ?

à écrit le 03/06/2021 à 17:45
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500k€ d'amende quand on voit les milliards de fluctuation des actions de Gilead ou Pfizer quand leurs produits ont été achetés par l'Europe ... Si on était suspicieux on se demanderait pourquoi on était fauchés pour équiper les hôpitaux et payer les ...

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