Le « made in France » devient un objet politique à la mode. Ce week end, les responsables politiques s'affichent en nombre au salon du « made in France » qui a lieu à la Porte de Versailles à Paris. En guise de stratégie pour le pays, chacun y va de son image symbolique. On se souvient qu'il y a déjà neuf ans, Arnaud Montebourg, alors ministre du « Redressement productif », avait été jusqu'à poser en marinière bretonne avec dans ses mains un robot ménager Moulinex, à la une du Parisien magazine. Alors, en ces temps de Covid-19 où les dirigeants français se sont aperçus un peu tard que le pays ne savait plus fabriquer grand chose, tous les responsables politiques essayent de marquer les esprits par des coups de com' du même genre.
Certains, comme Montebourg, s'en sont fait une spécialité. De son côté, Xavier Bertrand ne cesse de rappeler son combat pour la ré-industrialisation de sa région des Hauts-de-France. D'autres apprennent plutôt en urgence, comme Éric Zemmour d'ailleurs qui a déjà montré de nombreuses lacunes dans le domaine malgré ses slogans.
Mais tous savent que les Français, choqués de devoir quémander des masques ou du gel en pleine pandémie, les attendent au tournant. Après la séquence très « identitaire » de la rentrée politique où les médias n'ont axé leurs interrogations que sur l'immigration et autres thématiques favorites de l'extrême-droite, la question de la souveraineté économique va revenir en force sur le terrain économique, notamment quand chaque candidat aura commencé à dévoiler le contenu de son programme...
Forcément, avec ce contexte, Emmanuel Macron est sur ses gardes. Le président sait que ses opposants n'attendent qu'une chose : faire son procès quant à ses difficultés à maintenir l'emploi industriel en France, mais aussi quant à ses états de service comme ancien banquier d'affaires. Pour contrer ces potentielles attaques, le presque candidat à sa réélection multiplie les symboles et les discours sur la thématique de la « souveraineté économique ».
En imposant à EDF le rachat à General Electric des anciennes activités nucléaires d'Alstom, comme La Tribune l'avait révélé fin août, l'Elysée a abattu sa première carte. Et celle-ci est un atout majeur tant l'entreprise Alstom est devenue un symbole de la désindustrialisation du pays.
C'est justement pour cette raison que le président a décidé de se déplacer prochainement à Belfort pour marquer le coup. Préférant toujours l'attaque à la défense, l'ancien banquier de chez Rothschild souhaite retourner le symbole Alstom à son avantage, pour couper l'herbe sous le pied de ses contempteurs. De la même manière, le chef de l'État a profité de son allocution télévisée pour annoncer aux Français sa décision de relancer un programme nucléaire durant son prochain quinquennat. C'était pourtant l'un des axes principaux d'attaque ces derniers jours des candidats LR.
Un arbitrage clair en faveur du nucléaire
Les industriels du secteur nucléaire se désespéraient ces derniers mois à grand renfort de lobbying de ne pouvoir obtenir un arbitrage clair de la part de l'Elysée. Emmanuel Macron semble aujourd'hui décidé d'assumer ses décisions dans ce domaine si stratégique (et si présidentiel sous la Vème République). Justement, alors qu'il resta vague quant à la forme de cette future relance du nucléaire en France, il préciserait ses intentions lors de son prochain déplacement à Belfort. Rappelons au passage que Jean-Bernard Lévy, le PDG d'EDF qui avait renâclé à mettre la main à la poche pour racheter les activités hérités d'Alstom à General Electric, attendait du président un engagement ferme sur la relance d'un programme nucléaire.
Voilà pour les grandes manoeuvres. Car sur le front de la com', les premières tentatives présidentielles sur le sujet de la souveraineté économique, notamment le plan France 2030 qu'Emmanuel Macron a présenté début octobre, ont plutôt fait un flop médiatique et politique. Comme si l'opinion percevait que ces gestes à quelques mois de l'élection présidentielle intervenaient un peu trop tard, comme si tout cela n'était encore une fois qu'une affaire de com'. Dans le domaine de l'industrie, les Français semblent osciller entre résignation et facilité. Les ouvriers sont capables d'arriver à des extrémités dans leurs luttes pour tenter de sauver leurs emplois, tandis que les consommateurs urbains n'ont que leur « pouvoir d'achat » en tête. Un peu comme ce cadre de santé de l'AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) qui a tenté il y a quelques jours de s'immoler par le feu dans l'hôpital Saint-Louis. Un geste désespéré à l'image de l'état des hôpitaux et des services de santé français.
Dans ce secteur de la santé, comme dans le cas de l'industrie en général, et du nucléaire en particulier, on a bien l'impression que le corps social est à deux doigts de craquer, tant les supply chain et les ressources humaines manquent à l'appel. Il est peut être temps d'appeler un chat un chat : comme les États-Unis qui ont décidé de lancer un grand plan d'investissements dans les infrastructures de transport, la France a besoin plus que jamais de reconstruire un appareil productif digne de ce nom. Car le temps des fabless (entreprises sans usines) a bel et bien vécu. Et on attend des candidats à la présidentielle qu'ils nous présentent leurs différents chemins pour permettre cette reconstruction. La com' ne suffira pas.