Les commerçants français voient rouge. « Hésitez pas si vous avez besoin que je vous déconseille d'autres achats » : le dernier spot de l'Agence française de la transition écologique (Ademe), qui met en scène sur un ton humoristique un « dévendeur » pour inciter à moins acheter neuf, ne les fait pas du tout rire. A tel point que les représentants du secteur ont réclamé mardi le retrait de cette campagne publicitaire.
« Au démarrage d'une période d'activité essentielle pour l'ensemble du commerce, cette campagne traite de manière inconséquente et injustifiée du secteur du commerce, et en particulier celui de la mode », fustige l'Alliance du commerce, qui regroupe grands magasins et importantes enseignes de l'habillement et de la chaussure, et représente 27.000 magasins, dans un communiqué.
Une campagne diffusée jusqu'au 4 décembre
Mais que présente l'objet de la controverse ? Dans le détail, le spot sous le feu des critiques montre des acheteurs potentiels d'un polo, d'une ponceuse, d'un lave-linge et d'un téléphone, dissuadés d'acheter au profit de ne rien acheter, de louer, de faire réparer ou d'acheter reconditionné.
Diffusée du 14 novembre au 4 décembre, la campagne publicitaire met en scène un « conseiller atypique et pour le moins déroutant qui ne pousse pas à la consommation mais préfère questionner sur leurs besoins réels », peut-on lire dans un dossier de presse de l'agence de la transition écologique.
« Le secteur de la mode traverse ces derniers mois une crise exceptionnelle », campe l'Alliance du commerce. Pour appuyer son propos, elle évoque des dizaines de milliers d'emplois supprimés. L'organisation demande donc au ministre de la Transition écologique le « retrait immédiat » de la campagne.
Le ministre de la Transition écologique à la rescousse
« Cette campagne sur la sobriété, ce n'est pas dire ''acheter, c'est mal''. C'est dire, ''acheter, ce n'est pas la seule solution'' », a tenté de se défendre Christophe Béchu, en relayant l'un des spots publicitaires, sur le réseau social X.
Contactée mardi par l'AFP, l'Ademe assume, et répond par la voix de son président, Sylvain Waserman : « Il n'y a pas plus local que l'emploi qui répare votre machine à laver, ceux qui vous louent une ponceuse dont vous n'avez besoin qu'une fois tous les 2 ans ou encore les nombreux commerces qui proposent des produits de seconde main. »
« Une véritable gifle aux commerçants »
Pas sûr que ces positions suffisent pour autant. Dans un communiqué distinct, la CPME, qui fédère 243.000 artisans, TPE, PME et ETI, a enfoncé le clou, réclamant « l'arrêt d'une campagne de communication maladroite et stigmatisante envers les commerçants ». Et pour cause, ces derniers subissent, comme les particuliers, l'inflation, s'indigne l'organisation patronale.
« Une telle campagne à l'approche des fêtes de Noël est une véritable gifle aux commerçants qui subissent l'inflation de plein fouet et s'inquiètent d'une activité économique qui donne des signes de ralentissement », déplore l'organisation.
« Stigmatiser le magasin nous paraît particulièrement maladroit alors que le message devrait plus être tourné vers les plateformes telles que Shein ou Temu, qui se taillent aujourd'hui la part du lion, malgré l'absence de respect des règles sociales, écologiques, déontologiques, qui sont les nôtres », s'est aussi alerté Olivier Ducatillon, président de l'Union des industries textiles.
Ces dernières années, le marché mondial de la seconde main fonctionne à plein régime. La plupart des études l'évalue en 2023 à 105 milliards d'euros. Dans le détail, la mode capte 33 milliards de cette somme. D'après le baromètre Digital & Payments, publié en 1er février dernier, par le groupe bancaire BPCE, le budget des Français alloué aux articles de mode de seconde main a augmenté de 15% entre janvier 2022 et janvier 2023 (contre +4% pour le prêt-à-porter de première main). Le budget alloué aux produits reconditionnés a, lui, progressé de 8%. « D'après un sondage que nous avons réalisé, les dépenses sur le marché de la seconde main ont augmenté de 22% sur la période février-août 2022 », avait constaté auprès de La Tribune Jean-Sébastien Verwaerde, directeur associé au Boston consulting group (BCG) et spécialiste du commerce. Selon lui, « la croissance de la seconde main bénéficie d'une tendance de fond qui a été révélée avec le covid-19 et qui s'est accélérée avec l'inflation. »Le marché de la seconde main en plein boom
(Avec AFP)
