Prêt-à-porter : après l'hécatombe, le triomphe des enseignes « ultra low cost » et de la seconde main

Après des fermetures en rafale en France dans le secteur du prêt-à-porter, l'« ultra low cost » et la seconde main s'imposent grâce à leurs tarifs imbattables et à leur présence digitale.
L'enseigne Primark ne cesse d'ouvrir de nouveaux magasins.
L'enseigne Primark ne cesse d'ouvrir de nouveaux magasins. (Crédits : Reuters)

Gap, Galeries Lafayette, GO Sport, Camaïeu, Kookaï, Pimkie, Burton of London, André, San Marina... En moins de deux mois, ce sont pas moins de dix enseignes du secteur du prêt-à-porter, dites de « milieu de gamme », qui ont mis la clé sous la porte en France ou qui ont été placées en redressement judiciaire.

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Parmi les causes de ce désastre, les effets du Covid-19, la concurrence des ventes en ligne, l'essor du marché de la seconde main, mais pas seulement. Inédite, cette hécatombe révèle les failles du secteur du prêt-à-porter qui compte 43.5000 magasins spécialisés en France et emploie 32.000 personnes (Union française des industries mode et habillement). Après le grand ménage, quelles sont les enseignes qui réussiront à faire revenir les clients dans les boutiques ?

L'obsession du pouvoir d'achat

Une chose est sûre, l'enseigne qui aura à nouveau pignon sur rue saura répondre aux inquiétudes sur le pouvoir d'achat. Amorcée dès la fin de la crise Covid, l'inflation a de nouveau accéléré en février, à 6,2% sur un an en France, après 6% en janvier. Elle est certes tirée en majorité par un bond des prix dans l'alimentation. Mais ce sont autant de dépenses en moins pour le budget vestimentaire.

Résultat : les premières marques à se frotter les mains sont celles qui occupent le terrain de « l'ultra low cost. » « La crise du pouvoir d'achat conforte notre modèle », s'est ainsi félicité Christine Loizy, la directrice générale France de Primark, l'enseigne irlandaise de vêtements à bas prix, vendredi 3 mars lors de l'ouverture d'un nouveau magasin de 3.500 m2 à Saint-Etienne. « Dans cette période très difficile pour tout le monde, nous on marche très bien alors que la crise a maintenant un an (...). On récupère des clients qui n'ont plus les moyens pour des produits plus chers », a-t-elle déclaré à l'AFP. Et de conclure pour cette 23ème ouverture en France porté par un investissement de 12 millions d'euros : « Il n'y a pas de raison que cela s'arrête car on a une offre qui correspond à des gens qui font très attention à leur budget ».

« Les marques qui vont remplacer celles qui ont fait faillite seront ultra-fast fashion, offrant une vaste sélection à des prix défiant toute concurrence », abonde Laure Claire Reillier, DG du cabinet de conseil en stratégie Launchworks & Co et experte de la distribution.

Aussi, celles qui tireront leur épingle du jeu seront celles qui vont proposer « une offre de valeur différenciée en s'appuyant sur de nouvelles valeurs, nouvelles technologies ou nouveaux modèles économiques, tels que les plateformes Vinted, Leboncoin, Depop, Zalando, Vestiaire Collective... Aussi, les enseignes qui vont prendre le relai sont celles qui ont su faire leur transformation digitale à temps (Zara, H&M, La Redoute). Les marques disparues (Pimkie, Kookaï, Camaïeu...) n'ont malheureusement pas su intégrer le digital à temps. Du côté du low cost, celles qui sont avant tout "digital first", parce qu'elles sont nées comme ça (SHEIN) ».

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Autres enseignes à profiter de la crise, celles qui exploitent les produits de seconde main. En 2022, le budget des Français alloué aux articles de mode de seconde main a ainsi augmenté de 15% sur un an (contre +4% pour le prêt-à-porter de première main), tandis que celui alloué aux produits reconditionnés a progressé de 8%, selon le baromètre Digital & Payments.

« Ces usages vont continuer à se renforcer après une période de consolidation (exemple : Videdressing racheté par Leboncoin), » estime Laure Claire Reillier.

Le sens donné à ces achats sera d'autant plus important après la crise du Covid : « Les modèles de plateformes permettent d'orchestrer des écosystèmes durables et des modèles d'économie circulaire, en somme plus éco-responsables », résume l'experte à La Tribune. Plus que jamais, la maîtrise des leviers du digital et de la distribution dite omni-canale est incontournable.

Quid du made in France ?

Dans ce contexte, il n'y a pas que les marques étrangères qui ont pignon sur Internet qui vont profiter de la crise. A l'image de la marque bordelaise Adopt Parfum qui, surfant sur une demande exponentielle de fragrances à bas coûts, va ouvrir un nouveau site de production en 2023 dans le Loiret.

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Mais Laure Claire Reillier prévient que « les marques de moyenne gamme françaises qui sont peu différenciées vont avoir énormément de mal à faire concurrence à des acteurs chinois (comme Shein) au niveau des prix, les coûts de production des marques françaises étant bien supérieurs. »

« Par contre, les marques capables de développer des propositions de valeur uniques, de monter en gamme, d'animer des communautés autours de leurs valeurs, de mettre en place des circuits courts, développer des modèles éco-responsables seront à même de tirer leurs épingles du jeu. En France, on voit des acteurs comme Veja (eco friendly), le slip français (made in France) pour les producteurs, Fusalp (vêtements de ski techniques), développer ce type de propositions », conclut l'experte.

ZOOM - De l'ultra low cost... aux superprofits du luxe

A l'opposé des marques de milieu de gamme qui ont du fermer boutique, le secteur du luxe a engrangé des bénéfices records en 2022. La levée des restrictions en Chine et la reprise des voyages devraient encore confirmer cette embellie en 2023.

En 2022, le luxe (LVMH, Kering, Hermès, L'Oréal) a vu ses profits enfler de 23%, soit 4,5 milliards d'euros de plus sur un an et une progression de 80% comparé à 2019, profitant de pouvoir répercuter la hausse des coûts de production sur les prix de vente.

Résultat, les dividendes s'envolent. LVMH, qui a payé 5 milliards d'euros d'impôts sur les sociétés dans le monde, devrait verser au total quelque 6 milliards d'euros à ses actionnaires, dont près de 3 milliards reviennent à la famille du PDG Bernard Arnault, et distribuer 400 millions d'euros à ses quelque 39.000 salariés français.

Cinq familles figurent parmi les dix plus gros actionnaires du CAC 40 : la famille Arnault (7,4%), celle d'Hermès (4,6%), la famille Bettencourt Meyers (3,3%), la famille Pinault (+1,6%) et la famille Dassault (1,2%).

(Avec AFP)

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Commentaires 6
à écrit le 11/03/2023 à 10:27
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Les marques de sport comme Nike , Adidas etc ne cessent de grignoter des parts de marché , y compris pour les femmes . Malheureusement il n'y a aucune marque française , même Lacoste qui est passé sous giron suisse il y a une dizaine d'années .

à écrit le 11/03/2023 à 9:11
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La pauperisation en marche.

à écrit le 11/03/2023 à 9:10
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L"expertise de cette "experte" me paraît de bien bas étage. Il est clair que l' "ultra fast fashion" ou l' "ultra low cost" (comme ils (ou elles) disent) sont parfaitement non durables. Utiliser l'argument de la mode pour fourguer aux "pauvres" des ...

le 11/03/2023 à 12:31
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Effectivement, tout le monde peut s’habiller comme Zelinsky en vert kaki de bas en haut….. Mais il n’y a pas que la chasse obstinée aux émissions de CO2 à prendre en compte. La « fast fashion » à petits prix a permis à un certain nombre de Pays de pa...

à écrit le 11/03/2023 à 0:46
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Bienvenue au tiers-monde...

à écrit le 10/03/2023 à 20:31
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Le gigantisme dans ce secteur n'est plus pertinent et encore moins quand ils s'agit d'investisseurs à la tête de ces groupes et non des professionnels . Le seconde main est très tendance sauf que tout se passe sur internet et non dans des boutique...

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