Petit Bateau se lance dans le vêtement de seconde main

La marque de vêtements pour enfants a initié un changement de modèle économique. La collecte et la vente de vêtements de seconde main montent en puissance. Dans le même temps, la production à la demande permet de réduire les stocks de vêtements neufs dans les magasins.
Une affiche apposée en vitrine informe les clients sur l'offre de seconde main, dans un magasin Petit Bateau à Strasbourg.
Une affiche apposée en vitrine informe les clients sur l'offre de seconde main, dans un magasin Petit Bateau à Strasbourg. (Crédits : Olivier Mirguet)

« Vinted ne nous a pas attendus ». Quand Jean-Marc Guillemet, directeur des opérations de Petit Bateau, évoque la vente de vêtements de seconde main, le propos se veut offensif. « On a décidé de prendre notre part du marché. Historiquement, nos vêtements sont toujours passés d'un enfant au suivant, d'un cousin à un autre cousin. Ils se transmettent de génération en génération », observe le responsable. « En organisant la seconde main, on garde un contact avec nos clients. On confirme la qualité de nos produits qui vont connaître deux, trois, quatre ou cinq vies ». La nouvelle activité qui consiste à collecter, à reconditionner et à revendre des produits d'occasion est montée en puissance très progressivement depuis deux ans. Au printemps 2023, la marque avait récolté 160.000 pièces. Petit Bateau revendique désormais un rythme de 200.000 pièces par an. Au printemps cette année, les ventes de seconde main représentaient 10 % de l'activité dans ses magasins.

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Des bons d'achat pour accélérer l'économie circulaire

Pour le client, le principe consiste à rapporter des vêtements d'occasion « lavés et poches vidées » dans une boutique Petit Bateau (154 points de vente en France). La valeur de reprise se situe entre 1 euro pour les petites pièces (bodies, débardeurs, bonnets, gants) et 25 euros pour un manteau ou une parka, transformés en bons d'achat. A la revente, un blouson Teddy molleton s'affiche à 30 euros en seconde main, contre 65 euros pour son équivalent neuf.

Dans les magasins, l'offre de seconde main est rangée dans un corner dédié. Jamais en tête de gondole, pour ne pas porter préjudice aux nouvelles collections. La seconde main n'est apparue qu'en février 2023 sur le site de vente en ligne, où Petit Bateau réalise un tiers de son activité commerciale. L'offre y est mise en valeur dans un onglet dédié. Guillaume Darrousez, PDG de Petit Bateau jusqu'en août 2023, nommé depuis lors à la tête du groupe Yves Rocher, a constaté que « 75 % des paniers de vente en ligne étaient composés de vêtements neufs et d'occasion ».

Les équilibres économiques menacés

Comment opérer un tel changement, sans mettre en péril les équilibres économiques et financiers ? Fondée à Troyes en 1893, l'entreprise appartient depuis 1988 au groupe de cosmétiques Yves Rocher. « Le modèle de production et de vente des textiles est devenu obsolète. Il mobilise beaucoup trop de cash. La crise a affecté notre rentabilité, et le chiffre d'affaires 2023 s'inscrira probablement en recul, à 250 millions d'euros », reconnaît Jean-Marc Guillemet. En 2022, le chiffre d'affaires de Petit Bateau s'est établi à 270 millions d'euros. « La seconde main aura forcément un impact sur les chiffres de nos ventes. Mais l'activité est aussi détériorée par l'inflation, et par les changements de comportements d'achat de nos consommateurs. On ne peut pas mesurer l'impact précis des ventes de la seconde main au détriment des ventes de vêtements neufs. C'est pourquoi nos prix de revente sont variables. Nous les modifions en permanence pour tester les réactions des clients », ajoute-t-il.

Pour accompagner les cycles de vie de ses articles, Petit Bateau a dû investir et requalifier une partie de son personnel. « Nous avons renforcé la polyvalence sur nos deux sites à Troyes et acquis des machines à laver, à désinfecter et à repasser nos vêtements », rapporte Jean-Marc Guillemet. Les vêtements de seconde main bénéficient de la même présentation que les vêtements neufs, emballages compris.

Production à la demande

La démarche s'inscrit dans la perspective de la transition écologique défendue par Petit Bateau, qui revendique déjà une réduction de 30 % de sa consommation d'eau et affirme produire 50 % de ses matières à Troyes. La confection se partage entre la France, le Maroc et la Tunisie. « Nous basculons progressivement dans un modèle de production à la demande. Elle représente 30 % de nos volumes et elle permet de réduire les stocks. Avec la coupe et l'impression numérique, nous produisons déjà deux fois plus vite que précédemment. Une intelligence artificielle identifie la courbe de vie de nos produits best sellers, en fonction des ventes observées en quelques heures sur internet ou pendant quelques jours dans nos magasins. Notre organisation permet de relancer des productions jusqu'à cinq fois dans la saison, ou au contraire de ne rien relancer du tout. Un tel changement nécessite aussi beaucoup d'intelligence humaine et de travail collectif », explique Jean-Marc Guillemet. Les stocks ont ainsi diminué de 15 % en 2023.

Pour accompagner ces changements, Petit Bateau propose, en test, la location de ses vêtements. Mais l'essai n'est pas encore concluant. « Les bébés changent cinq à six fois de taille au cours de la première année », a observé Jean-Marc Guillemet. « C'est peut-être une bonne idée sur le papier, mais elle n'a pas encore trouvé son public. Nous voulons d'abord mesurer l'appétence du marché ».

En fin de cycle, Petit Bateau aimerait bientôt proposer une solution de recyclage comprenant le tri des produits, l'effilochage et la transformation en fibres. « Nous aimerions reproduire du fil de coton recyclé à partir de nos vêtements. Techniquement, c'est encore incompatible avec nos exigences de finesse et de solidité. Nous y travaillons, avec des acteurs extérieurs, pour reconstituer une filière française de la boucle aval », termine le directeur des opérations.

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