Pourquoi Gabriel Attal cherche à choyer les classes moyennes

À quelques mois des élections européennes, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a promis de baisser les impôts des classes moyennes. Le gouvernement ne veut pas laisser cette catégorie au Rassemblement national (RN). Mais le plan Marshall présenté au printemps 2023 par l'ex-ministre des Comptes publics n'a pas vraiment convaincu.
Grégoire Normand
Le chef du gouvernement Gabriel Attal lors d'un déplacement dans un collège de vendredi 12 janvier.
Le chef du gouvernement Gabriel Attal lors d'un déplacement dans un collège de vendredi 12 janvier. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Les classes moyennes sont devenues une obsession dans la classe politique française. Arrivé à Matignon mardi dernier, le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a déjà mentionné à plusieurs reprises cette catégorie lors de son discours de passation en présence d'Elisabeth Borne, rue de Varenne. 

« Trop de Français doutent de notre pays, doutent d'eux-mêmes, doutent de notre avenir. Je pense en particulier aux classes moyennes, cœur battant de notre pays, artisans de la grandeur et de la force de notre nation française », a-t-il déclaré.

Lors de son premier déplacement dans les Hauts-de-France avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ou lors d'un entretien accordé au JT de TF1 jeudi soir après l'annonce de la composition du nouveau gouvernement, Gabriel Attal a notamment promis de tenir l'engagement d'Emmanuel Macron de baisser les impôts pour les classes moyennes. «Le président s'est engagé (à baisser les impôts de deux milliards d'euros, ndlr) et évidemment, on sera au rendez-vous de son engagement » car « les Français attendent qu'on agisse pour eux », a affirmé le chef du gouvernement.

Une catégorie fourre-tout

Dans ses différentes interventions, le chef du gouvernement n'a pas forcément défini de ménages précis. Il faut dire que beaucoup de Français se revendiquent de cette catégorie. «Cette attention tient au fait qu'une très large partie des Français pensent appartenir aux classes moyennes. Même les gens aisés disent appartenir à la classe moyenne. C'est une manière de viser assez large », explique à La Tribune le sociologue, Olivier Galland, et directeur de recherche émérite au CNRS.

Dans une vaste enquête menée par la fondation Jean Jaurès fin 2023, «l'autopositionnement subjectif au sein de la vaste classe moyenne centrale  continue de prédominer très largement puisqu'il continue de concerner près des deux tiers des Français », souligne également le sondeur d'Ipsos Jérôme Fourquet.

Une classe moyenne qui se sent, qui plus est, abandonnée :

« Certains discours affirment que les personnes ayant des revenus médians bénéficient peu d'aides sociales alors que les pauvres en bénéficient. Il y a le sentiment que les classes moyennes se sentent délaissées. Il peut y avoir une forme de jalousie sociale », poursuit Olivier Galland.

Européennes : les classes moyennes au centre de la bataille entre le gouvernement et le RN

À quelques mois de la bataille des élections européennes, les classes moyennes vont alors aiguiser l'appétit des forces politiques. « L'enjeu est évidemment électoraliste, dans la perspective des élections européennes », rappelle à La Tribune, Adelaïde Zulfikarpasic, directrice générale de l'institut de sondages BVA. « Il s'agit de reconquérir des Français qui pèsent lourd dans l'électorat et qui sont aujourd'hui très sensibles aux thématiques du RN », poursuit la spécialiste de l'opinion publique. « C'est sur cette catégorie dont les contours sont flous et larges que vont se jouer les scrutins à venir ».

Dans la majorité, les conseillers d'Emmanuel Macron et de Gabriel Attal ont bien conscience que le Rassemblement national (RN) vise à draguer ces électeurs déçus du macronisme. Au printemps 2023, Marine Le Pen dénonçait déjà « l'appauvrissement des classes moyennes » dans ses discours lors des déplacements sur le terrain ou lors d'entretiens dans des médias. Et la tête de liste RN aux Européennes Jordan Bardella ne devrait pas hésiter à exploiter ce filon durant sa campagne.

Des classes moyennes sous pression exposées à des privations

Sur le plan économique, l'inflation a mis les classes moyennes sous pression. L'indice des prix a certes ralenti sur l'ensemble de l'année 2023 pour s'établir à 4,9% contre 5,2% en 2022 après 1,6% en 2021 et 0,5% en 2020. Mais il demeure bien supérieur à son niveau d'avant crise. Face à cette envolée des prix, les catégories intermédiaires et les familles sont en première ligne. « La période est à la désinflation mais les prix continuent d'accélérer », a rappelé Hélène Périvier, économiste à l'OFCE lors d'un point presse ce jeudi 11 janvier consacré au dernier rapport alarmant du Haut conseil des familles. « Les privations ont augmenté pour les familles dans cette période d'inflation », a alerté la spécialiste n'hésitant pas à parler « d'extrêmes vulnérabilités des familles monoparentales. Les privations touchent avant tout l'alimentation, avec une dégradation qualitative et quantitative », poursuit l'économiste.

Au ministère des Finances, cela fait plusieurs mois que le gouvernement planche sur la question brûlante des pertes de pouvoir d'achat. « Il faut une attention particulière aux classes moyennes », avait expliqué le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave à La Tribune à la fin du mois d'octobre. « Certaines catégories qui travaillent ont le sentiment de ne pas s'en sortir. Le président Emmanuel Macron nous a demandé de travailler sur des mesures ciblées pour les classes moyennes qui travaillent. On planche dessus pour le budget 2025. Le groupe Horizons a fait des propositions sur ce sujet qui doivent alimenter notre réflexion pour 2025 ». Au même moment, le gouvernement avait organisé une grande conférence sociale sur les bas salaires au CESE. À l'époque, l'ex-Première ministre Elisabeth Borne avait mis la pression aux branches qui pratiquaient des salaires en deçà du SMIC.

Lire aussiBas salaires : Elisabeth Borne lance un ultimatum aux patrons

Un plan Marshall au printemps qui fait Pshitt

Avant d'arriver à Matignon et de devenir ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal alors ministre des Comptes publics avait défendu un plan Marshall pour les classes moyennes. Pour mettre en oeuvre la promesse présidentielle, « plusieurs leviers sont possibles: l'impôt sur le revenu, les cotisations salariales, c'est-à-dire la différence entre le brut et le net pour le salarié », avait énuméré le ministre.

Mais ces options sont rapidement tombées dans l'oubli. En effet, l'Etat doit faire face à une explosion de la dette depuis la pandémie. Pressé par les agences de notation, l'exécutif dit vouloir donner des gages de rigueur budgétaire depuis 2022. Mais de nouvelles baisses d'impôt, même pour les classes moyennes seraient très difficiles à financer par la dette dans un contexte de taux élevés. Derrière le récit du gouvernement, les difficultés budgétaires risquent de compliquer la tâche du Premier ministre à peine arrivé et déjà sous pression.

Lire aussiPODCAST. Baisses d'impôts : un plan Marshall ou un mini plan Attal ?

Grégoire Normand
Commentaires 14
à écrit le 13/01/2024 à 11:53
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l'ange gabriel descend du ciel pour tenter de sauver macron trop tard monseigneur le mal est fait le coup fatal ayant ete les retraites il n'y a plus rien a sauver le navire coule lentement mais surement mais son capitaine tentera de s'en sortir...

le 13/01/2024 à 16:03
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Macron ne pouvant pas se représenter en 2027 ne cherche pas a être sauver, il veut que le RN soit élu en 2027 pour qu'en 2032 Macron puisse commencer un troisième mandat...

à écrit le 13/01/2024 à 11:41
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Le chef de l'échange du gouvernement est interprété en France comme un signe de nouveau départ. Mais c'est généralement une erreur. Seul le président peut changer l'orientation de la politique. Veut-il aussi ça? Le président s'appuie sur un visage d...

à écrit le 13/01/2024 à 9:23
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Macron ; "Je ne veux pas de gestionnaires, je veux des révolutionnaires."Ce gouvernement sera celui de la discipline républicaine". À peine nommée, la ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra (qui on peut le rappeler touchait 500.000 euros p...

le 13/01/2024 à 12:50
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L'école publique est à la ramasse, ce gouvernement a la solution : le privé pour leur progéniture. L'hôpital est à la ramasse, ils se soignent à l'hôpital américain de Neuilly. Ils disent donc vrai : ils ont la solution à tous les problèmes

le 14/01/2024 à 9:35
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Reproduction des élites : Hier ,Jérôme Guedj, porte-parole du PS, admettait avoir aussi fait ce choix pour son fils Le député PS de l’Essonne et porte-parole du Parti socialiste, Jérôme Guedj dénonçait l’entre-soi des écoles privées, mais tout en...

à écrit le 13/01/2024 à 8:14
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Les jeunes et les actifs devraient être la priorité dans leurs déplacements, leurs rémunérations et leurs conditions de travail sans oublier de prendre en compte leurs aspirations. "Hou là là ça fait bien trop de taf je vais plutôt m’occuper des clas...

à écrit le 13/01/2024 à 8:03
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« choyer les classes moyennes » : en annonçant tous les jours des subventions ruineuses pour l´État, mais qui en fait concernent bien peu de monde (ex. : les gens qui ne peuvent en fait pas se le permettre) ? De même annoncer une baisse infime de l´i...

à écrit le 12/01/2024 à 21:30
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Plutôt que de s’inquiéter de la « classe moyenne » à savoir les retraités, le gouvernement devrait plutôt s’inquiéter de la smicardisation des actifs, parce que là ça va voter RN et pas qu’un peu.

le 13/01/2024 à 11:34
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Les retraités en difficultés c'est a dire la majorité. Le discours retraites heureux est surfait. Les actifs hors service public dépendent du privé. Les charges qui pèsent sur l'entreprise est un point dont le gouvernement refuse de prendre sa respon...

à écrit le 12/01/2024 à 20:16
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le roi est nu, les caisses sont vides, les impots au tacquet, et il s'engage a des promesses qui n'engagent que lui......tant que la france ne sera pas reformee de fond en comble, ce qui n'est plus possiblie, y aura rien.........la seule issue est la...

le 13/01/2024 à 1:26
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La guerre larvee est commencee depuis quelques annees. Chaque jour, in couteau sort et fait saigner un francais. A tel point que meme la Corse commence a se rendre compte que la contagion l'a touchee. Vous etes cuits, archi cuits.

le 13/01/2024 à 8:58
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@ matins calmes. Pourquoi dites-vous « vous êtes cuits »? Vous n’êtes pas français ?Vous vous moquez ou compatissez?

à écrit le 12/01/2024 à 19:17
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Parce que c'est un malin 🤪

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