Entretien vidéo - La Grande Tribune de la présidentielle avec Gaspard Koenig, candidat du mouvement Simple
Vous êtes un nouveau venu en politique. Où en êtes-vous de la quête des parrainages pour vous présenter aux suffrages des Françaises et des Français ?
On a obtenu entre 100 et 200 promesses. C'est une épreuve extrêmement difficile, mais légitime et instructive, un bon test et un filtre plutôt sain. Les maires sont légitimes pour opérer le choix des candidats, encore faut-il qu'ils jouent le jeu. Lors des dernières élections, deux tiers des élus qui pouvaient parrainer ne l'ont pas fait et aujourd'hui 80% n'ont pas encore accordé de parrainage. Si les maires ne parrainent pas, on risque de rentrer dans un système où seuls les candidats des grands partis pourront se présenter. Ce n'est pas bon pour la démocratie.
Faut-il remettre en cause le non anonymat des soutiens ?
Je comprends la raison qui a conduit à lever l'anonymat, car il faut que les électeurs comprennent pourquoi leur maire donne son parrainage. Mais je crains que ce débat nous mène au parrainage citoyen, qui permettrait à des hurluberlus d'avoir accès à la présidentielle. Je trouverais dommage qu'on n'arrive pas à réformer le système. Peut être faut-il proposer un mécanisme avec trois choix optionnels et quand le premier obtient ses 500 signatures, le parrainage se reporte sur les suivants. Cela éviterait que les gros partis s'amusent à faire la course à celui qui aura le plus de signatures et que les élus de ces partis refusent de parrainer d'autres candidats. Il y a des petites choses à faire pour redonner de la légitimité à ce système.
Si on ne fait pas de simplifications radicales, cela ne sert à rien de parler du reste.
Comment vous est venue l'idée de votre candidature à l'Elysée ?
Du constat que la France soit un pays sur-administré, sur-bureaucratique. Depuis Pompidou, tous les Présidents disent qu'il y a trop de paperasse. Tous les 5 ans, le Conseil d'Etat nous dit qu'il y a trop de normes. Avec Génération Libre, nous avions sorti un rapport sur le sujet... Et au cours de ma traversée du territoire à cheval, en allant chez les Français qui m'ont accueilli dans leurs foyers, en les écoutant, j'ai été frappé par la récurrence de ce que j'entendais, dans toutes les catégories socio-professionnelles, on me parlait de sigles : PMI, ABF, SCoT, SRADDT, DDT, Dreal, de la préfecture,... de cette cage bureaucratique dans laquelle nous sommes enfermés...
J'ai rencontré des gens qui essayent de vivre et en sont empêchés par une administration qui peut être très violente, des gens peuvent être ruinés parce qu'ils n'ont pas rempli le bon papier. Ces gens qui se sentent paumés et impuissants, glissent dans une forme de semi-anarchie et vivent cachés, alors que ce sont d'honnêtes gens que l'administration devrait protéger, soutenir et conseiller. Mais ils en ont peur. Ils n'ont plus confiance en la loi et sentent que la loi ne leur fait pas confiance non plus.
En terme de justice sociale, c'est une catastrophe. Parce que les gens les plus proches du pouvoir s'accommodent de la situation, ils ont toujours un contact ou ils peuvent employer un cabinet d'audit, un expert comptable, un avocat pour leur faire profiter d'un système complexe qui massacre les outsiders qui se trouvent démunis devant le mur normatif. Je me suis dit, c'est un sujet grave, premier, matriciel. Si on ne fait pas de simplifications radicales, cela ne sert à rien de parler du reste. Il faut d'abord reconstruire les fondations de notre maison commune pour pouvoir exister ensemble. Cela ne sert à rien de parler de Liberté si au quotidien on se sent pieds et poings liés et dans l'anxiété permanente de faire quelque chose qui ne serait pas autorisé. Si on arrive à dénouer ce sujet, les questions de santé, d'éducation, d'achat en découleront. C'est un sujet culturel qui nécessite d'aller à l'encontre de deux siècles administratifs, pour changer ce pays de défiance et en faire un pays de confiance. C'est un sujet à la fois modeste et incroyablement ambitieux et la réforme que nous proposons est un peu utopique dans sa radicalité.
Vous parlez d'inflation des normes, les avez-vous chiffrées ?
Nous avons comptabilisé 348.000 normes codifiées et de l'ordre de 400 à 500.000 normes non codifiées. C'est une machine en inertie. Les grosses bureaucraties ont perdu leur sens, leur vitalité et risquent de s'effondrer. Mais il y a aussi une question culturelle et je pense que le mouvement que j'essaye d'emmener avec moi est aussi un moyen de répondre à la question du risque. Car produire de la norme, c'est déléguer la responsabilité et essayer de construire la fiction d'un monde où tous les risques ont été prévus, alors que simplifier, c'est renoncer à tout prévoir. Il y aura des accidents, des incidents qui seront la responsabilité de personne, la faute à la fatalité, parce que la vie c'est comme ça.
Montaigne le décrit très bien, plus une loi va dans le détail, plus elle devient folle et plus elle rate la singularité de la vie,
Votre candidature avec SIMPLE est-elle issue de cette crise que nous venons de vivre qui a conduit les pouvoirs publics à prendre des mesures verticales et absurdes en apparence, comme la distinction des biens essentiels et non essentiel. On s'est tous retrouvés démunis face au côté kafkaïen des attestations, qui a poussé beaucoup à contester la règle ou à tricher. Cette crise a t-elle produit une demande de liberté ?
La crise sanitaire a exacerbé le problème. Tout le monde a pu voir en temps réel ce qu'était une administration sans contre-pouvoir, qui produit la norme et puis crée des exceptions et des sous-exceptions. Montaigne le décrit très bien, plus une loi va dans le détail, plus elle devient folle et plus elle rate la singularité de la vie, car personne ne tombe dans les cases. La crise Covid a illustré que cela ne marche plus et que plus personne ne respecte la loi qui est devenue un énorme "nudge" (le mot anglais nudge, ou "coup de coude", c'est une technique qui vise à orienter vos choix, en douceur, pour votre bien ou celui de la collectivité, sans que vous ayez toujours conscience d'en être l'objet) que les politiques eux-mêmes ne prennent plus au sérieux.
Quand un gouvernement fait une loi absurde, on introduit de l'arbitraire, parce que la loi n'est pas applicable. C'est le sens de ce qu'a dit Emmanuel Macron lorsqu'il parlait d'emmerder les non vaccinés. La loi n'est pas là pour créer une souricière pour nous pousser à adopter un certain comportement. L'insécurité vient aussi du fait que la loi n'est plus respectable et qu'il n'y a donc plus de limite.
Je suis pour qu'on ait le droit de faire tout ce qui n'est pas interdit. Cette crise a aussi généré l'envie d'une simplicité au sens moral du terme, de revenir à la nature, d'avoir un contact plus direct avec autrui, de moins consommer, d'être dans une forme de sobriété. Ce terme administratif rejoint aussi le terme moral et philosophique de la vie simple.
En entreprise, les DAF sont harcelés au téléphone par des vautours qui leur proposent d'obtenir un crédit d'impôt recherche contre 20% de la somme récupérée.
On parle de paternalisme libertarien. Il y a au sein de la société des personnes pour qui cette prise en charge par l'Etat convient. Vous citez aussi des exemples de gens qui sont dans un milieu rural, qui ont affaire à des problèmes qu'il n'y a pas dans un milieu urbain.
Le paternalisme ne peut pas être libertarien, car les neurosciences arrivent à un tel niveau de précision, qu'on agit sur le comportement des gens. Quant à la population, je pense que la différence n'est pas entre les urbains et ruraux. Ce burn out administratif concerne aussi bien l'agriculteur que le demandeur de RSA en banlieue. La vraie différence qui existe est entre ceux qui sont proches du pouvoir et des informations et les autres, qu'ils soient dans les villes ou les campagnes. C'est une question de connaissances qui produit une injustice. Les grosses municipalités n'ont pas de problème pour faire des demandes pour obtenir des aides, tandis que les petites communes en sont incapables. Pour les contribuables, les plus gros patrimoines payent très peu de droits de succession parce qu'ils ont réussi à tirer toutes les ficelles pour les éviter, alors qu'un petit nombre fournissent 50% des recettes, parce qu'ils sont dans la mauvaise case, sont morts trop tôt, qu'ils n'ont pas d'enfant biologique. En entreprise, les DAF sont harcelés au téléphone par des vautours qui leur proposent d'obtenir un crédit d'impôt recherche contre 20% de la somme récupérée. En profitant de la complexité, ces improductifs servent de courroies de transmission entre le citoyen et l'administration et renforcent les inégalités, parce qu'il y a ceux qui peuvent se les payer et les autres.
Dans la colère des gilets jaunes on a vu une énergie potentiellement libérale, anti-jacobine en tout cas. Mais que se passe-t-il si on enlève toutes les règles ?
Chez les Gilets jaunes, le sentiment prédominant, c'est celui de ne pas maitriser son destin, que ce sont d'autres qui décident, d'en haut. Ma méthode pour réformer, que nous avons baptisée "Projet Portalis", a été mise au point en partant de témoignages de Français ayant connu des problèmes avec l'administration, que nous avons confiés à des juristes pour qu'ils en fassent la synthèse. Ils nous ont dit qu'il était impossible de démêler tout cela et on en est arrivé à la conclusion qu'il fallait une refonte institutionnelle, que ce soit une priorité politique. C'est la matrice, le coeur de mon projet. Mais il faut le faire de manière systémique, en remontant au principe de chaque code pour voir quelles normes on garde.
On l'a déjà fait dans notre histoire, preuve que c'est possible. Napoléon avait demandé à des juristes de réécrire le droit français, cela a donné le code civil. Sous le quinquennat précédent, on avait demandé à Antoine Lyon-Caen et Robert Badinter de dégager les grands principes du droit du travail. Ils en ont tiré 61 principes compréhensibles. Nous on dit, ça c'est le code du travail et on propose de faire pareil sur tous les codes pour arriver à 5000 grands principes de droit, dont on fera un livre qu'on distribuera à tous les Français en leur disant : voilà le droit qui s'applique en France. Car nul n'est censé ignorer la loi.
Cela va supprimer des postes de fonctionnaires.
Cela va surtout réduire le travail de ceux qui vivent de la complexité, les "vautours" qui tournent autour de l'excès de normes. Non, l'idée n'est pas de supprimer les fonctionnaires, mais de redonner du sens à la fonction publique, de créer des maisons du citoyen partout, où les fonctionnaires de base seront amenés à prendre des décisions. Dans mon système, notre gros livre rouge permettra d'aller voir un fonctionnaire de terrain pour valider son projet et se faire délivrer un rescrit administratif qui donnera une sécurité juridique, afin de ne plus être en permanence sous la menace d'une amende. On libérera du temps pour un service public de terrain.
Remettre ces gens sur le terrain pour faire du conseil, c'est un moyen de recréer du lien et tout le monde sera plus heureux
Il faut être Président pour faire ce choc de simplification ?
C'est le sens de ma candidature. Ce sujet doit être une priorité politique, que ce soit moi ou un autre, j'espère l'imposer.
Le choc de simplification, tout le monde en parle, mais il ne se produit jamais.
Nous, nous avons une méthode, une foi. J'y crois, c'est ancré en moi. Le projet Portalis est très clair : extraire les grands principes de chaque code. On ne pourra pas le faire contre l'administration, qui est la première à le demander. Les conseillers d'Etat sont les premiers à dénoncer l'insoutenabilité de l'inflation normative. Les soignants dénoncent le blabla et la sur-administration à l'hôpital, les profs se plaignent des procédures sanitaires, les chercheurs disent qu'avec les nouvelles lois ils ne peuvent plus faire leur travail, les policiers déplorent de passer de plus en plus de temps à faire de la paperasse. Il y a un mal être des fonctionnaires et de moins de moins de jeunes qui veulent le devenir, parce que c'est considéré comme un bullshit job. Nous avons 10 à 15 % de plus d'administratifs en back office chez nous que dans les administrations des pays voisins. Remettre ces gens sur le terrain pour faire du conseil, c'est un moyen de recréer du lien et tout le monde sera plus heureux.
Cette inflation de normes se fait sans qu'on sache qui commande. Mais n'y a t-il pas une volonté de déresponsabiliser les citoyens ?
Il y a en effet un cercle vicieux qui produit des comportements infantile. Je crois à l'inverse que la responsabilisation crée du rationnel vertueux. Dans les expériences étrangères autour de la liberté, que ce soit dans les communes suisses qui votent des lois en assemblée cantonale, quand vous donnez un revenu universel au Brésil, ou quand vous légalisez la drogue au Colorado, les gens se responsabilisent. Créer un espace de liberté, c'est permettre aux gens de développer une forme de maturité.
La présidence Macron a été très verticale, recentralisatrice. Je pense qu'on peut gouverner différemment, plus modestement
On a l'impression d'élire tous les 5 ans un prophète qui va nous sauver de tout, mais ces présidents se heurtent tous au même problème qui s'amplifie.
La logique de ce que je défends s'applique à tous les domaines et avec ma famille doctrinale, nous sommes opposés à l'élection présidentielle au suffrage universel, cette rencontre toujours ratée entre un homme et un peuple, à cette hyper personnalisation du pouvoir qui fait qu'on reporte tous ses maux ou ses bonheurs sur un homme qui de fait n'est responsable de rien. C'est le stade infantile de la démocratie cette élection présidentielle au suffrage universel. J'y participe parce qu'il y a des règles du jeu, mais je pense qu'une autre conception de la présidence est possible.
La présidence Macron a été très verticale, recentralisatrice. Je pense qu'on peut gouverner différemment, plus modestement et laisser le gouvernement gérer les affaires courantes. Dans un système ou la loi est simple, le rôle du Parlement est moins de faire la loi, que de contrôler l'action du gouvernement, ce qui est son rôle constitutionnel premier. Je préfère un Parlement qui passe plus de temps faire de l'évaluation et à contrôler l'action des ministres, plutôt qu'à légiférer.
La décentralisation avec vous ce serait quoi ?
Aujourd'hui les décentralisations sont conçues de manière centralisée. On construit depuis Paris les ensembles régionaux et départementaux et après on définit les compétences et qui va les exercer. Les acteurs locaux sont simplement des exécutants de la politique gouvernementale, on leur délègue des compétences et comme ils n'ont plus d'autonomie fiscale, ils vont constamment demander de l'argent au-dessus. Dans une vraie décentralisation, il faut de la subsidiarité ascendante. Le plus petit échelon détermine les compétences dont il ne veut pas se saisir, qu'il transfère à l'étage du dessus, jusqu'à l'Etat qui est la voiture balai qui récupère ce dont personne ne veut.
Cela veut dire que vous aurez une organisation du territoire modulable et spécifique à chaque région. Cela ne sert à rien de faire une énième réforme territoriale, parce qu'il y a des départements où le département fait sens et d'autres pas. Il faut que ce processus puisse se faire depuis le bas. On propose que l'économie puisse sortir de l'intercommunalité et récupérer les compétences qu'elle souhaite. On propose également que les départements puissent fusionner ou se scinder, suivant leur volonté propre et que chaque collectivité puisse prendre l'autonomie qu'elle souhaite. Toute collectivité française devrait pouvoir assumer son autonomie si elle le souhaite. L'Alsace et la Moselle bénéficient d'une autonomie de plein droit dans bien des secteurs. Est-ce que cela gêne quelqu'un? Est-ce que les Alsaciens se sentent moins Français ? Absolument pas. C'est la preuve qu'on peut gérer les territoires de manière spécifique, cultiver sa singularité et faire partie du grand tout national. La République est une et diverse.
Le maire est un personnage clé de votre réforme ?
Parce qu'il est au courant des problématiques de terrain, il est central. Dire que le maire ne sert à rien, qu'il faut supprimer des petites communes, c'est rater le sens de l'histoire. On a la chance d'avoir des ensembles cohérents, ces villages, qui n'ont pas dit leur dernier mot, car il y a une vraie volonté de les repeupler avec le travail à distance, qui peut les rendre encore plus divers, prospères et habités et le maire va reprendre tout son sens. Dans les intercos de 25 communes, on ne connaît personne. Il faut fonder une démocratie à plus petite échelle.
On a calculé que si on donne 500 euros par mois, il faudrait un impôt à taux unique de 30% sur le capital et le travail pour le financer.
En matière d'économie, vous proposez la libération du travail, avec un revenu de base universel. Comment cela marcherait, concrètement ?
Nous proposons un revenu universel, consistant à donner la même somme mensuelle à tous, à partir de 18 ans, pour subvenir à leurs besoins de base. Aujourd'hui le système social est englué dans la notion de charité, c'est stigmatisant, cela génère un système d'assistanat et les gens sont coincés dans leur identité de pauvre. Le revenu de base n'est pas discriminant. Chacun a le même et cela lui permet de se projeter dans l'avenir et entreprendre. Là où c'est appliqué le taux d'activité augmente. Cela élimine aussi ceux qui profitent, cela simplifie l'impôt et le système social. On le fait à budget constant. On a calculé que si on donne 500 euros par mois, il faudrait un impôt à taux unique de 30% sur le capital et le travail pour le financer. Cette somme qui se substituerait à toutes les aides sociales, est un crédit d'impôt. A la fin de chaque mois, on calcule la différence entre ce que vous devez et ce qu'on vous doit. Comme on le reçoit sans avoir à le demander, cela offre une stabilité à ceux qui ont un revenu fluctuant. C'est ajusté à la situation. C'est une réponse aux travailleurs pauvres. Entre 0 à 1700 euros, malgré l'impôt, vous avez un bonus, pour que le travail paye toujours. Si vous êtes au dessus d'un certain seuil, les impôts se rapprochent de 30% et absorberont ces 500 euros.
La fiscalité actuelle a parfois des objectifs, comme inciter à la natalité.
C'est du nudge. L'Etat doit être neutre par rapport au nombre d'enfants qu'on fait. Il y a aujourd'hui des tabous, car il faut individualiser l'impôt, ne plus avoir de foyer fiscal. Dire qu'on donne un revenu sans contrepartie demande un vrai saut philosophique, une vraie révolution.
Chacun disposera d'un abattement de 500.000 euros dans sa vie, qu'il peut recevoir de toutes sources. Au delà, il doit payer 10% d'impôt.
Quel est votre programme concernant la fiscalité des successions et l'héritage ?
Je souhaite qu'on puisse léguer ce que l'on veut à qui on veut dans les mêmes conditions, quel que soit le lien, l'âge auquel on lègue, que ce soit de son vivant ou mort. La donation et la succession doivent être harmonisées en basculant la charge du calcul de la fiscalité du donataire au récipiendaire. Chacun disposera d'un abattement de 500.000 euros dans sa vie, qu'il peut recevoir de toutes sources. Au delà, il doit payer 10% d'impôt. Aujourd'hui 85% des Français ne payent pas de droit de succession, parce qu'ils sont sous les 500.000 euros et pour les gros héritages, 10% cela paraît peu, mais c'est plus que ce qu'ils payent qu'aujourd'hui, car dans les faits ils se faufilent dans des niches pour payer moins. Cela incitera aussi les personnes qui ont du patrimoine à léguer tout au long de leur vie. Je crée un mécanisme pour inciter à la distribution spontanée, en autorisant de transmettre 500.000 euros à mon fils, mon petit fils, aux amis qui ont un projet... J'élimine aussi la notion perverse qui dit qu'il suffit à certains de naitre pour recevoir un héritage. Les cartes sont rebattues, puisque n'importe qui peut hériter, il n'y a plus de réserve héréditaire.
Comment articuler votre projet avec l'Europe qui fabrique aussi une inflation des normes ?
En Europe, j'aime le principe de subsidiarité que j'essaye d'appliquer au territoire national. Que l'Europe gère le droit de la concurrence, les traités de libre échange, le numérique, c'est très bien. Pour ça, je suis pro européen, mais je suis opposé à une uniformisation du droit européen. Je suis pour un maximum de diversité en Europe. Il faut de la différence, de l'imagination, créer des expériences. Sur le projet de simplification, nous estimons qu'il y a 10% des normes françaises auxquelles on ne peut pas trop toucher et 90% sur lesquelles on peut faire le ménage en interne. On reproche souvent à la France de faire de la surtransposition du droit européen. Par exemple, les riziculteurs de Camargue ont trois fois plus d'interdictions de produits phytosanitaires que les italiens, ce qui crée une concurrence déloyale. Cela vient de la France qui a trop surtransposé, pas de l'Europe. Si on arrive à faire le ménage, on y verra déjà plus clair.
Quelles sont vos solutions en ce qui concerne l'écologie. Peut-on sauver la planète sans fabriquer sans cesse de nouvelles normes pour contraindre les producteurs et consommateurs ?
Il y a deux problèmes : le droit du vivant et les émissions de carbone. Il faut donner des droits aux animaux et interdire l'élevage intensif qui produit 99% de la souffrance animale. On n'a pas besoin de s'acharner sur la chasse. Sur la question du réchauffement climatique, je suis favorable à l'instauration d'une taxe carbone qui est le meilleur moyen de corriger les externalités en laissant l'innovation prospérer. Mais notre proposition prévoit de redistribuer immédiatement le produit de cette taxe de manière forfaitaire. Il faut définir les plus touchés par la taxe et leur reverser une grande partie de l'argent. Un agriculteur qui paye 300 euros de taxe carbone pourra ainsi toucher 400 euros en forfait compensation carbone, il sera gagnant, mais l'effet d'incitation de la taxe sera intouché. Cela permet d'éviter les bonnets rouges ou les gilets jaunes.
Je propose de passer du féodalisme à l'économie de marché, en instaurant un droit de propriété et donc une contractualisation de la data.
Le numérique, est-ce pour vous un instrument d'asservissement ou une libération de l'homme ?
J'avais fait un tour du monde autour de l'Intelligence Artificielle qui a donné lieu à un livre : "La fin de l'individu". J'avais constaté l'asservissement que produisait le numérique. Ce n'est pas forcément bien pour la liberté. Les neuroscientifiques qui travaillent sur les plateformes maitrisent tellement nos cerveaux, qu'ils sont capables de nous aiguillonner et on perd du libre arbitre et de la maitrise de soi. La solution que je propose, c'est d'instaurer une propriété privée sur les données intellectuelle et de stocker nos données personnelles dans un wallet, comme pour les cryptomonnaies.
Il y a deux tendances dans le numérique : l'IA qui est hyper centralisatrice et la blockchain qui est hyper décentralisatrice. Il n'y pas de technologie bonne ou mauvaise, tout dépend de la manière dont on l'utilise. Aujourd'hui on l'a mise dans les mains de gens qui utilisent nos données pour rien. Je propose de passer du féodalisme à l'économie de marché, en instaurant un droit de propriété et donc une contractualisation de la data. Et grâce à la blockchain, chacun pourra maitriser l'usage qu'il souhaite faire de son destin numérique. Tout ça va toujours dans le même sens, la maitrise de son destin, en tant que citoyen avec la simplification, en tant qu'individu avec le revenu universel, en tant que collectivité avec l'économie locale, en que vivant avec le droit des animaux, en tant qu'internaute avec la propriété privée des données personnelles.