Le futur président de la République mettra-t-il fin au "micmac" du Grand Paris ?

C'est l'histoire d'une réforme annoncée par le président Macron qui a fait monter au front d'un côté la métropole du Grand Paris, de l'autre la région Île-de-France et les départements. Une réforme confiée à l'architecte Roland Castro puis au ministre Sébastien Lecornu, avant que les députés En Marche ne s'en emparent. Une réforme finalement abandonnée en rase campagne. Auditionnés par l'association des maires d'Île-de-France (AMIF), les représentants du président-candidat et de la candidate du Rassemblement national ont, chacun, promis une nouvelle réforme...
César Armand
(Crédits : DR)

C'est une particularité francilienne. Il existe au moins cinq étages de décision politique locale : les communes - dont la ville de Paris -, les établissements publics territoriaux, les conseils départementaux, la métropole du Grand Paris et le conseil régional. Un millefeuille institutionnel né sous le quinquennat de François Hollande et dont a hérité Emmanuel Macron en arrivant à l'Elysée en 2017.

Le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM, 2014) et celui portant sur une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE, 2015) ont en effet créé au 1er janvier 2016 la métropole du Grand Paris. Cette intercommunalité est composée de la ville de Paris et de 131 communes ainsi que de onze établissements publics territoriaux (EPT) rassemblant lesdites communes. Son périmètre géographique épouse en outre les trois départements de petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne).

"L'idée du Grand Paris mérite mieux" (Macron en juillet 2017)

Un enchevêtrement qui ne satisfait personne, à commencer par Emmanuel Macron. Deux mois après son élection, le 17 juillet 2017 au Sénat, lors de la première Conférence nationale des territoires, le chef de l'Etat promet pour l'automne une conférence territoriale du Grand Paris pour "aboutir à une organisation institutionnelle stabilisée et efficace".

"L'idée du Grand Paris mérite mieux que ce que nous en avons collectivement fait - il faut bien le dire - de part et d'autre, pour des raisons politiques et pour des équilibres incertains. Mais si nous voulons que le Grand Paris réussisse à l'échelle de ce qu'est la compétition internationale, si nous voulons produire la richesse pour ensuite pouvoir la répartir harmonieusement sur le territoire, nous avons besoin de simplifier drastiquement les structures".

En réalité, à l'automne 2017, il ne se passe rien. Rien non plus en décembre lors de la deuxième Conférence nationale des territoires à Cahors. Jusqu'à la trêve des confiseurs où un rapport du préfet de Paris, préfet d'Île-de-France, Michel Cadot, dévoilé par Le Monde, évoque une suppression des départements de la petite couronne parallèlement à une montée en puissance des onze établissements publics territoriaux (EPT).

"Une folie de supprimer ce travail énorme" (Ollier, janvier 2019)

Une hypothèse qui reviendra mi-mars 2018 à Cannes dans les moments informels du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) où acteurs privés et publics évoqueront, en off, une "alliance des territoires" prenant possession des compétences des conseils départementaux et de la métropole du Grand Paris.

En parallèle, les sept présidents de département, de petite et de grande couronne, soutenus par la présidente de région Valérie Pécresse et le président du Sénat Gérard Larcher, mettent de côté leurs clivages partisans et s'insurgent contre cette possible dévitalisation. Les conseils départementaux s'opposent à toute montée en puissance des onze EPT, qui pourraient récupérer leurs politiques sociales, et plaident pour une métropole régionale qui maintiendrait leurs compétences.

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Le feuilleton se poursuit à l'automne 2018. Missionné en juin de la même année, l'architecte Roland Castro présente le 26 septembre son rapport sur le Grand Paris ou plutôt sur "Paris en grand". Il n'a pas eu son mot à dire sur une possible réforme de la gouvernance, mais il estime que la métropole du Grand Paris (MGP) n'est pas "assez grande". De quoi faire plaisir au président (LR) Patrick Ollier de cette collectivité, qui, lors de ses vœux de janvier 2019, plaide pour un acte II de la MGP.

"Ce serait une folie de supprimer ce travail énorme. Je fais confiance au président de la République. Il a vu ce dont nous étions capables, que nous existions. Nos propositions ne portent pas atteinte aux collectivités et aux territoires, elles sont construites en bonne collaboration avec la région", souligne alors le maire de Rueil-Malmaison.

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"Je souhaite qu'on bouge !" (Lecornu, novembre 2019)

Peine perdue : malgré le lobbying pro-bono de chacune des couches de la lasagne territoriale, le sujet ne revient à l'agenda de l'exécutif que le 12 novembre 2019. Ce jour-là, le ministre des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu annonce que le président Macron l'a chargé d'organiser une concertation "opérationnelle et active" avec les acteurs politiques et la société civile francilienne entre le lendemain des élections municipales et l'été 2020.

"Que le gouvernement puisse mettre des scénarios sur la table et que l'exécutif prenne ses responsabilités. Nous devons répondre aux questions liées au projet [du Grand Paris, Ndlr] et aux questions financières comme 'qui paie quoi ?', et pas seulement aux questions politiques ou de gouvernance", précise alors Sébastien Lecornu.

"Le statu quo sur la métropole du Grand Paris (MGP) n'est plus possible. Je souhaite qu'on bouge !", confie ensuite le ministre à La Tribune.

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Sauf que la concertation en question n'aura jamais lieu. Le Covid-19 s'invite dans nos vies et nos villes en mars 2020, ajournant à juin le second tour des élections municipales. Tant est si bien que même la majorité des députés LREM d'Île-de-France décident, en décembre de cette même année, de déposer une proposition de loi à l'Assemblée nationale "visant à engager une réforme institutionnelle du Grand Paris".

"Des coûts de fonctionnement exorbitants" (LREM, décembre 2020)

Sous la plume du parisien Pacôme Rupin et du val-de-marnais Guillaume Gouffier-Cha, il s'agit de supprimer la métropole du Grand Paris sous sa forme actuelle et de la remplacer par un "pôle métropolitain" rassemblant Paris, les onze établissements publics territoriaux (EPT), les autres intercommunalités franciliennes, les départements de petite et de grande couronne ainsi que le conseil régional.

"Le législateur consolide le bloc communal et intercommunal pour répondre aux problématiques locales et allège le considérable millefeuilles territorial francilien. Il génère également des économies importantes au regard du budget actuel de la Métropole qui englobe la production de documents d'orientation rédigés de manière quasi‑similaire au niveau régional ou intercommunal et des coûts de fonctionnement exorbitants rapporté à ce que la MGP dépense et investit", est-il écrit dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi.

Parallèlement, les parlementaires souhaiteraient transformer les onze établissements publics territoriaux (EPT), qui composent la métropole du Grand Paris (MGP), en établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Autrement dit, le budget et les recettes fiscales des EPT seraient pérennisés, à la différence d'aujourd'hui où les ressources financières sont centralisées par la MGP avant de leur être reversées, grâce à un amendement examiné lors de chaque projet de loi de finances.

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Au même moment, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, confirme que le projet de loi de décentralisation, déconcentration, différenciation et simplification de l'action publique (3DS), finalement présenté en mai 2021 en Conseil des ministres et promulgué début 2022, n'aborderait pas le sujet du Grand Paris. Et la proposition de loi des Marcheurs n'est jamais inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

 "Le gouvernement a fait le choix de ne pas conduire une réforme institutionnelle. Ce n'est pas demandé par les collectivités, y compris en Île-de-France", explique-t-on alors dans les couloirs de l'exécutif.

"Ce millefeuille ne satisfait personne" (En Marche, 2022)

Les élections départementales et régionales se déroulent, ensuite comme prévu, en juin 2021. Le sujet ne mobilise plus. Jusqu'à ce que l'association des maires d'Île-de-France (AMIF) sollicite les candidats à l'élection présidentielle sur ce sujet.

Pour le président-candidat Emmanuel Macron, c'est Laurent Saint-Martin qui a été auditionné par les élus. Ce dernier est député (LREM) du Val-de-Marne, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, et candidat malheureux de sa famille politique aux dernières élections régionales face à Valérie Pécresse.

D'emblée, Laurent Saint-Martin reprend les éléments de langage du chef de l'Etat, considérant que "ce mille-feuille à 5 couches ne satisfait personne". Avant de rappeler qu'il y a "plusieurs écoles de pensée". "Le sujet, c'est comment sortir un consensus pertinent", ajoute-t-il, sans citer les prises de positions des uns et des autres dans le débat public.

Le "marcheur" rappelle ainsi aux maires franciliens qu'Emmanuel Macron défend la réforme du conseiller territorial qui "forcément modifierait le mille-feuille puisqu'il enlèverait, non pas une collectivité, mais un niveau de représentants". "Si on clarifie les compétences, là aussi on peut faire des progrès", poursuit-il. Cette réforme avortée du président Sarkozy, reprise un temps par le ministre Sébastien Lecornu, permettrait d'élire des conseillers communs aux départements et aux régions.

"A la région d'élaborer la stratégie et au département, de gérer l'opérationnalité.  C'est en ce sens que le conseiller territorial pourra assurer l'alignement stratégique entre les instances", explique à La Tribune, Patrick Levy-Waitz, au lendemain de la première conférence de presse du président-candidat.

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Rapporteur général du budget, Laurent Saint-Martin reste, lui, très attaché à "clarifier, quel que soit le scénario, la question de la fiscalité locale et donc des ressources". "La priorité est de sortir du 'micmac' actuel", enchaîne-t-il. Il en sait quelque chose. "A chaque loi de finances, on doit faire voter des amendements avec un débat entre la métropole du Grand Paris, les départements, l'alliance des territoires [les onze établissements publics territoriaux] pour déterminer la part de chacun", embraye-t-il.

Et le député d'asséner que "ça c'est de la rustine qui n'a pas vocation à durer. Le schéma institutionnel du Grand Paris doit à terme être clarifié".

"Nous ferons tout pour alléger le millefeuille" (Philippe Ballard, RN)

Du côté de la candidate du Front national, son porte-parole Philippe Ballard, ex-tête de liste à Paris aux régionales, qualifie la métropole du Grand Paris d'"aberration administrative inutile et coûteuse".

"Les compétences se chevauchent. Les gens ne savent ce que c'est que le Grand Paris. Il y a un coût de fonctionnement exorbitant comme tout ce qui a été fait par les réformes territoriales de 2015. Nous avons complexifié la situation. 2015 fut un fiasco complet", assène encore l'ancien journaliste de LCI.

Ce ne sera pas pour autant une priorité de Marine Le Pen, "au sens où ça ne sera pas la première loi votée par le Parlement", précise Philippe Ballard, mais "nous ferons tout pour alléger le millefeuille", concluant sur la suppression de la métropole du Grand Paris.

En attendant l'issue du scrutin présidentiel, Patrice Leclerc, le maire (PCF) de Gennevilliers, intervenant devant le Club des Acteurs du Grand Paris le 5 avril dernier, a fait savoir qu'une réforme du Grand Paris pourrait intervenir dès le lendemain des élections législatives. Le président-candidat aurait ainsi donné son accord à l'exécutif métropolitain pour renforcer la métropole au détriment du conseil régional et de la ville de Paris. Et ce avant même que Valérie Pécresse et Anne Hidalgo ne sortent affaiblies par leurs mauvais scores au premier tour.

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César Armand
Commentaires 2
à écrit le 15/04/2022 à 18:45
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Il faut arrêter les usines à gaz. Intégrer les communes limitrophes de Paris dans la ville de Paris plutôt que créer un énième échelon.

le 17/04/2022 à 7:27
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commencer par trouver un veritable maire a paris avec moins de 2 pour cent elle n'est pas credible idem pour la region et pour regler le tout pour quelle raison paris vas annexer la normandie car c'est bien le sujet faire de la vallee de la seine...

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