Prêter des salariés pendant la crise, une solution encore peu utilisée

ENTREPRISE & COVID-19. Avec le prêt de main d'œuvre, le salarié garde son contrat de travail et son salaire, facturé par l'employeur prêteur à l'entreprise d'accueil. Récits d'entreprises qui ont opté pour cette solution.
(Crédits : Reuters)

Entreprise à l'arrêt prête salarié momentanément : facilité par le gouvernement jusqu'à la fin de l'année, le prêt de main d'œuvre peut être une option face à la crise, mais le dispositif reste "relativement modeste" alors que "tous les feux sont braqués" sur le chômage partiel.

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Le groupe de charcuterie Jean Hénaff a testé au printemps l'accueil de 3 salariés d'une chocolaterie ayant dû fermer en raison du confinement et une autre d'une société spécialisée dans les algues, qui voulait éviter le chômage partiel. L'entreprise était de son côté confrontée à un pic d'activité, "les gens ayant retrouvé le goût de la conserve" avec le confinement, explique à l'AFP dans un sourire la DRH Christelle Ageneau.

"Ca peut marcher à partir du moment où les salariés sont eux-mêmes moteurs", juge-t-elle, notant que des employés de la chocolaterie ne sont pas restés parce qu'ils avaient voulu "faire plaisir à leur patron". Elle estime qu'"il faut continuer à expérimenter".

Avec le prêt de main d'œuvre, le salarié garde son contrat de travail et son salaire, facturé par l'employeur prêteur à l'entreprise d'accueil. L'opération doit s'effectuer dans un but non lucratif et nécessite l'accord du salarié.

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Un moyen de réduire la facture de l'État

Jérôme Gonon, fondateur de Mobiliwork, start-up qui propose une plateforme de mise en relation pour ces prêts, vante un dispositif "très vertueux", même s'il reste "assez peu déployé".

L'entreprise prêteuse réduit ses charges de personnel (sans reste à charge contrairement à l'activité partielle) et garde ses compétences. Pour l'entreprise hôte, le coût est moindre que l'intérim ou un CDD, tandis que le salarié "sécurise son emploi", "développe son employabilité" et "maintient son salaire", dit-il.

Pour encourager les entreprises à y recourir, le ministère du Travail a mis en ligne des modèles d'avenants au contrat de travail et de conventions. Et la loi d'urgence du 17 juin a assoupli les conditions de recours jusqu'au 31 décembre.

Mais le gouvernement ne parle "absolument pas" de cet outil qui "pourrait réduire la facture de l'État", regrette Jérôme Gonon: "tous les feux sont braqués sur l'activité partielle" financée de façon massive, et qui parait donc la solution "la plus évidente".

Des initiatives en régions

Alors qu'à partir de janvier, les conditions de l'activité partielle deviendront "moins généreuses", le prêt de salarié a "une carte à jouer" en complément des autres dispositifs, dit-il.

Des secteurs et régions ont proposé des actions.

La région Pays de la Loire a ainsi lancé une plateforme (solutions-partage-paysdelaloire.fr) permettant du prêt de salariés mais aussi d'autres ressources, notamment matérielles, une initiative "unique en France" à ce stade, selon la présidente LR de la région, Christelle Morançais. Décidée en juillet, elle est opérationnelle depuis la mi-octobre, avec 25 entreprises inscrites, un premier bilan "plutôt positif", dit-elle.

La fédération patronale de la métallurgie (UIMM), a de son côté ajouté une nouvelle fonctionnalité à sa plateforme d'offre d'emplois pour le prêt de main d'œuvre, opérationnelle depuis l'été.

David Derré, directeur emploi formation à l'UIMM confirme que cela reste "relativement modeste par rapport à l'ampleur de la crise", avec 25 entreprises proposant, avec leur accord, "172 salariés pour être prêtés" et 32 entreprises cherchant à accueillir 110 salariés volontaires.

Les métiers les plus recherchés sont "transversaux", comme opérateur ou technicien de production et "la moyenne du nombre de jours prêtés est de 110 jours", détaille-t-il.

A ses yeux, "ce type d'outils n'a pas vocation à tout résoudre" mais "fait partie de la palette de solutions", avec la formation, l'activité partielle ou encore les dispositifs de reconversion.

Cela ne peut pas être un dispositif "massif", "on est dans la dentelle", insiste-t-il. Il faut expliquer le cadre juridique et lever les freins, alors que "beaucoup craignent de ne pas voir revenir leurs salariés".

Cette crainte d'un débauchage est la première préoccupation, confirme M. Gonon, qui y voit "des vieux réflexes".

Reste que pour M. Derré, "il faut arriver à générer suffisamment de flux" pour que l'offre rencontre la demande. La plateforme de l'UIMM va être élargie à d'autres secteurs, des accords de principe ayant notamment été conclus avec l'ameublement, la pharmacie ou le textile. Affaire à suivre.

>> VOIR notre dossier : « Télétravail, un progrès pour tous ? »

Commentaire 1
à écrit le 21/11/2020 à 10:48
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Vous semblez étonné que ça fonctionne pas... Croyez vous qu'il est facile pour un coiffeur de prêter son employé pour que celui ci fabrique de béton? Le gouvernement n'a pas fermé des usine a droite a gauche en laissant les autres identiques ouverte...

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