Quand Jean Castex se retrouve dans l'enfer de Matignon au temps de la Covid

POLITISCOPE. A l'aube d'un confinement numéro 3 dont les modalités seront "concertées" avec les territoires concernés, de plus en plus nombreux, après les Alpes-Maritimes et Dunkerque, le sujet devient un enjeu de la bataille politique des régionales et de la présidentielle. Au centre du jeu, Jean Castex prend les balles pour le président, pour l'instant...
Marc Endeweld
(Crédits : Charles Platiau Reuters)

Cela devient une habitude : quand il s'agit d'annoncer les mauvaises nouvelles sur le front de l'épidémie, c'est Jean Castex, le Premier ministre, qui s'y colle. Accompagné de son ministre de la Santé, Olivier Véran, l'hôte de Matignon est donc de nouveau apparu jeudi 25 février à la télévision pour commenter les derniers chiffres alarmants concernant les taux d'incidence. Dur métier. Il était 18 heures, mais à Paris, comme dans d'autres métropoles, de nombreux salariés étaient encore dans les transports pour rentrer chez eux. Couvre-feu, ou pas. Nouvelle preuve que l'acception sociale des mesures coercitives est en chute libre chez les Français.

Depuis quelques jours, faute de doses de vaccins suffisantes, on reparle donc d'un confinement dans les couloirs du pouvoir. Parfois, les réflexions des uns laissent songeur quant à la déconnexion entre temps politique, temps sanitaire, et vie quotidienne tout court : « Si on faisait de la politique fiction, on pourrait jusqu'à imaginer que Macron traine des pieds pour reconfiner, afin de remettre à plus tard les élections régionales et départementales, prévues aux dernières nouvelles en juin ! », s'amuse un macroniste à l'Assemblée Nationale.

Concours Lépine du reconfinement

Au concours Lépine de la trouvaille la plus hors sol sur le front de l'épidémie, c'est désormais l'équipe municipale d'Anne Hidalgo, la maire de Paris, qui fait jeu en tête en réclamant un confinement ultra strict pendant trois semaines pour pouvoir tout réouvrir - bars, restaurants, lieux culturels... - comme si un telle mesure allait faire disparaitre le virus dans l'ensemble du pays. Autant fermer Roissy, Orly, et établir des barrages physiques sur les autoroutes et autres voies d'accès à Paris comme les autorités chinoises l'avaient décidé en janvier 2020 pour Wuhan, coupant alors ses habitants du reste du monde. Rappelons au passage que l'Ile-de-France, véritable poumon économique de notre pays, représente plus du tiers de la croissance et du PIB français. Paris, coeur politique et économique de l'Hexagone, n'est décidément pas Wuhan. Et puis, comment justifier une telle décision alors qu'on sait désormais, un an après le début de la pandémie mondiale, que la Covid-19, si elle n'est pas une simple grippe, n'est pas la peste non plus...

Mais revenons à Jean Castex. Car, fin janvier, le Premier ministre, lui, aurait bien aimé reconfiner le pays, en prévision d'une éventuelle explosion de l'épidémie à cause des variants. À l'Elysée, Emmanuel Macron en avait décidé autrement, au grand dam des médecins qui se succédaient alors sur les plateaux de télévision pour réclamer une telle décision. À l'époque, c'est Castex qui avait dû expliquer aux Français pour quelles raisons il avait décidé - en fait, le président - de ne pas reconfiner, alors que durant des jours entiers, son gouvernement - du ministre de la Santé au jeune porte-parole Gabriel Attal - n'avait cessé de préparer l'opinion à une telle issue.

Si Jean Castex ne semblait pas ravi lors de son intervention, il ne broncha pas, et n'exprima aucune réserve à l'égard de la décision présidentielle, prise pourtant dans la solitude d'un conseil de défense. Car Castex, contrairement à Philippe, sait rester dans son rôle. Dans la Vème République version quinquennat, le Premier ministre est, de fait, un simple « collaborateur » du président, pour reprendre le vocable peu flatteur qu'un Nicolas Sarkozy avait utilisé en son temps pour son Premier ministre François Fillon.
Si l'on met les couacs de communication de côté, l'arrivée de Jean Castex à Matignon aura au moins permis  Emmanuel Macron de prendre davantage la main sur « son » administration et l'ensemble de l'appareil d'Etat, sans pour autant apparaitre au grand jour. Un visiteur du soir du président estime que ce dernier avait fini par subir « l'inertie » de ses propres collaborateurs, au premier rang desquels on trouvait son secrétaire général, Alexis Kohler, qui jouissait alors d'un pouvoir exorbitant, grâce à l'alliance qu'il avait noué avec le directeur de cabinet d'Edouard Philippe, le brillant Benoit Ribadeau-Dumas, et le secrétaire général du gouvernement, le tout puissant Marc Guillaume, devenu depuis préfet d'Ile-de-France.

Le retour de Brigitte

À eux trois, ces hauts fonctionnaires avaient tendance à trainer des pieds quand le président aspirait à aller dans telle direction... Ces « technos », comme leurs détracteurs les qualifiaient au sein même de la macronie, étaient régulièrement la cible de Brigitte Macron et de son entourage. Une situation qui s'expliquait aussi par une curiosité institutionnelle : durant tout le début de son quinquennat, Emmanuel Macron ne voyait Édouard Philippe qu'en compagnie d'Alexis Kohler et de Ribadeau-Dumas, amenant finalement les « technos » à prendre bien plus de place que le cadre constitutionnel ne leur permettait.

« Dès son arrivée, Jean Castex a rétabli les déjeuners en tête-à-tête avec le président. et il a réclamé la tête de Marc Guillaume... Le président Macron n'a pas hésité une seconde », remarque notre visiteur du soir. De fait, Alexis Kohler, sans alliés, a perdu de sa superbe. Cela ne l'empêche pas de continuer à avoir la haute main sur les dossiers industriels et financiers comme Veolia ou EDF, bien que le président demande parfois à Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, de prendre des initiatives et faire entendre une autre musique dans ce domaine, histoire de brouiller les pistes, et de rendre moins évidentes certaines proximités entre monde des affaires et grands commis de l'Etat.

Dans ce jeu de chaises musicales, une personne n'a pas perdu au change : c'est la « Première Dame", Brigitte Macron qui dispose toujours autant d'un véritable  poids politique dans le dispositif élyséen. L'épouse du président de la République, soutien indéfectible du ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, a ainsi soutenu l'offensive contre les « islamo-gauchistes ». Car à un an de la présidentielle, Covid ou pas, la politique a plus que jamais son mot à dire. D'ailleurs, l'éconduit de Matignon, Edouard Philippe, a préféré cette semaine « botter en touche » quand on lui a demandé s'il préférait devenir président du club de foot du Havre ou président de la République. Cette même semaine où l'on apprend que l'ancien Premier ministre a créé une association de soutien à son action politique. Baptisée "Le Havre !", suivez son regard... Ce ne sera pas le dernier à avoir connu l'enfer de Matignon à rêver des cimes et des vertiges de l'Elysée. Une chose est sûre : l'épidémie mondiale de Covid-19 n'aura pas fait disparaitre l'hubris de nos responsables politiques.

Marc Endeweld
Commentaires 16
à écrit le 01/03/2021 à 8:24
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sa premiere declaration comme 1er ministre est deja oublier bafoue, piétiné, par lui meme et plus encore par son chef et meme ses ministres donc il ne sert a rien c'est un pion en plus sans joie de vivre tres vite il sera oublie sauf des fayots ...

à écrit le 28/02/2021 à 11:28
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La rue, qui appartient au peuple, est désertée et devenue la propriété de l’Etat policier. En définitive, comment expliquer que des populations angoissées s’en remettent, pour retrouver leur sentiment de sécurité, à des politiques intrusives, arbi...

à écrit le 27/02/2021 à 10:41
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Eux qui glorifient les privatisations, au vu de leurs résultats, dans le privé, ils auraient été virés depuis longtemps.

à écrit le 27/02/2021 à 8:16
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Jolie description d'une petite partie de la fraction au pouvoir de notre couteux et inefficace panier de crabes, crabes de scène et de coulisses et ne rêvez pas, ce serait pareil avec d'autres ce sont nos merveilleuses institutions républicaines qui ...

à écrit le 27/02/2021 à 7:44
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non il n'y a pas d'imprecision dans les chiffres publier mais une manipulation des données orchestré par le ministere de la santé et ceux depuis le debut de la crise jamais en consultant de site je trouve les memes résultat que ceux du ministre ...

à écrit le 26/02/2021 à 19:50
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"Selon de nombreuses études, et même l'OMS et le président du conseil scientifique, le confinement ne sert à rien.La preuve, on l'a appliqué à 2 reprises en France et rien n'a été réglé. Sa seule utilité est de maintenir le peuple dans la sidération ...

à écrit le 26/02/2021 à 17:52
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Un enfer ? Vraiment ? Démissionner est toujours un droit...

à écrit le 26/02/2021 à 17:37
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Pendant ce temps : L’Etat est (un peu) moins généreux avec La République en marche ! Selon le décret déterminant le montant des aides publiques aux partis et groupements politiques, publié jeudi 25 février au Journal officiel, la dotation accordée...

à écrit le 26/02/2021 à 11:16
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Il y a dans ces deux personnes un qui a une stature d'homme d'état Philippe que l'on soit d'accord avec lui ou pas et l'autre Jean un valet du royaume de France sans grande envergure et qui représente si mal les territoires. Sa stature n'est pas un a...

le 26/02/2021 à 12:03
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De plus ce gouvernement souffre d'un très mauvais rendement si j'en juge le grand observateur de la chose, je devrais dire du jaune budgétaire, qu'est René Dossière. Ainsi il estime à 185 millions d’euros le coût salarial du gouvernement Castex, en ...

le 26/02/2021 à 18:07
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Réponse à stature : parce que vous ne croyez pas que Philippe est lui aussi un valet du royaume de droit divin de Macron 1er ?

le 27/02/2021 à 8:34
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la stature de la répression des gilets jaunes, la stature des 80 km/h, la stature de la gestion pitoyable du début de crise sanitaire et j'en passe et des meilleures. Oui, il a bien la stature de notre merveilleux état.

à écrit le 26/02/2021 à 11:16
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Journal très intéressant, instructif et varié.

à écrit le 26/02/2021 à 11:00
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" quand il s'agit d'annoncer les mauvaises nouvelles sur le front de l'épidémie, c'est Jean Castex, le Premier ministre, qui s'y colle. " Un enfer qu'il a créer lui même : En 2006, il voulait “obliger tous les établissements à se regarder avec lu...

le 28/02/2021 à 1:13
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ah bon les bandits escrocs soignants ne sont pas contents : ils ne sont pas assez gavés comme cela ??? c'est pour ça que l'on nous continue cette mascarade ???

à écrit le 26/02/2021 à 10:34
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A gauche un sourire détendu, à droite un sourire crispé où l'on voit qui est content de partir et qui est crispé de débarquer. Mais on les force ou quoi ?

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