Un an et demi après l'arrivée du virus, les Français ont accumulé une montagne de cash. Les périodes de confinement à répétition ont en quelque sorte "empêché" la population française de consommer pendant de longues périodes. Entre la fermeture des frontières et les restrictions de déplacement, les Français ont dû limité leurs achats.
Dans sa traditionnelle lettre au Président de la République, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau a annoncé lors d'une réunion avec des journalistes ce vendredi 9 juillet que l'épargne Covid des ménages pourrait atteindre 180 milliards d'euros à la fin de l'année.
Si la plupart des instituts de statistiques ont revu à la hausse ces dernières semaines leurs prévisions de croissance pour l'année 2021, l'économie française tourne toujours en deçà de son niveau d'avant-crise. Selon le dernier point de conjoncture de la Banque de France, les pertes estimées de produit intérieur brut sont encore de 2% au mois de juin. La multiplication des foyers de contamination du variant Delta pourrait venir assombrir la fin de l'année si le gouvernement devait prendre de nouvelles mesures d'endiguement. Dans ce contexte d'incertitudes, les yeux sont à nouveau braqués sur cette manne accumulée par les Français, soit environ 7% du produit intérieur brut (PIB).
Une épargne inégalement répartie
La somme annoncée par la banque de France peut paraître colossale. En réalité, ce "magot" est inégalement réparti au sein de la population française. Plusieurs travaux du conseil d'analyse économique (CAE) et de l'Insee menés depuis plusieurs mois ont montré que ce sont surtout les ménages situés en haut de l'échelle sociale qui ont pu épargner. En effet, leurs postes de dépenses habituels (voyages, restaurants, hôtels, culture) ont été contraints par les fermetures administratives. Leurs dépenses ont principalement concernées les biens "essentiels". Dans le même temps, leur épargne a pu augmenter dans des proportions bien supérieures aux ménages les plus modestes. "Les plus aisés notamment, même s'ils ont souffert de la baisse des cours boursiers au début de la crise, ont eu tendance à épargner de façon plus importante qu'en temps normal, du fait de la très forte chute de leur consommation" indique le CAE dans une note. Les 10% les plus aisés sont à l'origine de 50% des sommes épargnées.
Des placements plutôt que de la consommation
Partant de ce constat d'une inégale répartition de l'épargne, la consommation même si elle montre des signes d'accélération depuis la réouverture de l'économie au mois de mai pourrait être moins forte qu'attendu. En effet, les économistes considèrent généralement que ce sont les ménages les plus modestes qui ont la plus forte propension à consommer. Or les foyers les plus aisés s'ils ont recommencé à consommer vont orienter une partie de leur épargne en placements. S'il est encore difficile à ce stade de prévoir le comportement d'épargne de ces ménages, certains économistes tablent sur une hausse de l'appétit pour les placements risqués.
"Un signal encore faible, mais qui préfigure peut-être ce que risque d'être le destin de cette épargne liquide concentrée sur les mieux lotis : nourrir une demande de placements financiers plus risqués (en titres notamment) ou d'immobilier, un mouvement de transformation de l'épargne liquide en immobilisation financière et non financière, davantage qu'un retour sur la consommation courante" expliquait l'économiste de Xerfi Alexandre Milicourtois.
Dans sa missive adressée au chef de l'Etat, le banquier central François Villeroy de Galhau estime que "la force de la reprise se jouera du côté de l'offre, plus encore que de la demande, d'autant que celle-ci pourra s'appuyer sur une « épargne Covid » des ménages". En réalité, le prolongement de la crise sanitaire et la montée en puissance du variant Delta dans les chaînes de contamination repoussent toujours plus les espoirs d'une reprise solide de l'activité surtout à un moment où la campagne de vaccination cherche un nouveau souffle.