Revenus des agriculteurs : la FNSEA dénonce le « double discours » du gouvernement

Le premier syndicat agricole FNSEA estime que le gouvernement a choisi de favoriser la baisse des prix dans les grandes surfaces au détriment des revenus des agriculteurs, pourtant protégés par les lois Egalim.
Entre protection du pouvoir d'achat et des revenus des agriculteurs, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, dénonce un « double discours au niveau de l'État ».
Entre protection du pouvoir d'achat et des revenus des agriculteurs, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, dénonce un « double discours au niveau de l'État ». (Crédits : Reuters)

Les négociations entre les supermarchés et leurs plus gros fournisseurs de l'agroalimentaire doivent s'achever le 31 janvier. Dans ce contexte, la FNSEA, premier syndicat agricole, reproche au gouvernement de trop se concentrer sur la lutte contre la flambée des prix dans les rayons des supermarchés, au risque de détériorer les revenus des agriculteurs.

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Deux lois dites Egalim 1 et 2, adoptées en 2018 et en 2021, ont été votées. Elles visent à empêcher que ces producteurs agricoles ne fassent les frais de la féroce guerre des prix, entre supermarchés d'une part, et entre les distributeurs et leurs fournisseurs de l'agro-industrie d'autre part. Egalim 1 a notamment contraint les supermarchés à réaliser une marge d'au moins 10% sur les produits alimentaires. Objectif théorique : éviter qu'en resserrant excessivement leurs marges, les distributeurs ne soient tentés d'exercer une pression supplémentaire sur les industriels et, par conséquent, sur les producteurs.

Un « double discours au niveau de l'État » (FNSEA)

Mais, ce mardi, devant l'Association des journalistes économiques et financiers, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau a  évoqué un « double discours au niveau de l'État ».

« On ne peut pas avoir un ministre de l'Économie qui nous dit +Il n'y aura pas de pression sur les matières premières agricoles+ et qui explique toute la journée qu'il faut juguler l'inflation alimentaire », a estimé le patron du premier syndicat agricole.

La colère qui s'exprime ces derniers jours sur les barrages routiers est « malheureusement assez logique » a estimé Patrick Bénézit, le président de la Fédération nationale bovine (FNB), association spécialisée du syndicat majoritaire FNSEA, lors d'une conférence de presse. Alors que les éleveurs de vaches à viande figurent parmi les plus faibles revenus agricoles, il juge aussi que le gouvernement manque d'allant à faire appliquer les lois dites Egalim, qui devaient éviter que les agriculteurs ne soient payés en deçà de leurs coûts de production. « Parce que le discours que nous avons depuis plusieurs mois de la part de Bercy, c'est un discours qui vise à autoriser la grande distribution à faire une pression maximale sur les fournisseurs et donc à autoriser les fournisseurs à faire une pression maximale sur les producteurs » selon cet éleveur du Cantal, aussi deuxième vice-président de la FNSEA.

En fin de journée, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), autre association spécialisée de la FNSEA, s'est aussi montrée cinglante à l'égard de Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture de 2009 à 2012. « Certains disent que les politiques n'ont plus de pouvoir. Moi, je trouve que le ministre de l'Economie a plutôt réussi son coup puisque les distributeurs et certains industriels ont répondu présents » pour baisser le prix du lait, a ironisé le président de la FNPL, Thierry Roquefeuil. Il regrette que la brique de lait soit passée en quelques mois d'un euro à moins de 85 centimes, alors que les charges des éleveurs restent élevées. Pour la FNPL, la colère des éleveurs est nourrie par les montants trop bas auxquels les grands industriels Lactalis et Savencia achètent le lait.

Le Maire promet de doubler les contrôles pour assurer le bon contrôle du respect des contrats

Interrogé à l'Assemblée nationale mardi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a assuré « vouloir multiplier les contrôles nécessaires et nous prononcerons toutes les sanctions pour faire respecter la loi Egalim par les distributeurs comme par les industriels » afin « protéger le revenu des producteurs.» Il a en outre pointé la responsabilité des industriels : « Un prix est un prix, quand un industriel s'est engagé auprès d'un producteur de lait, il doit rigoureusement respecter les termes du contrat. » Il promet de doubler « les contrôles sur les transformateurs industriels de 120 à 240 en 2024 pour assurer le bon contrôle du respect des contrats ».

Quant aux supermarchés, le ministre de l'Économie a rappelé qu'ils ne peuvent plus faire de la matière première agricole la variable d'ajustement des négociations avec leurs fournisseurs industriels depuis la loi Egalim. « Toute la loi Egalim doit être intégralement et rigoureusement respectée ».

La mobilisation ne faiblit pas, les actions de blocage se multiplient

Tôt mercredi, des agriculteurs à bord d'au moins 200 tracteurs ont envahi la rocade de Bordeaux, axe névralgique entre Paris et l'Espagne, bloquant la circulation pour exprimer les revendications d'une « agriculture en colère ». Mercredi à l'aube, la préfecture de la Creuse a indiqué sur le réseau social X que la RN145 était bloquée dans le sens Guéret/Limoges à partir de l'échangeur 54.  L'A4 doit aussi être bloquée aux alentours de Strasbourg à partir de la mi-journée tandis que les Jeunes Agriculteurs prévoient de bâcher les radars de Moselle (hors autoroute). D'autres routes de France sont concernées par la mobilisation comme à Bayonne et Pau (A63 et A64), autour de Lyon (M6, A47), sur l'A7 d'Orange à Montélimar, entre Valence et Grenoble (A49), entre Saint-Amand-Montrond et Bourges (A71), la rocade d'Orléans ou de nombreuses voies rapides de Bretagne (notamment la RN12). À Agen, la Coordination rurale bloque l'A62 et menace de faire « tomber » les grilles de la préfecture, qu'ils ont déjà arrosées de lisier mardi. Dans les Hauts-de-France, les agriculteurs comptent poursuivre le barrage filtrant mis en place sur un péage de l'A29 près d'Amiens (Somme), et organiser de nouvelles manifestations dans l'Aisne et le Pas-de-Calais notamment, où selon la préfecture de région, « l'accès aux différentes plateformes transManche est susceptible d'être perturbé » - tunnel sous la Manche et port desservant l'Angleterre. De multiples autres ronds-points, péages ou bretelles d'autoroutes doivent être occupés, sans compter des opérations escargots, comme à Angoulême mardi, ou deux péages rendus gratuits sur l'A83 en Vendée. La Coordination rurale promet de poursuivre ses opérations de bâchage de radars, notamment dans le Lot-et-Garonne et en Dordogne, et veut sensibiliser les visiteurs du festival de BD d'Angoulême à « la cause des agriculteurs ».

(Avec AFP)

Commentaires 8
à écrit le 24/01/2024 à 19:52
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Et le président de fnsea est également un industriel de l'agroalimentaire .Sur ce coup les agriculteurs sont des victimes consentantes qui se font manipuler pour servir les intérêts des autres .

à écrit le 24/01/2024 à 16:49
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J'ai l'impression que la FNSEA déclenche le processus puis va négocier avec le gouvernement pendant que les deux autres plus petit la Coordination rurale et le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux) vont se taper le sale boulot ,rond ...

à écrit le 24/01/2024 à 13:56
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Triste : on va s'écharper sur ces sujets sans aborder le moins du monde la chaîne de la valeur, notamment de savoir les différentes marges entre un produit venant d'ailleurs et rendu à nos portes ou bien un produit fait ici..............................

à écrit le 24/01/2024 à 12:36
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Le ministre de l'économie encore une fois une marionnette. Autre exemple il draguait les constructeurs chinois mais en même temps il les sanctionnait. Comme les chinois plus fin que notre ministre BYD s'implante chez le plus septique européen Orban ...

à écrit le 24/01/2024 à 9:34
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ils accusent la grande distribution pourtant QUAND ON ACHETE AUX PRODUCTEURS Régionaux C'est encore plus cher . Ils se plaignent de l'impossible installation des jeunes alors qu'elle est en partie due à la grosse GAEC du coin qui récupère toutes les...

à écrit le 24/01/2024 à 9:22
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La FNSEA est responsable directement de la vie de misère que vivent les esclaves de l'agro-industrie que sont les agriculteurs.

à écrit le 24/01/2024 à 9:19
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eh oui. on peut pas avoir le beurre et l argent du beurre. Si les prix des produits agricoles sont eleves, ca fait plaisir a la fnsea mais ca fait raler les 95 % de francais qui ne sont pas paysans... Apres on peut signaler l hypocritie de la FNSEA: ...

à écrit le 24/01/2024 à 9:18
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En tout cas, avec toutes les cochonneries que les agriculteurs mettent dans leurs champs, il vaut mieux éviter d'habiter à la campagne. Désolé pour les céréaliers de la Beauce qui ne pourront pas changer de Mercedes cette année. Les riches, c'est t...

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