Niveau de vie des agriculteurs : l’importance des revenus non-agricoles

OPINION. En termes de niveau de vie ou de pauvreté, les ménages agricoles ne semblent pas spécifiquement mal lotis, mais cela n'est pas dû aux revenus tirés des exploitations agricoles. Par Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès.
(Crédits : DR)

Le choc inflationniste a impacté les exploitations agricoles, car leurs prix de vente peinent à suivre la hausse des coûts d'achat. Les ménages agricoles ont un niveau de vie comparable au reste de la population et sont moins touchés par la pauvreté. Cette moyenne masque cependant de fortes disparités selon le type d'activité (les éleveurs sont les plus mal lotis).

De plus, les revenus agricoles ne représentent que 34% du total des revenus disponibles des ménages agricoles, les agriculteurs maintiennent donc leur niveau de vie grâce à leur conjoint salarié.

Choc inflationniste : des prix qui peinent à  suivre les coûts

Depuis le choc inflationniste de 2021-2022, les prix de vente des agriculteurs suivent  péniblement la hausse des coûts. L'inflation sur les achats des agriculteurs (engrais, carburant, matériel agricole par exemple, ne prend pas en compte les salaires, les impôts ou les aides) a dépassé 25% à la mi-2022 en glissement annuel (1), du fait de blocages sur les chaînes de valeur et de l'envolée des prix de l'énergie, notamment après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Les prix de vente des agriculteurs (prix de production, c'est-à-dire « sortie de ferme ») ont connu une hausse d'ampleur similaire. Cependant, alors que l'inflation a ralenti tant sur les prix d'achat que sur les prix de vente, jusqu'à devenir négative depuis début 2023, les prix d'achat se sont retournés moins vite que les prix de vente, ce qui pénalise les agriculteurs.

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Niveau de vie, pauvreté : les agriculteurs pas forcément mal lotis

Le niveau de vie médian des ménages agricoles (2) est à peu près équivalent à la moyenne nationale. En 2018, les ménages agricoles avaient un niveau de vie (revenu disponible pondéré par la taille du ménage) médian de 22.210 euros, contre 21.480 euros pour la médiane des ménages français (3).

Le niveau de vie des agriculteurs est plus inégalitaire que dans le reste de la population : l'écart entre les 10% des ménages les plus aisés et les 10% les plus modestes est un multiple de 4,7 chez les ménages agricoles, contre 3,4 pour la moyenne des ménages français.

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Les agriculteurs sont moins touchés par la pauvreté que l'ensemble de la population  française. En 2019, 6,1% des agriculteurs exploitants étaient en situation de pauvreté (taux de pauvreté en conditions de vie(4)), contre 11,7% des Français en moyenne. La proportion atteint 20,8% chez les employés.

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Niveau de vie des ménages agricoles : des situations très hétérogènes

La situation des ménages agricoles varie fortement selon le type d'exploitation et de culture. Les ménages agricoles appartenant à la catégorie « autre grande culture5» ont un niveau de vie 54% plus élevé que les éleveurs de viande bovine. D'une manière générale, la grande culture permet un niveau de vie significativement supérieur à l'élevage.

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Origine des revenus des ménages agricoles : pas majoritairement liés à l'agriculture

En moyenne, seulement 34% des revenus disponibles des ménages agricoles proviennent de revenus directement tirés de l'agriculture (6). Dans les ménages agricoles, les revenus salariaux (ou indemnités chômage), généralement perçus par le conjoint d'un agriculteur, sont supérieurs aux revenus agricoles. A

insi, si les agriculteurs ont un niveau de vie comparable au reste de la population et sont moins touchés par la pauvreté, cela n'est pas dû à la prospérité de leur activité agricole mais plutôt au soutien financier que les agriculteurs perçoivent de leur conjoint ou des revenus annexes à l'exploitation agricole (deuxième emploi salarié, revenus du patrimoine par exemple).

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(1) Insee.
(2) Ménages dont au moins un membre est agriculteur ou agriculteur à la retraite.

(3) Insee.
(4) Un ménage est considéré comme pauvre en condition de vie s'il subit au moins 8 privations sur 27 types de privations identifiées (Insee).
(5) Territoires combinant céréales, plantes oléagineuses et protéagineuses, plantes sarclées ou spécialisées en  culture de plantes sarclées, légumes frais.
(6) Calcul Asterès d'après Insee.

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Commentaires 9
à écrit le 26/01/2024 à 7:54
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L'agro-industrie ne rapporte rien à ses petites mains, elle utilise l’État pour les alimenter. Nous sommes au summum du néolibéralisme proche du stalinisme. Parce que néolibéralisme et stalinisme et nazisme sont de la même famille, la même idée est d...

à écrit le 25/01/2024 à 8:20
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Pour avoir une idée des montants des primes PAC versées aux agruiculteurs, il est interessant de consulter le site internet TELEPAC du ministere de l'agriculture où figure les montants individuels versés aux exploitants agricoles. Nous sommes loin de...

à écrit le 24/01/2024 à 16:32
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Example type de tout ce qui est aujourd'hui haïssable pour une part grandissante de la population. Les économistes se sont régulièrement plantés sur tout à peine arrivent ils à prédire l'économie d'hier. Voilà un article simpliste rempli de statistiq...

à écrit le 24/01/2024 à 13:06
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Comme partout ,y compris chez les agriculteurs ,il y a le petit, le moyen et le gros .On apprends ce matin que le patron de la FNSEA voulait que ce blocage cesse le soir même ;ce sont des adhérents qui n'ont pas voulu stopper la manif.On peut rappele...

à écrit le 24/01/2024 à 13:04
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Heureusement, nos braves agriculteurs ont leur petit potager, leur poulailler qui, l'un et l'autre, ne sont pas soumis à la litanie des conformités sensées nous éviter l'intoxication; mais ça ne suffit pas à sauver ceux qui ont le choix entre la cord...

le 25/01/2024 à 6:01
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Tellement braves qu'ils exploitent des précaires (e.g. chômeurs longue durée, étudiants, etc) en bénéficiant d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale pour vendanger leur parcelle... et parfois celle de l'agriculteur voisin.

à écrit le 24/01/2024 à 12:22
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Pour peu qu'on ait vécu pas loin de ce milieu depuis l'enfance; "géré" par la FNSEA, on est assez circonspect quant aux "humeurs" de la dite population.

à écrit le 24/01/2024 à 11:38
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Ce que votre article oublie de préciser, c'est l'amplitude horaire, le temps de travail, l'absence de jours de repos liés aux contraintes de le vie agricole, qui fait que leurs revenus est bien en dessous de la majorité des Français

à écrit le 24/01/2024 à 9:51
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Mélangeons, causes et conséquences, ainsi nous aurons une belle histoire ! ;-)

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