
Tous refusent officiellement de s'avouer vaincus. Pourtant, malgré leur long combat et 12 journées de manifestations à forte mobilisation depuis janvier, la réforme des retraites, qui valide le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans, a été adoptée le 15 avril dernier. Ce lundi 1er mai, les syndicats rediront leur opposition à ce texte. Une opposition qui concerne autant le fond du texte que la méthode employée pour le promulguer (49,3 notamment). Ils espèrent, ce lundi 1er mai, une mobilisation historique. Même si ce rendez-vous promet d'avoir des allures de baroud d'honneur.
Une mobilisation à hauts risques
Toutes les confédérations seront côte à côte sur le pavé et la mobilisation promet d'être très suivie. Selon les services des renseignements généraux, il devrait y avoir du monde dans les nombreux défilés organisés en France.
Combien de personnes ? En 2009, en pleine crise économique, près de 500.000 personnes s'étaient mobilisées, selon la police. En 2002, pour dire non à la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, près de 2 millions de personnes avaient été comptabilisées, dont 400.000 à Paris. Les syndicats espèrent dépasser ces chiffres, et rêvent d'une marée humaine.
Mais, l'enjeu sera aussi d'éviter les violences, la présence de black-blocs ou d'éléments radicaux. Après les nombreuses « casseroles » de ces derniers jours lorsque le président de la République ou ses ministres sortaient sur le terrain, les services du ministère de l'Intérieur sont en alerte.
Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, a promis un déploiement des forces de l'ordre sans précédent pour sécuriser les manifestations, notamment dans certaines villes (comme Rennes, Nantes, ou même Paris...), où les débordements sont fréquents. Au total, près de 12.000 policiers et gendarmes seront mobilisés.
La page se ferme pour Laurent Berger... elle s'ouvre pour Sophie Binet
Pour Laurent Berger, le patron de la CFDT, devenu principal opposant à Emmanuel Macron dans ce conflit contre la réforme des retraites, ce 1er mai sera le dernier dans le carré de tête de la manifestation parisienne.
En effet, le syndicaliste a annoncé son intention de passer la main à Marylise Léon, la numéro 2 de l'organisation le 21 juin prochain. Son objectif : montrer que ce 1er mai sera historique mais aussi massif, à l'image, selon lui, du ressentiment que cette réforme laissera dans l'opinion.
Comme un dernier avertissement à Emmanuel Macron. Pour Sophie Binet, son homologue à la CGT, en revanche, ce 1er mai, sera une première à la tête du cortège. Celle qui succède à Philippe Martinez sait qu'elle concentrera toutes les attentions. Malgré l'adoption de la réforme, la quadragénaire ne désarme pas et espère encore un scénario comme le CPE, le contrat première embauche. Elle compte aussi sur la deuxième demande de RIP, étudiée actuellement par le Conseil constitutionnel.
Vers la fin de l'intersyndicale ?
L'intersyndicale a réussi le pari de rester soudée ces quatre derniers mois. Elle a montré aux Français et à l'opinion publique que les syndicats étaient bel et bien revenus dans le jeu, mais aussi qu'ils étaient capables de trouver des consensus.
Qu'en sera-t-il à l'issue de cette mobilisation ? Dans une interview à Libération, Sophie Binet assure que l'intersyndicale va « se réunir rapidement à l'issue de ce 1er mai pour définir les suites ». Elle poursuit : « La volonté de la CGT et des autres membres de l'intersyndicale, est je pense, de rester unis... Unis contre la réforme, mais aussi unis dans notre exigence de parler enfin des vrais sujets : les salaires, l'environnement, les conditions de travail, etc. »
Mais derrière les vœux pieux, la réalité risque de s'imposer. Chaque organisation va, en effet, reprendre ses priorités, son identité. Et l'intersyndicale risque de se fissurer.
Accepter ou non de rencontrer l'exécutif
Les syndicats réformistes craignent de se retrouver embarqués dans une succession d'actions sauvages qui ne déboucheraient sur aucun résultat. Ils redoutent l'impasse. Surtout que le gouvernement leur tend la main de façon insistante pour ouvrir des négociations et parler de l'emploi des séniors, du partage de la valeur, de l'usure professionnelle. Emmanuel Macron leur promet un « Pacte de la vie au travail ». CFDT et CFTC, mais aussi Unsa, dont l'ADN reste le dialogue, ne bouderont pas ces rendez-vous. Laurent Berger évoque la nécessité d'un délai de décence et de convalescence mais ne refuse pas sur le principe les rencontres avec l'exécutif. Bien au contraire, il veut porter la voix des travailleurs, et obtenir un maximum d'avancées sur ces sujets.
Quant à la CGT, elle ne dit pas si elle est prête aux échanges avec l'exécutif. Quel positionnement adoptera la CGT ? Et si elle revient à la table des négociations, quelles seront ses priorités ? Les salaires plus que le compte universel temps ou l'usure professionnelle ?
Quoi qu'il en soit, à Matignon, déjà les courriers d'invitation sont prêts à partir... Elisabeth Borne, la première ministre, comme Olivier Dussopt au ministère du Travail, ont hâte de passer à autre chose. Et de montrer, après avoir essuyé plusieurs refus des syndicats, qu'ils renouent le dialogue avec les corps intermédiaires ...