Soupçons de fichage illégal pour Monsanto : la justice française ouvre une enquête

Le géant Monsanto, filiale depuis l'an dernier du groupe pharmaceutique allemand Bayer, est accusé d'avoir secrètement fait réaliser des listes par l'agence de communication Fleishman Hillard de centaines de personnalités et journalistes selon leurs opinions sur les pesticides. Le parquet de Paris a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire.
La multinationale Monsanto, filiale depuis l'an dernier du groupe pharmaceutique allemand Bayer, est accusée d'avoir secrètement fait réaliser des listes par l'agence de communication Fleishman Hillard.
La multinationale Monsanto, filiale depuis l'an dernier du groupe pharmaceutique allemand Bayer, est accusée d'avoir secrètement fait réaliser des listes par l'agence de communication Fleishman Hillard. (Crédits : Denis Balibouse)

La justice a lancé vendredi une enquête au lendemain des révélations sur un possible fichage illégal pour le géant américain Monsanto de centaines de personnalités et médias, qui ont suscité des réactions indignées.

Le parquet de Paris a annoncé avoir ouvert vendredi après-midi une enquête préliminaire à la suite de la plainte déposée le 26 avril par le journal Le Monde et un de ses journalistes, qui figurait dans les fichiers incriminés. Plusieurs personnalités et médias français ont porté plainte ou annoncé leur intention de le faire au lendemain de la révélation de l'affaire par le quotidien et France 2.

Les investigations visent les délits de "collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite", "enregistrement de données à caractère personnel sensible sans l'accord de l'intéressé et transfert illicite de données à caractère personnel" et de "traitement automatisé de données personnelles sans déclaration préalable à la CNIL", a précisé le parquet.

La multinationale Monsanto, filiale depuis l'an dernier du groupe pharmaceutique allemand Bayer, est accusée d'avoir secrètement fait réaliser des listes par l'agence de communication Fleishman Hillard.

Position sur les pesticides, adresses et numéros de téléphone

Y figurent des centaines de responsables politiques, scientifiques et journalistes, dont quatre de l'AFP, pour lesquels sont indiqués entre autres leur position sur les pesticides, leur niveau de soutien à Monsanto, leurs loisirs, mais aussi leurs adresses et numéros de téléphone, y compris sur liste rouge, selon une enquête de France 2.

Un tableau met en lumière 74 "cibles prioritaires" divisées en quatre groupes: les "alliés", les "potentiels alliés à recruter", les personnalités "à éduquer" et celles "à surveiller".

"Nous attendons que toutes les conditions dans lesquelles ces fichiers ont été commandés, réalisés et utilisés soient mises au jour, et c'est dans un deuxième temps que la question de la responsabilité pénale des uns et des autres pourra être analysée et mise en jeu", a réagi auprès de l'AFP François Saint-Pierre, l'avocat du Monde et de son journaliste. "Cela pose un problème de libertés publiques très important et nous avons décidé de porter plainte pour ouvrir ce débat", avait-il indiqué vendredi matin.

"Ficher nos journalistes est inacceptable : je dénonce ce type de méthodes!", a aussi indiqué sur Twitter Sibyle Veil, la PDG de Radio France, qui "va porter plainte. Le devoir d'informer en toute indépendance est au cœur de nos missions de service public".

La CNIL, l'agence publique de protection des données saisie en particulier par Le Parisien/Aujourd'hui en France, va enquêter sur cette affaire, a-t-elle indiqué à l'AFP.

La règlementation "impose d'informer les personnes dès lors que leurs données sont collectées", et celles-ci doivent avoir "la possibilité d'exercer leurs droits", notamment l'effacement de ces données, rappelle-t-elle.

Selon une personne familière du secteur, il est courant pour une agence de communication de faire une liste des journalistes et personnalités politiques à contacter en indiquant leur position par rapport à un sujet. En revanche, le fait d'indiquer des informations personnelles pourrait poser problème.

Dans un bref communiqué remis à l'AFP, Fleishman Hillard a assuré "respecter les lois en vigueur" et "les plus hauts standards éthiques de conduite".

"Nous continuons à assumer très sérieusement cette responsabilité et examinons soigneusement les questions soulevées par certains médias concernant les listes de personnes concernées qui comprennent des informations publiquement disponibles", a poursuivi l'agence de communication.

"Nettoyer ce système de lobbying"

L'ancienne ministre de l'Environnement Ségolène Royal, qui figure sur ces listes, s'est aussi indignée: "ça en dit long sur les méthodes des lobbyistes, (...) ils font de l'espionnage, de l'infiltration, de l'influence, parfois financière j'imagine".

"Monsanto ne doit pas être le seul à se comporter de cette façon-là. Au lieu uniquement de se scandaliser, il faut rebondir sur cette révélation pour nettoyer ce système de lobbying", a prôné sur France Info l'ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007.

Certains intérêts privés se croyant "plus puissants que les Etats" sont "prêts à tout", a également commenté l'actuel ministre de la Transition écologique François de Rugy, "pas surpris" par la révélation. Désormais la "guerre économique se mène aussi sur le terrain de l'environnement", a-t-il déclaré.

Le directeur général de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) Roger Genet, qui figurerait également dans ces fichiers, estime qu'il s'agit d'une "pratique scandaleuse", a-t-on appris auprès de l'Anses. L'Agence a annoncé qu'elle ferait un "signalement auprès du procureur de la République".

Le président (PS) de Dordogne, Germinal Peiro, également fiché pour le compte de Monsanto, a indiqué sur France Bleu Périgord réfléchir, avec d'autres responsables politiques figurant sur ces listes, à un dépôt de plainte.La députée européenne EELV, Michèle Rivasi, qui a indiqué figurer dans ces fichiers avec d'autres députés verts, a pour sa part annoncé son intention de porter plainte contre X. Deux ONG anti-pesticides, Foodwatch et Générations Futures, ont aussi annoncé qu'elles préparaient des plaintes.

Désherbant le plus utilisé au monde, le glyphosate est classé "cancérigène probable" depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est commercialisé sous diverses marques, notamment le Roundup.

Julie Chabanas

Commentaires 12
à écrit le 12/05/2019 à 12:12
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On pourrait avoir les noms de ceux qui ont été chaudement recommandés par MONSANTO svp ? :-) Parce que c'est bien ça le plus intéressant hein...

à écrit le 11/05/2019 à 17:37
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Fichage illégal, il faudrait vraiment poursuivre Facebook, Google, Amazon et autres leaders du net et ne pas faire semblant. La constitution de fichiers avec informations personnes étant leur principale source de rémunération contrairement à Monsanto...

à écrit le 11/05/2019 à 16:17
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Il y a comme même quelque chose que je ne comprends pas mes amies. Les gens ,le monde se dirige de plus en plus vers le bio et les allemands achetent cette chose!Les problèmes avec...qui sont les stratèges de cette entreprise?

le 11/05/2019 à 17:15
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Non, les gens, le monde ne se dirigent pas de plus en plus vers le bio, c'est les pluzaisés des pays riches qui jouent a ça. Entre la croissance de la population politiquement souhaitée et les changements climatiques (inondation, secheresse, verse ...

le 11/05/2019 à 17:46
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en fait, selon vous, on a le choix entre mourir d un cancer ou mourir de faim.....

le 11/05/2019 à 18:10
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@curieux37 Je ne sais pas si vous êtes au courant mais on doit tous mourir un jour et a tout prendre je prefere que pour moi ce soit d'un cancer que d'une chimio ou de faim. Mais ce n'est que mon humble avis. Et vous vous preferez quoi?

à écrit le 11/05/2019 à 16:02
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Et c'est ainsi que Monsanto s'embourba un peu plus... Plus le grand public en apprend sur cette entreprise, plus il se rend compte de son influence néfaste... Ce n'est pas une success story que nous suivons, plutôt une descente au rebut bien mérité.....

à écrit le 11/05/2019 à 14:22
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Tout cela va se retourner contre les journalistes militants, qui ne sont plus dans l'information mais dans la désinformation: Foucart, Elise Lucet et d'autres... Quel "fromage" parce que M.Foucart a donné lui-même son numéro de téléphone à des membr...

à écrit le 11/05/2019 à 13:20
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il est penible de constater que c'est toujours l'entreprise qui est responsable et jamais aux grand jamais les dirigeants de ses entreprises qui sont des personnes nefaste a la societe et pour se goinfrer font tous meme transgresser les lois ave...

à écrit le 11/05/2019 à 11:42
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Et reperer, lister ses possibles interlocuteurs/ contradicteurs, c'est quand même le b.a.ba du lobbyisme

à écrit le 11/05/2019 à 11:11
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A part tres eventuellement des numeros de telephone sur liste rouge je ne vois pas ce qu'il pourrait y avoir d'illegal et encore. N'importe quelle fiche wikipedia sur des personnalités est plus fournie, informations familiales, etudes, relations, opi...

le 11/05/2019 à 17:52
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rire, on a l air de découvrir le fil a couper le beurre dans cette histoire..... en fait, ce qui gêne, c 'est la qualification des "prospects"...... ça ne fait pas porpre de lire à coté de son nom... "retournable" ou "achetable" ou "influençable" ...

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