Medef : la bataille pour la succession de Roux de Bézieux s'active en coulisses

Le mandat de Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du Medef arrive à échéance le 6 juillet. Les statuts de l'organisation patronale ne lui permettent pas de rempiler. Mais qui pour prendre la suite ? Le 6 mars prochain, les candidats pourront se déclarer officiellement... Quelques prétendants sont pourtant déjà en campagne, plus ou moins discrètement. Revue de détails.
Fanny Guinochet
Le 6 juillet prochain, le président du Medef passera le flambeau, après 5 ans de mandat.
Le 6 juillet prochain, le président du Medef passera le flambeau, après 5 ans de mandat. (Crédits : Reuters)

C'est l'un des moments forts de l'organisation patronale : l'élection pour la présidence du Medef. Le 6 mars, les candidats seront autorisés à se déclarer. Puis, après quatre mois d'une courte campagne, se tiendra un vote, en interne par les Medef territoriaux et les fédérations professionnelles, le 6 juillet prochain.

Après un mandat de cinq années entre 2018 et 2023, Geoffroy Roux de Bézieux passera donc le flambeau. Celui qui a été auparavant vice-président de l'organisation sous Pierre Gattaz a piloté le patronat dans une période marquée par le Covid et le « quoi qu'il en coûte », suivie d'une reprise économique d'une ampleur inattendue, avant d'entrer dans un monde nouveau marqué par la guerre en Ukraine. Une période pleine de rebondissements, où les prix de l'énergie flambent, où renaît une inflation que la France n'a pas connue depuis trente ans tandis que les entreprises peinent à recruter en raison des pénuries de main-d'œuvre... Sans oublier un contexte social tendu, entre Gilets Jaunes et conflits pour des augmentations de salaires ou contre la réforme des retraites (en 2019-2020 et en ce début 2023).

Dans ce contexte difficile, le Medef doit-il vraiment faire campagne ? La question se pose en interne. Alors que les manifestations contre la réforme des retraites se succèdent, que l'ensemble des syndicats appellent à « mettre le pays à l'arrêt », à partir du 7 mars, le patronat doit-il exposer ses divergences de vue ? Beaucoup craignent que le spectacle d'une campagne - avec des coups bas, et des prises de positions des uns contre les autres - n'affaiblisse l'organisation. « Surtout à un moment, où l'on voit bien que les entreprises peuvent devenir la cible d'un mécontentement social », glisse un membre du Conseil exécutif, l'instance de décision du Medef.

En effet, en sortie de Covid, les entreprises bénéficiaient d'une très bonne image auprès des Français - elles avaient tenu face à la pandémie, venant parfois en relais des manquements des politiques, pour fournir la population en masques, en oxygène... Reste qu' aujourd'hui, le climat a changé. Les profits records des grands groupes l'an dernier - 21 milliards pour LVMH, 19 milliards pour Total, 10 milliards pour BNP Paribas, 5 milliards pour L'Oréal..., relancent la polémique sur le partage des bénéfices avec les salariés et la pression politique pour taxer les superprofits. Inflation oblige, les tensions dans les entreprises se multiplient au sujet des hausses de salaires. Sans oublier, la réforme des retraites du gouvernement, qui veut porter le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans, ce qui suscite une vive opposition dans la population.

D'autres estiment au contraire, que le débat d'idées doit se tenir, de façon apaisée, sans tourner au pugilat. Si Geoffroy Roux de Bézieux dit vouloir rester loin de cette élection, il envisage comme les éditions précédentes de mettre en place une session pour que les candidats présentent leur programme aux adhérents et aux votants.

Des prétendants... très ... très masculins

Pour l'heure, aucun n'est sorti du bois, et ne s'est déclaré. Et pour cause, tous attendent le 6 mars, date officielle de déclaration de candidature, pour se dévoiler. Mais tous font déjà leur tournée, de façon plus ou moins feutrée, dans les territoires ou les fédérations professionnelles. Une fois les 150 parrainages recueillis avant le 6 mai, ils auront ensuite jusqu'à juillet pour faire campagne et convaincre les 1.100 membres patronaux appelés à voter.

Le candidat qui peut apparaître comme le plus naturel est Patrick Martin, aujourd'hui président délégué du Medef depuis 2018 auprès du sortant. Ce chef d'entreprise lyonnais, entrepreneur patrimonial, connaît bien l'organisation de l'intérieur et s'inscrit donc dans le prolongement de l'action menée par Geoffroy Roux de Bézieux. Comme il y a cinq ans, lorsqu'il avait déjà concouru, il se pose, cette fois encore, comme le représentant des territoires. Mais, il pourrait envisager de faire un ticket avec une femme, pour moderniser sa candidature.

Du côté des services, Laurent Giovachini, le président du Syntec est lui aussi tenté par l'aventure. Celui qui n'est que dirigeant d'entreprise, directeur général adjoint de Sopra Steria, entend représenter les services. A la tête d'une puissante Fédération, celle dont était issue Laurence Parisot, l'ancien patronne de l'Ifop et seule femme à avoir présidé le Medef, Laurent Giovachini siège au bureau du Medef et pilote le comité souveraineté et sécurité de l'avenue Bosquet.  Ce polytechnicien qui a mené carrière dans l'industrie a fait un passage par les cabinets de Jospin ou de Richard. Ses soutiens valorisent un positionnement d'un Medef plus offensif, qui affirme une ligne plus lisible dans un monde où l'entreprise pourrait redevenir un lieu de plus grande conflictualité.

Enfin, d'autres hésitent encore. Le plus attendu est certainement Alexandre Saubot, directeur général de l'entreprise familiale Haulotte et candidat malheureux lors de la précédente élection, aujourd'hui président de France Industrie. Son échec douloureux lors de la précédente édition l'amène à faire preuve de prudence. Et à ne vouloir concourir qu'à condition d'être sûr de l'emporter. Sans réelle campagne donc mais avec pour lui l'argument d'être légitime en ces temps de réindustrialisation et de transition verte. L'ancien président de la puissante UIMM bénéficiera-t-il du soutien de cette dernière s'il se lance ? La question reste encore ouverte. Pour toutes ces raisons, il est probable qu'il attende le dernier moment pour faire part de son choix.

La touche féminine ?

Enfin, Dominique Carlach', également vice-présidente du Medef ( et porte-parole) a aussi quelques velléités. Ira-t-elle ? Si oui, ira-t-elle seule ? A un moment où la question d'un Medef encore incarné par un homme pourrait apparaître comme anachronique, elle pourrait vouloir jouer sa carte. Reste que sur la mandature de Geoffroy Roux de Bézieux, cette sportive, passionnée de RSE n'a pas pris en charge des dossiers importants, comme une négociation sociale, ou une bataille fiscale...

D'autres candidatures ont encore le temps d'émerger. Des "tickets" peuvent aussi se former. Avec des entrepreneures issues des territoires. Ou une fusion de candidatures.

Quel programme ?

Pour l'heure, les postulants et les hésitants, se jaugent encore, tentent d'évaluer les forces en présence. Ils constituent, en coulisses, leurs écurise, avec leurs équipes de communication et leurs soutiens. Et élaborent enfin les grandes lignes de leur programme. Pour la plupart, rien de très novateur.

Les candidatures s'inscrivent, pour la plupart, dans la poursuite de l'action menée par le sortant. Il s'agit de réaffirmer la place des entreprises dans un monde incertain, marqué par les tensions géopolitiques et sociales, tourné vers la transition écologique.

Dès le mois de mars, ils auront vite fait d'entrer très rapidement dans le vif du sujet. Alors, seulement, la bataille sera lancée.

Fanny Guinochet
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