En février, une première alerte avait sonnée : l'inflation commençait à se répercuter sur les produits de grande consommation, avec une hausse des prix de 0,52% par rapport au même mois de l'année précédente. Mars confirme la tendance. Surtout, les négociations commerciales annuelles entre grands distributeurs et industriels, conclues début mars, viennent aggraver la situation.
L'augmentation des prix des produits alimentaires a en effet atteint 1,26% le mois dernier sur une basse annuelle, selon la dernière étude de Nielsen IQ. Et les produits concernés sont de plus en plus nombreux : alors qu'en février seules 68% des catégories étaient touchées, elles sont désormais 81%, souligne le cabinet spécialisé. Pour trois produits, l'inflation dépasse déjà 8% : il s'agit des pâtes, des légumes secs et de la viande surgelée.
Les prix des principales marques nationales croissent aussi
Les événements météorologiques de l'année dernière, tels que le gel du mois d'avril 2021, ainsi que la volatilité des cours mondiaux des céréales, qui perdure depuis des mois et aggravée par la guerre en Ukraine, expliquent en partie ces hausses.
Mais selon Nielsen IQ, la principale cause de cette accélération de l'inflation est "la mise en place des nouveaux tarifs sur lesquels industriels et distributeurs se sont accordés lors des négociations commerciales" clôturées le 1er mars. La preuve en est qu'entre mars et février 2022, les prix des principales marques nationales, sur lesquelles ont porté ces négociations, ont crû de 0,87%, alors qu'il y a un mois elles étaient encore déflationnistes, et que sur cette même période l'inflation de l'ensemble de l'alimentaire s'est établie à 0,67%.
"Le prix des marques nationales progresse désormais de manière similaire aux marques de distributeurs", note Nielsen IQ.
Pour la première fois après plusieurs années de déflation, ces négociations ont en effet abouti à une augmentation moyenne des tarifs payés aux industriels de 3%. Un résultat toutefois insuffisant pou ces derniers, qui demandaient des hausses de jusqu'à 8%, nécessaires à leurs yeux pour compenser l'augmentation, en 2021 et 2022, de l'ensemble de leurs coûts de production : matières premières agricoles, énergie, emballages, logistique...
Une situation évolutive
A cause de l'aggravation du contexte inflationniste lié à la guerre en Ukraine, le gouvernement a d'ailleurs déjà demandé aux distributeurs comme aux industriels de se remettre autour de la table. Il est même parvenu à leur faire signer une charte, garantissant d'une part la réouverture de ces négociations par les distributeurs même quand les conditions juridiques ne sont pas strictement réunies, d'autre part la transparence des fournisseurs sur les hausses qu'ils revendiquent.
La situation est donc toujours évolutive, d'autant plus que seulement 10% des contrats avaient été réouverts il y a deux semaines, selon le ministère de l'Agriculture et que, selon la loi, les distributeurs ont un mois à partir de l'envoi de la demande de renégociation de leurs fournisseurs pour réagir.
La grande volatilité des marchés internationaux pourrait de surcroît rendre ces renégociations rapidement caduques, craignent de nombreux observateurs. Et le nouvel épisode de gel qui vient de frapper la France pourrait avoir des conséquences sur les prix des fruits de l'été prochain, ainsi que sur les conserves à l'automne.
"Les prévisions changent tous les jours", observe Emmanuel Cannes, expert pricing et service à la distribution chez NielsenIQ France, qui avance toutefois la possibilité d'une inflation moyenne des produits de grande consommation de 2% en avril et de 3,5-4% à la fin de l'année.
Des cas de ruptures en hausse
Ce qui est sûr, c'est que cette incertitude pousse déjà une partie des Français à "des achats dits de précaution avec un effet de stockage plus important que d'habitude", qui augmentent les ventes de certains produits et parfois conduisent à des ruptures, note Nielsen IQ.
Lors des trois dernières semaines de mars, les ventes de catégories de première nécessité ont ainsi fortement progressé, en valeur à cause de l'inflation, mais aussi en volumes, malgré un ralentissement progressif de cette tendance. C'est notamment le cas des huiles, de la farine et des pâtes, dont le nombre d'incidents de rupture en grande distribution, hors les discounters, a respectivement crû de +37%, +26% et +21% entre le 21 février au 27 mars 2022.
Les professionnels se veulent pourtant rassurants sur les stocks à court terme.
"En France, aujourd'hui, il n'y a pas de pénurie pour la consommation courante et il n'y en aura pas jusqu'à l'été", a déclaré dimanche sur BFMTV le président du comité stratégique E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, cité par l'AFP. "Des pâtes, il y en a. Pour l'huile de tournesol, nos stocks vont jusqu'à juin", a-t-il précisé.
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