La fin de la campagne présidentielle s'annonce extrêmement tendue pour l'exécutif. Après les blocages de nombreux dépôts de carburant et des opérations escargots sur tout le territoire en début de semaine, les mouvements sociaux se multiplient en France. Ce vendredi, les syndicats ont appelé à la grève dans les transports en commun en Ile-de-France après une journée de mobilisation la veille pour une revalorisation des pensions de retraites. Le spectre d'une fronde sociale généralisée plane au-dessus du gouvernement accaparé par la guerre en Ukraine et ses conséquences sur la stabilité géopolitique en Europe et la flambée des prix des carburants.
Une semaine après avoir dévoilé les grandes lignes du plan de résilience devant la presse, Bercy est revenu en détail ce vendredi 25 mars sur les dépenses de cette enveloppe destinée à amortir le choc économique et social de ce conflit aux portes du Vieux continent. "La résilience au sens de résistance et de protection est un plan qui doit être efficace à court terme et doit nous permettre de tirer les conséquences à plus long terme", a résumé il y a une semaine le Premier ministre Jean Castex en présence des ministres Bruno Le Maire (Economie), Barbara Pompili (Ecologie) et Julien Denormandie (Agriculture).
Dans un décret d'avance envoyé au parlement ce vendredi, Bercy prévoit notamment un total de 6 milliards d'euros de dépenses nouvelles. Le gouvernement espère la publication du décret au journal officiel dans la semaine du 4 avril. En attendant, le ministre des comptes Olivier Dussopt doit être auditionné par les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale la semaine prochaine et attendre le feu vert du Conseil d'Etat. La procédure express du décret d'avance éviter de mobiliser l'ensemble des parlementaires à seulement deux semaines du premier tour du scrutin présidentiel. Il n'est mobilisable que selon certains critères comme le cas d'une extrême urgence et ne doit pas dépasser un certain montant (1% du budget). Surtout, cette stratégie permet d'éviter les critiques au sein du Parlement à seulement quelques jours de l'échéance électorale.
Il faut dire que beaucoup de voyants économiques sont désormais dans le rouge. En seulement quatre semaines de conflit, la conjoncture s'est considérablement dégradée en Europe. Le moral des chefs d'entreprise et des ménages a plongé une nouvelle fois après deux longues années de pandémie. "Face à un choc, un organisme en bonne santé est a priori plus résistant qu'un malade. Le climat des affaires a commencé à baisser, présageant une croissance au-dessous de son potentiel. Ce n'est pas une récession, mais une zone à risque élevé", a souligné l'économiste de BHF Bruno Cavalier dans une récente note.
5,5 milliards d'euros de crédits ouverts pour le plan de résilience
Cette ouverture de crédits exceptionnelle intervient dans une situation particulièrement troublée. "L'élément déclencheur de ce décret d'avance est l'invasion russe en Ukraine. Cette guerre a des conséquences importantes sur les prix de l'énergie et certains intrants. Il y a un dérèglement des flux économiques", souligne un ponte du ministère des Comptes publics. Sur les six milliards d'euros d'ouverture de crédits, figurent notamment la remise de 15 centimes d'euros pour les carburants (3 milliards d'euros), la prise en charge partielle des factures d'électricité et de gaz pour les entreprises les plus exposées (1,5 milliard d'euros).
Le reste concerne des mesures sectorielles plus spécifiques pour l'agriculture (550 millions d'euros), la pêche (30 millions d'euros), les transports (400 millions d'euros), ou encore les travaux publics (80 millions d'euros). Alors que de nombreuses zones d'ombre planaient lors de la présentation du plan de résilience, ce décret apporte plus de détails sur les montants en jeu.
400 millions d'euros pour les réfugiés
L'éclatement de la guerre en Ukraine a provoqué une crise humanitaire importante. En seulement quelques semaines, des millions de réfugiés se sont retrouvés sur les routes de l'exode. Selon un décompte réalisé par les services de l'ONU, 3,7 millions de personnes ont fui l'Ukraine et les combats. Plus de dix millions de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont dû quitter leur foyer. L'ONU estime à presque 6,5 millions le nombre de déplacés à l'intérieur de l'Ukraine. L'Europe n'a pas connu de flots de réfugiés aussi importants depuis la Seconde Guerre mondiale. A ce stade, ce sont principalement les pays limitrophes comme la Pologne ou la Roumanie qui accueillent les principaux flux.
En France, le Premier ministre Jean Castex a annoncé que 26.000 réfugiés avaient été accueillis et s'est fixé comme objectif d'ouvrir " un schéma national d'accueil et d'hébergement proposant au moins 100.000 places d'hébergement" aux réfugiés ukrainiens. Dans le décret d'avance, 400 millions d'euros de crédits doivent être ouverts pour assurer les allocations et l'hébergement de cette population en détresse. "La pression sur la France peut varier en fonction de la durée du conflit", souligne Bercy.
Six milliards d'euros d'annulation de crédits
En face des six milliards d'euros de crédits ouverts, le gouvernement doit annuler six milliards d'euros de crédits dans le cadre du décret d'avance. Parmi les crédits sous-consommés, l'exécutif a principalement pioché dans les mesures d'urgence mises en œuvre pendant la pandémie. "On estime que ces crédits ne sont plus nécessaires", assure l'entourage du ministre des Comptes publics Olivier Dussopt.
Sur les six milliards de crédits annulés, les principales annonces concernent les mesures liées au renforcement des prises de participation dans les entreprises (1,9 milliard d'euros), le fonds de solidarité (500 millions d'euros), les exonérations de cotisations sociales (500 millions d'euros) ou encore le chômage partiel. Le ministère des Finances a également prévu de rayer des crédits sur les réserves de précaution des ministères d'environ 2 milliards d'euros qui permettent de "faire face à des aléas". La perspective d'un conflit à rallonge pourrait compliquer la tâche pour le prochain exécutif.