>>> ARTICLE MISE EN LIGNE 30/12/2010 | MISE A JOUR 31/12/2010 - 13H43
"Qui va piano va sano !" : c'est certainement la devise du gouvernement sur le sujet de la vaccination contre le Coronavirus. Outre les mesures sanitaires, le gouvernement essuie des critiques sur sa campagne de vaccination jugée trop lente.
Beaucoup émanent de soignants, à l'image d'Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer, qui lui reproche d'"avancer à tout petits pas".
"Je récuse cette idée d'avancée à petits pas", s'est défendu sur LCI le Pr Alain Fischer, le "monsieur vaccin" nommé par le gouvernement.
Selon lui, ce démarrage lent est dû au choix de vacciner en priorité les plus fragiles et à la complexité de livraison des doses du vaccin Pfizer/BioNTech, qui doit être stocké à -80 °C.
Peu de Français vaccinés à date !
Le rythme de la vaccination est devenu un thème politique pour l'opposition alors que ceux-ci critiquaient la semaine dernière une proposition de loi sur la mise en place d'un passeport sanitaire.
Sur les trois premières journées de la campagne de vaccination lancée dimanche en Europe, moins de cent personnes ont été vaccinées en France, alors que l'objectif est d'arriver à un million d'ici la fin février.
"On n'est pas parti pour un 100 mètres mais pour un marathon" et une "montée en puissance", se défend-on au ministère de la Santé Olivier Véran.
"Face à un très fort scepticisme dans la population française, nous avons fait le choix de prendre le temps nécessaire pour installer cette vaccination", avec notamment des consultations longues pour expliquer son bien-fondé, explique-t-on, en se défendant de tout "problème d'approvisionnement".
L'opposition pointe du doigt cette lenteur
"Soit on pense que le vaccin doit être diffusé, soit on pense qu'il ne doit pas l'être", mais à partir du moment où il est autorisé, "on pourrait peut-être accélérer un peu" pour "sauver des vies" et "retrouver une vie normale", a critiqué le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde sur RMC.
"L'Allemagne est déjà à plus de 42.000 vaccinés, le Royaume-Uni à 900.000 et la France à moins de 200 ! Après les masques, les tests et l'isolement, un nouvel échec serait terrible", a alerté le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau sur Twitter en demandant au gouvernement de "rendre public le calendrier de vaccination des Ehpad par département".
Le député LR Eric Ciotti a déploré une "anticipation toujours déficiente" de la part du gouvernement.
"Si demain matin, ils voulaient se faire vacciner, ils ne pourraient pas", a déploré le porte-parole du RN Laurent Jacobelli sur RMC à propos des 40% de Français qui le souhaitent (sondage Ipsos Global Advisor/Forum économique mondial), fustigeant la "logistique" du gouvernement qui a "raté l'étape numéro 1 de la vaccination", "la confiance".
Même son de cloche à gauche
A gauche, le sénateur PS Rachid Temal a fait le constat sur Twitter du "triple échec du pouvoir en place: un gouvernement incapable de travailler dans la transparence, le retard français dans la vaccination est réel et impressionnant, le sentiment anti-vaccin ne faiblit pas".
Selon un sondage Ipsos Global Advisor/Forum économique mondial publié mardi, la France est la "championne du monde" des pays réfractaires: seuls 4 Français sur 10 accepteraient de se faire vacciner contre la Covid.
Pour le député LFI Alexis Corbière, "le vaccin à ce stade n'est qu'un élément de stratégie pour faire reculer le virus" et "si on veut que les gens acceptent d'être vaccinés, il faut répondre (aux) questions (...) légitimes" qu'ils se posent, a-t-il estimé sur franceinfo.
Le ministre de la Santé a dit mardi soir sur France 2 que "cet écart dans le démarrage est assumé".
"Quand Olivier Véran explique que c'est une stratégie réfléchie, ça ne trompe personne. Tout le monde sait que ce n'est pas vrai, c'est parce que nous ne sommes pas prêts", a répliqué sur Cnews Philippe Juvin, chef du service des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou et maire LR de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), ajoutant que "les Français comprennent qu'on est en train de les tromper".
Cibler les personnes hésitantes à la vaccination
Le généticien Axel Kahn a regretté mercredi que le gouvernement n'adopte pas une stratégie plus offensive pour persuader les Français de la nécessité de se faire vacciner contre la Covid. La stratégie prudente du gouvernement "n'est pas adaptée à une situation qui est très périlleuse", souligne sur Europe 1 le président de la Ligue nationale contre le cancer, alors même, dit-il, qu'il y a en France entre 30 et 35% de "vaccino-sceptiques".
Il appelle à cibler les "personnes terriblement hésitantes".
"Il faut certainement leur apporter la vérité et la transparence, mais également de l'enthousiasme", ajoute-t-il, reprochant à l'exécutif d'"avancer à tout petit pas".
Avec cette attitude, "on va les convaincre qu'en effet, si on va si lentement, c'est qu'on n'est pas sûr de soi et qu'il y a un danger", observe-t-il.
"Il faut protéger le peuple Français et les personnes fragiles. Et faire vacciner les soignants en priorité", poursuit le président de la Ligue nationale contre le cancer, lui-même décidé à se faire vacciner "le plus tôt possible".
Sur la chaîne Cnews, le professeur Philippe Juvin, chef des urgences à l'hôpital Georges Pompidou, a regretté pour sa part que la France "n'ait pas de stratégie vaccinale".
"A titre individuel, j'aimerais être vacciné, pour montrer l'exemple, et dire aux gens: on ne meurt pas du vaccin, on meurt du Covid, et quand on ne meurt pas, on fait des formes lourdes qui sont très invalidantes".
"Si j'étais le premier ministre, je me ferais vacciner", a-t-il ajouté.
"Il n'est plus temps d'attendre"
L'Académie nationale de médecine a regretté jeudi le démarrage "très lent" de la campagne de vaccination contre la Covid, jugeant les précautions prises "excessives". L'institution note une mise en oeuvre "progressive" de la campagne qui a commencé dimanche dans les Ehpad, en raison du processus de recueil du consentement, de la recherche d'éventuelles contre-indications chez une population fragile et du maintien du patient en observation 15 minutes après l'injection.
"Cette extrême prudence est assumée par les autorités sanitaires qui écartent la possibilité de simplifier ces procédures pendant la phase préliminaire. Elle est sanctionnée par un démarrage très lent du programme", ajoute-t-elle dans un communiqué, estimant "le premier bilan (100 personnes vaccinées en 3 jours) difficile à défendre" en comparaison d'autres pays européens.
"Adoptées pour rassurer une opinion publique gagnée par l'hésitation, ces précautions excessives risquent de susciter a contrario une incompréhension croissante vis-à-vis d'une campagne dont le coup d'envoi semble manquer de détermination", insiste l'Académie.
L'Académie recommande ainsi de "simplifier et raccourcir autant que possible les procédures de vaccination dans les Ehpad".
"La France déplore plus de 64.000 décès par Covid, dont près d'un tiers dans la population à haut risque qui doit être vaccinée au cours des huit prochaines semaines. Face à ce constat, la campagne nationale d'immunisation doit être exemplaire dans un pays qui a tant contribué à l'élimination des maladies infectieuses par la vaccination".
Elle plaide également pour que la première phase de vaccination soit déployée "en priorité" dans les départements les plus touchés et pour la "transparence" de l'état des stocks de vaccins pour que "la mise en oeuvre de la stratégie vaccinale n'apparaisse pas dictée par des aléas de livraison".