Vins et fromages français : les grands perdants du rejet du CETA

Les sénateurs ont largement rejeté jeudi le traité du CETA, appliqué provisoirement depuis 2017 mais jamais soumis à la chambre haute. Cet accord de libre-échange entre l'UE et le Canada profite pourtant depuis sept ans aux secteurs français du vin et du fromage, qui pourraient subir une baisse de leurs exportations en cas d'arrêt du CETA.
Les exportations de vin français vers le Canada ont augmenté de 24% depuis la mise en place du CETA en 2017. (photo d'illustration)
Les exportations de vin français vers le Canada ont augmenté de 24% depuis la mise en place du CETA en 2017. (photo d'illustration) (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

Le rejet du CETA par le Sénat risque de faire des perdants en France. Ce jeudi 21 mars, dans un climat extrêmement tendu, les sénateurs ont rejeté à 211 voix contre 44 l'article du projet de loi relatif à ce traité, appliqué provisoirement depuis 2017 mais jamais soumis à la chambre haute. Ces nouvelles règles pour exporter davantage vers le Canada ont pourtant profité aux secteurs français de l'agroalimentaire, des vins et spiritueux et des fromages.

Selon les chiffres de la Direction générale du Trésor, dans un rapport sur suivi de la mise en place du CETA publié le 7 mars, les exportations du secteur agroalimentaire vers le Canada ont augmenté de 30% entre 2017 et 2023, les exportations de vins et spiritueux de 24% et les exportations de fromages de 60%. Les produits chimiques et cosmétiques et les textiles et chaussures ont également vu leurs exportations progresser.

« Très mauvaise nouvelle pour la filière vitivinicole »

Pour Jean-Marie Fabre, président du syndicat Vignerons indépendants, le rejet du CETA par le Sénat est « un coup d'arrêt et une très mauvaise nouvelle pour la filière vitivinicole, nos TPE exportatrices et pour l'économie française ». Le représentant de la filière rappelle que « l'excédent commercial de l'agroalimentaire français a été multiplié par trois », passant de +196 millions d'euros en 2017 à +578 millions d'euros en 2023.

« Je ne suis pas naïf et je sais qu'il y a un équilibre à trouver dans les accords commerciaux, affirme Jean-Marie Fabre, mais celui-là s'applique depuis septembre 2017 et tout ce qui aurait pu être ratifié, c'est ni plus ni moins ce qu'il se passe depuis 2017. Nous pouvons tirer une analyse des bénéfices ou des moins-values liées à cet accord. Aujourd'hui, il n'y a pas de moins-value », assure à La Tribune le président des Vignerons Indépendants de France.

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Un arrêt du CETA se traduirait par « des tarifs douaniers plus élevés, plus de coûts pour le consommateur final, moins de pénétration et donc un recul des vins français sur le marché canadien », redoute Jean-Marie Fabre. Un scénario que le représentant syndical « n'ose imaginer », le texte devant à présent retourner à l'Assemblée nationale. Les députés communistes ont annoncé leur intention de l'inscrire à l'ordre du jour le 30 mai.

Jérôme Bauer, président de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), se dit lui aussi « forcément déçu de ce rejet massif par le Sénat ». « Le risque, c'est une suppression des droits de douane et le rétablissement de taxes sur nos produits qu'on estime à 10% au Canada », affirme-t-il. « Cela risque de pénaliser les ventes ».

La Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France a également réagi dans un communiqué. « Alors que la filière des vins et spiritueux est dans une situation difficile, il faudra que, demain, ceux qui ont refusé cet accord expliquent aux producteurs français de vins et de spiritueux pourquoi ils risquent de perdre les marchés qu'ils avaient développés depuis 2017 au Canada » déclare son président, Gabriel Picard.

Un risque pour les fromages AOP

Autre secteur perdant avec le rejet du CETA : la filière fromagère et laitière. Les producteurs de lait se montrent plus partagés. Yoann Barbe, trésorier de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), explique que « la valeur des produits fromagers exportés ne revient pas directement aux producteurs, alors que c'est eux qui font le produit principal qui est le lait. Il était donc compliqué pour nous de s'afficher pour le CETA ». Contactés, les industriels du lait n'ont pas répondu à nos sollicitations. Mais, en coulisse, certains partagent leur déception.

Dans le même temps, le représentant des producteurs de lait reconnaît « un risque pour les fromages d'appellation d'origine protégée (AOP) qui sont exportés où effectivement, une partie des tonnages pourraient revenir sur les marchés français et européen. La balance pourrait se déséquilibrer en notre défaveur nous producteurs parce qu'il faut retrouver de nouveaux marchés », déclare le trésorier de la FNPL.

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Les producteurs de lait partagent par ailleurs les inquiétudes des éleveurs bovins sur les importations de viande en provenance du Canada. « Nous sommes concernés puisque nous vendons de la viande tous les jours sur nos exploitations laitières. Pour nous, il n'y avait pas assez de garanties que la viande qui risque d'être importée demain respecte bien les standards français et européens », estime Yoann Barbe.

La filière viande salue le rejet du traité

Le rejet du CETA a été bien accueilli par la filière de la viande. « Il y a des bonnes nouvelles de temps en temps », a jubilé auprès de l'AFP le président de la Fédération nationale bovine (FNB), Patrick Bénézit, par ailleurs deuxième vice-président du syndicat agricole majoritaire FNSEA. Interbev, l'interprofession française qui défend les intérêts des professionnels de la viande (hors volaille et porc), a aussi salué cette décision.

Mais Jean-Marie Fabre rappelle que « pour l'élevage, le volume importé, c'est moins de 3,7%. Je pense que le risque, s'il était avéré, on l'aurait largement vu depuis maintenant sept ans que cet accord est en place ». « Je ne comprends pas parce qu'avec ces quelques années de recul qu'on a, on voit bien que les quantités importées en viande bovine et porcine sont quasiment inexistantes », affirme également Jérôme Bauer.

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Emmanuel Macron a salué ce vendredi « un très bon accord » pour l'agriculture française au sujet du CETA. Citant les bénéfices de l'accord pour les secteurs français du « lait », « fromage » ou « vin », le chef de l'État a appelé à ne pas « mettre dans le même sac tous les accords commerciaux » de libre-échange. « C'est de la démagogie », a-t-il encore dénoncé, lors d'une conférence de presse à l'issue d'un Conseil européen.

« Des gens qui aujourd'hui le combattent la main sur le cœur, sont ceux qui l'ont signé et tout le monde oublie qu'on l'a largement amélioré », a également critiqué le chef de l'Etat, en référence aux élus socialistes qui ont voté contre le projet de ratification du traité, qui avait été conclu au moment de la présidence de François Hollande.

Commentaires 6
à écrit le 24/03/2024 à 3:09
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Le fromage français n'est exporté QUE par des oligarques .... par contre, les importations détruisent bon nombre de petites exploitations françaises .... pourquoi sacrifier les petits producteurs pour le profits de quelques industriels de l'agro-alim...

à écrit le 23/03/2024 à 20:26
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euh si c'est ca la conclusion, ca laisse baba......les gens consomment moins d'alcool, c'est generationnel peut etre, car on prefere le sh..ou la coke, ou autres, et le vin, meme en france decroit ( faut dire que le bordeaux ukrainien, avec prix de g...

à écrit le 23/03/2024 à 12:58
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Pourquoi décréter contre des filières, qui ont tant travaillé pour leur reconnaissance à l'étranger, pour favoriser des multinationales qui nous imposent leur façon de voir!

à écrit le 23/03/2024 à 11:34
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Le vin prend une claque en consommation dans notre pays et le fromage n'a pas une part de croissance majeure. Aucune intérêt de les dévaluer pour les vendre par millions.

à écrit le 23/03/2024 à 11:18
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Pourquoi sacrifier une filière pour que d' autres prospères ??? C'est trop pervers, ces traités.

le 23/03/2024 à 13:20
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Il paraitrait que les éleveurs canadiens ne sont pas chauds pour élever des bêtes dans les normes UE, ne sont pas motivés vu les complications et n'ont pas de projets à ce sujet (ouf !). On n'a exporté que 2% de ce que les accords préalables permetta...

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