Le grenier agricole normand appelé à la rescousse pour nourrir les écoliers parisiens

Fondée par six collectivités franciliennes et normandes, la coalition AgriParis Seine rêve de recréer « une ceinture verte » autour de la capitale pour alimenter les cantines municipales en circuits courts et durables. Pas simple mais séduisant.
Paris ambitionne de porter à 50% la part d'aliments servis dans ses cantines issus de filières de proximité.
Paris ambitionne de porter à 50% la part d'aliments servis dans ses cantines issus "de filières de proximité". (Crédits : DR)

Peu de Parisiens le savent mais il y a souvent loin de la fourche... à leur fourchette. Les équipes d'Anne Hidalgo ont fait les calculs. Les haricots verts, les œufs, le miel ou le poisson qui figurent au menu des cantines de la capitale parcourent, en moyenne, 660 kilomètres avant d'atterrir dans les assiettes.... au prix d'un bilan carbone discutable. Bien que Paris se flatte d'avoir porté à près de la moitié la part d'aliments bio dans les recettes (presque quatre fois la moyenne nationale), les circuits courts restent l'un des maillons faibles de l'approvisionnement.

Et pour cause. Avec seulement 2% de terres cultivées, l'ensemble métropolitain du Grand Paris se révèle bien incapable de fournir les trente millions de repas servis quotidiennement dans les écoles, crèches ou EPHAD gérés par la municipalité. C'est de ce constat et de celui de l'urgence du « mieux manger » qu'est née en juillet dernier l'association AgriParis Seine, fruit d'une alliance entre des territoires urbains et ruraux.

Présidée par l'agronome Marc Dufumier, chantre de l'agro-écologie, elle coalise non seulement les élus de Paris et sa Métropole mais aussi ceux des agglomérations de Rouen et du Havre, du département de Seine Saint Denis et du pôle territorial rural (PETR) du Nord de l'Yonne. Soit un conglomérat de huit millions d'habitants et 400 communes où les terres agricoles sont très inégalement réparties. Portion congrue dans le Grand Paris, elles couvrent par exemple le tiers de la surface de la métropole rouennaise et la moitié de celle de la communauté urbaine havraise par exemple.

Massifier les débouchés pour les producteurs

Tablant sur leur complémentarité, les fondateurs d'AgriParis Seine se sont donnés pour ambition d'accroître les échanges nourriciers entre les « greniers » fertiles de la Normandie et de l'Ile-de-France et l'insatiable ventre de Paris. Avec en guise de cible, la promesse de l'exécutif de la capitale de porter à 100% la part d'aliments « durables » dans ses cantines dont au moins la moitié « issue de filières de proximité ». Entendez par là, dans un rayon de 250 kilomètres autour de Notre-Dame.

« Il s'agit d'utiliser au maximum le levier de la commande publique pour proposer des débouchés massifiés à des agriculteurs ou des éleveurs proches et engagés de façon à leur assurer un revenu équitable », résume Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris en charge des circuits courts. Facile à dire, beaucoup moins aisé à réaliser. « Cela va demander beaucoup de volontarisme et d'énergie », reconnaît d'ailleurs l'intéressée lucidement.

Désormais forte d'une équipe de cinq personnes, l'association entre tout juste dans le vif du sujet. Elle vient d'obtenir un financement de 600.000 euros de la Banque des Territoires afin de réaliser un diagnostic préalable des forces et faiblesses de l'ensemble normando-francilien. Objectif : identifier les besoins et les ressources productives disponibles mais surtout repérer les trous dans la raquette. « A l'issue de cette étude qui durera 18 mois, AgriParis Seine pourra cofinancer des plateformes logistiques, des outils de transformation, des installations ou aider à la diversification des productions », précise Léa Barbier, sa directrice. Un fonds d'investissement devrait être créé dans ce sens.

« On butte souvent sur le prix »

Pour espérer constituer des filières durables et économiquement viables, restera aussi à convaincre les gestionnaires de la restauration collective de se mettre à l'heure du circuit court. Un changement de pied pas simple quand il est si facile de faire appel à Sodexo et consorts. « On est dans une économie de centimes et dans de la micro-logistique coûteuse. Du coup, entre les belles idées et leur mise en pratique, on butte souvent sur le prix », constate Benjamin Decoster, fondateur d'Alternoo qui commercialise dans la région parisienne les fruits, les légumes, les laitages et la viande d'une grosse vingtaine de petits producteurs rouennais « plus que bio ».

Pour Audrey Pulvar, l'obstacle est réel mais contournable. « Avec une forte proportion de repas végétariens et en luttant contre le gaspillage alimentaire, on retrouve des marges financières pour mieux rémunérer les producteurs », assure-t-elle. Une approche qui sera sûrement débattue le 2 avril prochain lors de la « conférence des solutions » sur la restauration collective qu'organise le ministère de l'agriculture. Les participants y feront le constat des échecs de la loi Egalim. Celle-ci prescrivait au moins la moitié  de produits bio et durables dans les cantines françaises en 2022. Avec un taux d'un peu plus de 27%, l'objectif est loin d'être atteint. Le modèle promu par AgriParis Seine arrive donc à point nommé.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.