Au Guyana, les bruits de bottes s’éloignent

Le Venezuela revendique une part du territoire de ce petit État riche grâce à ses ressources pétrolières.
(Crédits : © Leonardo Fernandez Viloria/REUTERS)

Le conflit régional est écarté en Amérique du Sud. Les avions de chasse américains ne vont pas décoller et le navire de guerre britannique va rester aux larges des côtes guyanaises. En décembre, face à la menace du Venezuela d'envoyer ses troupes envahir le Guyana, Washington et Londres avaient déployé des forces militaires pour tenter de dissuader Caracas. Mais après plusieurs semaines de tensions, les diplomates du Venezuela et du Guyana ont enfin entamé des discussions mardi, grâce à la médiation du Brésil. Jeudi, à l'issue de la rencontre à Brasília, le ministre des Affaires étrangères vénézuélien, Yvan Gil, a assuré qu'ils étaient « d'accord sur la nécessité de poursuivre [les discussions] en utilisant les canaux diplomatiques ». Son homologue guyanais, Hugh Todd, s'est montré optimiste, promettant de « réelles avancées » lors de la prochaine réunion.

Depuis son accession à l'indépendance en mai 1966, l'ancienne colonie britannique du Guyana voit ses frontières contestées par Caracas, qui revendique la région d'Essequibo, située à l'ouest du fleuve du même nom. Ce territoire, où vit 20 % de la population, représente deux tiers du pays, qui compte 816 000 habitants. Après avoir organisé un référendum le 3 décembre pour consulter les Vénézuéliens sur l'avenir de cette région, Nicolás Maduro, le président du Venezuela, avait massé des troupes au nord du Guyana.

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Un rôle majeur sur l'échiquier mondial

Avec la découverte en 2015 d'un immense champ pétrolier offshore par la major états-unienne ExxonMobil, recelant 11 milliards de barils de pétrole, le litige entre les deux pays a pris une nouvelle dimension. Le Guyana, jadis l'un des pays les plus pauvres de la planète, est devenu un producteur majeur d'or noir. En septembre 2023, Exxon, allié à Hess, et le pétrolier chinois Cnooc ont même lancé des appels d'offres pour l'ouverture de nouveaux blocs.

Aujourd'hui, le pays pompe en moyenne 500 000 barils par jour de pétrole brut dont les ventes lui procurent des revenus annuels qui ont triplé depuis 2017 pour atteindre 1,88 milliard de dollars. Le potentiel est énorme. Selon les experts de S&P Global, « sa production devrait atteindre 1,25 million de barils par jour [Mb/j] d'ici à 2028 ». Si le niveau reste modeste par rapport aux productions des États-Unis (13 mb/j) ou de l'Arabie saoudite (12 Mb/j en pleine capacité), le Guyana ne joue pas moins un rôle majeur sur l'échiquier pétrolier mondial. Au point que l'Opep le courtise ! En effet, alors que les 23 membres de l'Opep+ restreignent leur production en s'imposant une politique de quotas pour maintenir un certain niveau des prix du baril, ils se voient contrariés par les hausses de production des États-Unis, du Canada, du Brésil et du Guyana, ces quatre pays représentant « 88 % des 2,3 Mb/j d'augmentation de l'offre mondiale des non-Opep en 2023 », indique l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Sous sanctions des États-Unis, le Venezuela a vu sa production fondre de 3 Mb/j au début des années 2000 à 800 000 b/j, et voudrait aujourd'hui profiter de la manne de son voisin. D'autant qu'ExxonMobil a annoncé la semaine dernière des découvertes prometteuses de gaz naturel qui devraient encore booster les revenus du petit État sud-américain.

Une nouvelle réunion entre les deux pays doit se tenir à Brasília. Pour autant, le Guyana est toujours déterminé à permettre à la Cour internationale de justice (CIJ) de proposer une solution au différend. En décembre, saisie par le Guyana, la CIJ avait conclu que Caracas devait s'abstenir de prendre toute mesure susceptible de modifier la situation sur le terrain.

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