Aux abois, le Sri Lanka réussit à se faire livrer du pétrole... russe

Alors que le FMI attend des garanties de restructuration de la dette pour agir, le pays sombre chaque jour toujours plus dans le chaos économique et social. Mais sous l'égide de son nouveau ministre des Finances, l'Etat défaillant a réussi à trouver auprès d'un prêteur les 75 millions de dollars nécessaires pour se faire livrer cette cargaison de pétrole qui attendait depuis un mois au large de Colombo. C'est un pétrole brut d'une qualité pas vraiment adaptée aux spécificités de raffinage locales, mais la Russie était le seul fournisseur acceptant un paiement à crédit du Sri Lanka.
Le Sri Lanka n'a plus assez de devises pour ses importations de base. Les pénuries (aliments, médicaments, énergie...) s'enchaînent depuis de longs mois, qui voient ici les chauffeurs de tuk-tuk (taxis à trois roues) obligés d'attendre des heures voire des journées avant de pouvoir acheter un peu d'essence, comme ici le 12 avril dernier dans cette station-service de Ceylan Ceypetco à Colombo.
Le Sri Lanka n'a plus assez de devises pour ses importations de base. Les pénuries (aliments, médicaments, énergie...) s'enchaînent depuis de longs mois, qui voient ici les chauffeurs de "tuk-tuk" (taxis à trois roues) obligés d'attendre des heures voire des journées avant de pouvoir acheter un peu d'essence, comme ici le 12 avril dernier dans cette station-service de Ceylan Ceypetco à Colombo. (Crédits : Reuters)

Le Sri Lanka, frappé par la pire crise économique de son histoire, manque cruellement de devises pour importer les denrées de base : nourriture et médicaments mais aussi les matières premières essentielles à la bonne marche de son activité économique comme le pétrole.

Sans entrer dans le détail du chaos politique qui règne depuis des mois, la situation de ce pays de 22 millions d'habitants au plan de son approvisionnement énergétique est critique: non seulement les pénuries énergétiques entraînent des coupures d'électricité, des fermetures d'usines et des files d'attente interminables (parfois des journées entières) aux stations services pour grappiller du carburant pour les véhicules ou du gaz pour la cuisine, mais encore l'inflation s'envole à des niveaux records: ces six derniers mois, les prix des carburants, notamment, ont flambé, avec +230% pour le diesel et +137% pour l'essence.

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L'unique raffinerie du pays, à l'arrêt depuis trois mois, faute d'argent

C'est dans ce contexte que, samedi, le ministre de l'Énergie, Kanchana Wijesekera, a annoncé avoir réussi à prendre livraison de pétrole brut pour relancer l'unique raffinerie du pays. Celle-ci exploitée par la Ceylon Petroleum Corporation (CPC), la compagnie pétrolière nationale, est fermée depuis le mois de mars, le gouvernement à court d'argent ne pouvant tout simplement plus acheter de pétrole.

C'est un intermédiaire basé à Dubaï, Coral Energy, qui a accordé le prêt des 75 millions de dollars nécessaires pour faire entrer sur le territoire cette cargaison de 90.000 tonnes de pétrole brut qui va permettre de redémarrer la raffinerie du Sri Lanka. Un prêt à haut risque, puisque cette raffinerie a déjà des arriérés de 735 millions de dollars envers ses fournisseurs, a précisé Kanchana Wijesekera.

Ce pétrole provient de Russie, de Sibérie exactement, et cela pose deux sortes de difficultés. D'une part, les importations de pétrole russe font l'objet d'un embargo des Etats-Unis et bientôt peut-être de l'Union européenne, dont les Etats-membres se réunissent ce lundi 30 mai pour tenter de se mettre d'accord sur une nouvelle série de sanctions, notamment un embargo sur le pétrole.

Or le Sri Lanka est dans un tel désarroi que, malgré les sanctions imposées aux banques russes et le tollé diplomatique provoqué par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le pays mène actuellement des pourparlers avec Moscou pour organiser des livraisons directes de brut, de charbon, de diesel et d'essence.

"J'ai fait une demande officielle à l'ambassadeur russe pour des livraisons directes de pétrole russe", a déclaré M. Wijesekera devant la presse à Colombo.

D'autre part, il y a une difficulté technique: le brut léger sibérien ne convient pas parfaitement à la raffinerie sri lankaise, qui est optimisée pour le brut léger iranien, mais il faudra faire avec, car aucun autre fournisseur n'était disposé à accorder un crédit au pays.

"Le brut seul ne répondra pas à nos besoins, nous avons également besoin d'autres produits (pétroliers) raffinés", a ajouté le ministre de l'Energie.

L'arrivée de ce pétrole sera une petite bouffée d'oxygène dans un pays épuisé par les pénuries et où les manifestations antigouvernementales ont dégénéré en émeutes au début du mois, faisant neuf morts et de nombreux blessés.

La manifestation permanente qui se tient devant le bureau du président Gotabaya Rajapaksa à Colombo, exigeant sa démission en raison de sa mauvaise gestion économique, est entrée dans son 50e jour samedi.

Un nouveau Premier ministre pour sortir le pays de la crise

Le Premier ministre sri-lankais Ranil Wickremesinghe s'est vu confier mercredi 25 mai le crucial ministère des Finances pour sortir le pays de la pire crise économique de son histoire.

Le bureau du président Gotabaya Rajapaksa a annoncé que M. Wickremesinghe avait prêté serment en tant que ministre des Finances, soit deux semaines après avoir été invité à former un "gouvernement d'union" à la suite de la démission de son prédécesseur Mahinda Rajapaksa.

FMI: pas de plan de sauvetage avant des mois

Les discussions avec le FMI se sont terminées mardi dernier, mais, selon les responsables de la Banque centrale du Sri Lanka, il faudra encore six mois avant de parvenir à accord sur un plan de sauvetage. Des consultants internationaux ont été dans la foulée nommés pour aider le pays à restructurer ses obligations souveraines internationales et d'autres prêts bilatéraux.

Aussi, M. Wickremesinghe devrait bientôt dévoiler un budget révisé promettant de soulager les Sri-Lankais les plus pauvres. En entrant en fonction le 12 mai, il avait exhorté la semaine précédente la population à "supporter patiemment les prochains mois": ils "seront les plus difficiles de nos vies", avait-il prévenu.

Jeudi, après sa longue mission d'étude, le Fonds monétaire international (FMI) a répété que l'octroi d'un programme d'aide au Sri Lanka, en crise économique, restait conditionné à la restructuration préalable de la dette du pays aujourd'hui insoutenable.

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"Etant donné que la dette publique du Sri Lanka est jugée insoutenable, l'approbation par le Conseil d'administration d'un programme (...) pour le Sri Lanka exigerait des garanties suffisantes que la viabilité de la dette est rétablie", a indiqué le FMI dans un communiqué publié à l'issue d'une longue mission.

Commentaires 4
à écrit le 30/05/2022 à 17:17
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Vite des sanctions contre le Sri Lanka! Il lui aurait fallu commander du pétrole "européen". Dans l'oreillette on me dit "pas de chance, l'UE a des idées (farfelues!) mais pas de pétrole!" 😂😂😂

à écrit le 30/05/2022 à 16:54
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Bon et les Tamouls dans tout ça ?

à écrit le 30/05/2022 à 15:55
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Tapez "Démographie Sri Lanka" dans votre moteur de recherche préféré, et vous aurez une idée de l'origine du problème

le 30/05/2022 à 17:29
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Si c'était que ça, le passage au bio-local à 100% est responsable de cette situation également, ils ont voulus faire la transition très rapidement, ce qui est dangereux pour un pays si peuplé, mal gérer, en retard sur les technologies et qui n'a pas ...

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