Boris Johnson appelle à cibler les réserves d'or russes "pour abréger la guerre" en Ukraine

Si les réserves en devises de la Russie sont bien bloquées dans divers pays, les sanctions instaurées par les Occidentaux n’ont en réalité que peu d’impact sur ses réserves en or. Ces dernières permettent ainsi à Moscou de financer la guerre qu’il mène en Ukraine depuis un mois. D’où l’appel du Premier ministre britannique d’empêcher la Russie de les utiliser, et augmenter ainsi « la pression » occidentale sur Vladimir Poutine. Londres a par ailleurs annoncé de nouvelles sanctions à l’encontre d’une cinquantaine d’entreprises et personnalités russes et bélarusses.
« Plus nous faisons pression maintenant, surtout sur des choses comme l'or, plus je pense que nous pourrons abréger la guerre, abréger le massacre en Ukraine », estime le Premier ministre britannique.
« Plus nous faisons pression maintenant, surtout sur des choses comme l'or, plus je pense que nous pourrons abréger la guerre, abréger le massacre en Ukraine », estime le Premier ministre britannique. (Crédits : POOL)

Accroître « la pression » sur la Russie en l'empêchant d'utiliser ses réserves d'or, voilà ce que préconise le Premier ministre britannique Boris Johnson. « Nous devons faire plus et nous devons faire plus sur le plan économique », a-t-il déclaré ce jeudi 24 mars à la radio LBC, un mois jour pour jour après le début de la guerre.

Les pays occidentaux ont appliqué au cours de ce mois de nombreuses sanctions visant des intérêts russes. Les réserves en devises russes sont bien bloquées dans plusieurs pays, mais pas celles concernant son or. Ces dernières sont en effet déposées dans les coffres de son institution monétaire, ce qui lui permet d'avoir des actifs pour soutenir son effort de guerre. « Pouvons-nous faire plus pour l'empêcher d'utiliser ses réserves d'or, en plus de ses réserves de devises ? », a interrogé Boris Johnson. Pour lui, il y a en effet « moyen pour le monde de continuer à intensifier la pression sur Poutine ». C'est d'ailleurs le message qu'il compte faire passer à l'Otan, un sommet extraordinaire étant prévu ce jour à Bruxelles.

« Plus nous faisons pression maintenant, surtout sur des choses comme l'or, plus je pense que nous pourrons abréger la guerre, abréger le massacre en Ukraine », estime le Premier ministre britannique.

Ce n'est pas la première fois depuis le début du conflit que la question de l'or revient sur la table. Mi-mars, un groupe bipartite de sénateurs américains, considérant que le métal jaune est passé au travers des premières sanctions internationales, avait présenté un projet de loi au Congrès américain imposant des sanctions contre les personnes qui seraient partie prenante d'opérations sur l'or de la Banque centrale russe.

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Un stock accentué depuis les sanctions de 2014

Selon le Conseil mondial de l'or, les réserves en or entreposées dans les coffres de la Banque centrale russe s'élèvent à 2.361,64 tonnes. Soit le cinquième volume le plus élevé derrière les États-Unis, l'Allemagne, la France et l'Italie.

Les modalités de la constitution de ce stock montrent que la Russie se préparait à l'éventualité de sanctions. En effet, si la Banque centrale russe a commencé à acheter régulièrement du métal jaune depuis 2008, après la crise financière mondiale, dont le stock stagnait autour de 500 tonnes, elle a intensifié ces acquisitions à partir de 2014, après les sanctions qui ont été imposées au pays après son annexion de la Crimée.

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« La Russie a acheté de l'or durant six ans jusqu'à mars 2020, pour un montant total de plus de 40 milliards de dollars, doublant ses réserves et devenant le plus gros pays acheteur durant cette période », expliquait récemment ​​Michael Haigh, qui dirige l'analyse des marchés des matières premières à la Société Générale. Selon l'expert, cela a été fait « pour réduire son exposition aux actifs en dollars. Les achats ont été suspendus lorsque le prix de l'or a atteint un record de plusieurs décennies au début de la pandémie. Les stocks d'or russes s'élevaient à plus de 2.000 tonnes à la fin de janvier, selon le Fonds monétaire international (FMI), représentant environ 20% du total des réserves de change de la Banque centrale russe ».

Aujourd'hui, ce stock d'or est évalué à quelque 140 milliards de dollars, et laisse au régime de Vladimir Poutine la possibilité d'en vendre pour subvenir à ses besoins, d'autant que le métal précieux est de plus en plus recherché. Moscou dispose au total de réserves de change qui s'élèvent à 630 milliards de dollars.

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Nouvelles sanctions contre des entités russes et bélarusses

Ce jeudi 24 mars, le gouvernement britannique a par ailleurs annoncé de nouvelles sanctions contre Moscou en réaction à l'invasion lancée en l'Ukraine. 59 personnalités et entreprises russes et six entités biélorusses sont ainsi concernées. Côté entreprises, se trouvent par exemple le géant russe des diamants Alrosa, le groupe privé de services militaires Wagner, ou celui de centrales hydroélectriques Rushydro.

La liste des personnalités visées s'allonge de son côté avec le fondateur de Tinkoff Bank, Oleg Tinkov, et l'influent patron de la première banque russe Sberbank, Guerman Gref, ainsi que Polina Kovaleva, fille de la maîtresse supposée du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, qui vit à londres et que des militants anti-corruption appelaient à sanctionner.

Evgeny Shvidler, ancien administrateur du groupe d'acier Evraz, est aussi sanctionné tout comme Galina Danilchenko qui a été installée comme maire de la ville ukrainienne de Melitopol par les forces russes qui l'occupent.

Au total, plus de 1.000 personnes et entités russes ont été placées sur la liste des cibles de sanctions britanniques, essentiellement depuis le début de l'invasion en Ukraine fin février.

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Ne pas revenir à des relations normales avec la Russie après la guerre

Le Premier ministre britannique ne démord pas de sa position dure face à Moscou. Le week-end dernier, lors d'un discours au congrès de son Parti conservateur, Boris Johnson avait prévenu qu' « essayer de normaliser de nouveau les relations avec Poutine après cela (ndlr : la guerre), comme nous l'avons fait en 2014, reviendrait à commettre exactement la même erreur », a déclaré Boris Johnson, en référence à l'annexion de la Crimée ukrainienne par la Russie. Pour lui, le moment est venu de « choisir entre la liberté et l'oppression ». Évoquant certains « qui disent que nous ferions mieux de nous accommoder de la tyrannie », le chef du gouvernement conservateur a estimé « qu'ils ont profondément tort ».

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Le Premier ministre britannique estime que Vladimir Poutine a envahi l'Ukraine car il se sentait menacé par la liberté et la démocratie en Ukraine « parce que dans la Russie de Poutine, vous êtes emprisonné pendant 15 ans simplement pour avoir qualifié une invasion d'invasion, et si vous vous opposez à Poutine lors d'une élection, vous êtes empoisonné ou abattu ». Il a déclaré que Vladimir Poutine était « terrifié par l'effet de ce modèle ukrainien sur lui et sur la Russie » et « totalement paniqué » à l'idée d'une révolution à Moscou.

Impossible de savoir pour le moment quelle position prendront les différents pays lorsque la guerre sera terminée. Les membres de l'Union européenne affichent pour le moment une grande unité face à la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine. Les dirigeants se retrouvent d'ailleurs ce jeudi 24 mars à Bruxelles. Outre un sommet de l'Otan, sont également prévus un sommet du G7 et un sommet de l'Union européenne, auquel le président américain est aussi convié.

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(Avec AFP)

Commentaires 9
à écrit le 22/04/2022 à 14:30
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nos dirigeants pédalent dans la choucroute. Des sanctions au blocus il n'y a qu'un pas... hors, le blocus est un acte de guerre selon le droit international. Par ailleurs, si les pays du monde refusent d'appliquer notre blocus (ce qui est largement l...

à écrit le 24/03/2022 à 18:04
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C'est la même histoire depuis des centaines d'années... les anglais ont toujours été des pirates, volant les richesses de ceux qui les découvraient ou les acquéraient.

à écrit le 24/03/2022 à 16:02
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Johnson sent la moutarde monter. Parce que l'or russe est négocié à Londres, quand il ne passe pas Londres. Et parce que la montée du cours de l'or aura participé à minimiser la débâcle avant et après le Brexit.

à écrit le 24/03/2022 à 15:12
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Johnson n'est pas crédible en redresseur de torts. La City, les Îles et les dominions britanniques sont connus pour constitués une chaîne de paradis fiscaux qui facilitent la corruption et le blanchiment de l'argent mafieux qu'il soit Russe ou autre....

à écrit le 24/03/2022 à 14:11
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Quelle belle idée pour provoquer toujours davantage les Russes et déclencher une guerre nucléaire...

à écrit le 24/03/2022 à 13:59
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La chine est le premier producteur mondial d'or (400T) et la Russie le 3eme (295T). Un "blocage" des réserves russes a-t-il un sens ?

à écrit le 24/03/2022 à 13:49
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Les sanctions servent surtout à donner une bonne image de nos hommes "d'Etat". il est acquis qu'aucun des pays mis au ban des nations n'est revenu dans le droit chemin. Il est évident que, face aux interdictions, il faut trouver des solutions de subs...

le 24/03/2022 à 14:19
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"mais par quoi le remplacer ?" par une dictature, là il n'y aura plus moyen de critiquer quoi que ce soit, tout contents ou morts. On chipote trop avec nos démocraties, nos élections, campagnes de blabla avant élections, que de temps et d'énergie per...

à écrit le 24/03/2022 à 13:42
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Il a raison , mais autre sujet, va t-on rendre l'argent aux oligarques ? Des mafieux qui ont volé aux russes des milliards , ce qui explique que ce pays ait une économie anémique.

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