Bourse : le plan de Pékin pour refaire briller les marchés financiers chinois

Pékin cherche à relancer les marchés financiers chinois en mettant en place des mesures soutien à hauteur de 278 milliards de dollars.
Maxime Heuze
Le président Xi Jinping accumule les mesures dédiées à l'assainissement des marchés financiers chinois.
Le président Xi Jinping accumule les mesures dédiées à l'assainissement des marchés financiers chinois. (Crédits : POOL)

Xi Jinping a décidé de faire un beau cadeau aux épargnants chinois, pour le Nouvel an chinois 2024. Selon Bloomberg, depuis mi-janvier, les autorités chinoises envisageraient de prendre des mesures à hauteur de 278 milliards de dollars pour soutenir leurs marchés financiers, via un fonds de stabilisation qui achèterait des actions via la place de Hongkong. Et le gouvernement a confirmé sa volonté de soutenir ses marchés mardi en injectant de nouveaux fonds dans ces derniers via son fonds étatique Huijin Investment. Derrière cet apport d'argent frais, Pékin souhaite aussi décourager les pratiques délétères pour la finance chinoise en annonçant, mercredi, le renvoi du responsable du régulateur de la Bourse (CSRC) et en rendant plus difficile la vente à découvert d'actions et les introductions en Bourse bancales.

Pourquoi un intérêt si soudain du gouvernement pour la santé financière du pays ? Hypothèse privilégiée par les analystes : Xi Jinping pourrait compter sur la finance pour donner un coup de fouet à son économie en berne. Et pour cause, « en 2024, les chiffres de croissance risquent d'être très mauvais. Et plus l'économie va se dégrader, plus le gouvernement aura la pression pour agir sur les leviers dont il dispose », analyse pour La Tribune, Bruno Vanier, président de Gemway AM, une société de gestion spécialisée dans les marchés émergents. Un point de vue confirmé par Arnaud Girod, chef économiste chez Kepler Cheuvreux. « Si le gouvernement ne se bouge pas davantage pour restaurer la confiance des consommateurs, il est difficile de voir comment le pays va atteindre les 5% de croissance qu'il vise en 2024 », affirme ce dernier.

Cette impulsion publique plaît, en tout cas, aux investisseurs. Avec ces annonces faites fin janvier et début février, « la semaine dernière, 7,3 milliards de dollars sont revenus sur les ETF qui traquent les actions chinoises », ajoute l'économiste de Kepler Cheuvreux. Un flux acheteur qui a fait grimper l'indice des Bourse de Shanghai et Schenzen (CSI 300) de 4,5% depuis le 1er février. Une bonne performance, qui n'est cependant, rien d'autre qu'un arbre cachant une forêt de débâcles boursières.

Les Bourses chinoises reviennent de loin

Pour la seule année 2023, le CSI 300 a perdu 18,5%, portant sa chute à 42% depuis le 10 février 2021. Une tendance constatée aussi sur l'indice de Hongkong (Hang Seng), qui a, lui, perdu 47% en trois ans, en fort contraste avec le S&P500 américain qui a gagné 13% sur la même période.

Une très mauvaise performance boursière, imputée en grande partie au gouvernement chinois qui « a pris des mesures allant à l'encontre de la profitabilité des entreprises », résume pour La Tribune Frank Benzimra, responsable de la stratégie Actions en Asie chez Société Générale. Le resserrement de la réglementation autour des géants de la technologie chinoise, qui s'est manifesté par le report de l'introduction de Ant group en novembre 2020 puis par l'arrestation du patron de sa maison mère Alibaba, Jack Ma, a été l'un des déclencheurs des problèmes pour les marchés chinois.

Mais ce sont les restrictions des critères d'octroi de prêts immobiliers, ordonné par Pékin à l'été 2020 -qui a plongé le pays dans une crise immobilière d'ampleur- ainsi que la mise en place de la politique zéro Covid, qui ont mis à l'arrêt l'économie entre 2021 et 2023... et fait s'effondrer les cours de Bourse.

Enfin, en toile de fond, la guerre économique entre les Etats-Unis et la Chine, alimentée depuis plusieurs années par des barrières commerciales sur les technologies stratégiques et des hausses de tarifs douaniers a fini de plomber la confiance des investisseurs dans les actions de l'ex-Empire du milieu.

Un rebond potentiel en 2024... de courte durée

Après cette période sombre pour la finance chinoise, le changement de positionnement des pouvoirs publics, dont le poids sur sa finance est colossal, pourrait donc redonner un souffle nouveau à la Bourse chinoise.

« Il y a une vraie possibilité de rebond en 2024 car il y a un fort pessimisme des investisseurs sur le marché chinois donc il suffirait de quelques bonnes surprises pour convaincre les investisseurs de revenir », avance Frank Benzimra.

Mais ce rebond potentiel pourrait néanmoins vite manquer de carburant et s'essouffler, au vu de la morosité de l'économie chinoise. Dans une récente étude Allianz trade affirme que « la Chine a véritablement besoin de nouveaux moteurs de croissance », pour remplacer son industrie immobilière effondrée, qui représentait 20% du PIB du pays avant la crise de 2020. Le gouvernement mise donc sur de nouvelles industries pour tirer son économie, à grand coup de subventions accordées, notamment, aux entreprises de batteries et de véhicules électriques dans l'optique de créer des géants qui inonderont le marché mondial.

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« Sur le long terme c'est intéressant mais, à court terme, ces géants vont entrer dans une guerre des prix qui n'est pas bonne pour la profitabilité des entreprises. Donc ce processus de rotation industrielle est susceptible de prendre quelques années », nuance cependant l'analyste de la Société Générale.

Une montagne de problèmes économiques à régler

Surtout, Pékin fait face à beaucoup d'autres problèmes économiques structurels comme l'inquiétante baisse de sa population et le risque de décrochage commercial à l'international. Alors que le pays tient sur ses très fortes exportations pour tenir debout, une étude du Boston Consulting Group publiée en janvier estime que les échanges entre la Chine et les Etats-Unis devraient être inférieurs de 197 milliards de dollars en 2032, par rapport à 2022, à cause des barrières commerciales mises en place entre les deux puissances.

« Il est donc difficile d'avoir une vision positive de l'économie chinoise sur les trois prochaines années », reconnaît Bruno Vanier de Gemway AM.

L'espoir pour l'économie et la finance chinoise demeure cependant grâce au potentiel de la consommation intérieure. « La population a un fort taux d'épargne qui pourrait se transformer en consommation si l'économie se stabilisait », pointe le gestionnaire d'actif qui table sur une hausse de cette dernière de l'ordre de 8 à 10% par an au cours des 10 prochaines années. Mais pour cela, « il va falloir que le gouvernement mette en place un véritable plan de relance avec une politique fiscale attractive et un encouragement à la consommation pour redonner confiance à la population », Frank Benzimra.

L'Inde, grand gagnant de l'effondrement des Bourses chinoises

L'essoufflement du marché chinois dénote radicalement avec la situation de son voisin indien. L'indice MSCI India a connu une année record avec 20% de hausse en 2023, se permettant même de dépasser la Bourse de Hongkong en atteignant plus de 4.400 milliards de dollars d'actifs. « L'Inde a bénéficié des sorties de capitaux de la Chine qui a provoqué un effet de vases communicants », analyse Bruno Vanier. Alors que Bombay représentait 8% du poids de la finance des pays émergents en 2021, il représente aujourd'hui 18% tandis que la Chine est passée d'un poids équivalent à 37% du marché en 2021 contre 25%.

Une success story qui pourrait bien avoir encore de beaux jours devant elle mais qu'il convient de nuancer. « La croissance est déjà intégrée aux cours et le marché indien est maintenant l'un des plus chers du monde », note Frank Benzimra de la Société Générale. Le marché indien reste aussi encore peu comparable avec celui de son voisin, « deux fois plus gros et dix fois plus liquide » rappelle Bruno Vanier qui estime que Bombay ne remplacera pas Pékin de si tôt.

Maxime Heuze
Commentaires 6
à écrit le 10/02/2024 à 14:03
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Déjà réduire les dépenses militaires qui montrent que le régime chinois n'est pas un régime "Ami" , mais un ennemi. Les occidentaux à commencer par la France devrait arrêter de courber le dos face au régime de Pékin

à écrit le 10/02/2024 à 7:12
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En fait le "miracle chinois" a tenu tant que les américains les subventionnaient.

à écrit le 09/02/2024 à 14:56
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Face aux 7 000 milliards de Sam Altman et Chat GpT il fait un peu rikiki le plan de Xi Jin Ping. S'il essaie de suivre il se retrouvera dans la situation de l'URSS face l'iDS de Reagan. Déjà que ça ne va pas fort chez lui, ça ne devrait pas s'arrang...

à écrit le 09/02/2024 à 13:43
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Un état qui manipule les cours a travers ses actions etatiques à la bourse .. il n y a qu un pays autoritaire et / ou communiste pour faire cela .. en Occident c est impossible et nos décideurs et agents economico- financiers crieraient au scandale...

à écrit le 09/02/2024 à 13:18
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 09/02/2024 à 12:58
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