Depuis un an, le gouvernement canadien a à cœur de protéger son secteur de la recherche. Et il l'a de nouveau démontré ce mardi 16 janvier.
« La recherche canadienne est au premier plan de nombreuses découvertes. Mais cette ouverture en fait une cible pour l'influence étrangère », a déclaré le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie François-Philippe Champagne dans un communiqué. « Cela augmente les risques que les efforts de recherche-développement fassent l'objet d'une appropriation illicite, au détriment de la sécurité nationale », ajoute-t-il.
C'est pourquoi le gouvernement se réserve le droit de bloquer certaines demandes de subvention dans des secteurs en particulier. Onze, plus précisément, parmi lesquels ceux liés à la cybersécurité, au stockage de données, aux armes de pointe, à la robotique, à la science quantique, la biotechnologie ou encore à la fabrication de matières essentielles comme le lithium.
103 structures dans le viseur canadien
Concrètement, le gouvernement canadien refusera d'octroyer des subventions aux chercheurs canadiens pour leurs recherches dans ces domaines, si elles sont menées en partenariat avec certaines entités. 103 sont dans son viseur car, selon lui, elles présentent des risques pour la sécurité nationale. Parmi elles figurent des universités étrangères, la grande majorité provenant de Chine, une dizaine provenant d'Iran et plusieurs de Russie.
Cette nouvelle politique « n'entrera en vigueur qu'au printemps 2024 » mais le gouvernement canadien pourrait « déjà prendre en compte les affiliations de recherche dans ses décisions relatives au financement de la recherche », a indiqué François-Philippe Champagne.
L'interdiction pourrait affecter des milliers de demandes de financement de la recherche présentées par des universités et autres établissements, à l'instar des Instituts de recherche en santé du Canada, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada ou encore du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Ce n'est toutefois pas une nouveauté. Le gouvernement canadien avait déjà annoncé cette mesure en février 2023. Une décision prise à la suite d'une enquête du journal le Globe and Mail, dévoilant une collaboration étroite entre des chercheurs de 50 universités canadiennes qui auraient publié des recherches conjointes avec des scientifiques liés à l'armée chinoise, entre 2005 et 2022. Et à l'automne 2022, la police canadienne avait arrêté un ancien chercheur de la compagnie d'électricité Hydro-Québec pour espionnage industriel au profit de la Chine, une première au Canada. Ce chercheur aurait publié des articles scientifiques et brevets pour le compte d'une université ainsi que des centres de recherche chinois à l'insu de son employeur, entre février 2018 et octobre 2022.
La Chine fulmine
Cette décision ne plaît en tout cas pas à la Chine. L'ambassade de Pékin à Ottawa a réagi ce mercredi en déclarant avoir protesté « sévèrement » auprès des autorités canadiennes au sujet de ces restrictions. « La partie canadienne utilise des risques infondés pour la sécurité nationale comme excuse pour politiser les échanges et la coopération technologiques normaux », a répliqué l'ambassade dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, soulignant que Pékin s'opposait « fermement » aux restrictions.
« Nous demandons instamment au Canada de cesser d'utiliser de tels outils pour surveiller et réprimer les institutions universitaires chinoises, et de créer un environnement propice à un écosystème de coopération scientifique internationale libre et ouvert. Dans le cas contraire, il ne fera que se nuire à lui-même et aux autres », ajoute le communiqué.
De quoi ajouter des tensions aux relations déjà tendues entre le Canada et la Chine. Celles-ci se sont fortement dégradées ces dernières années, notamment après l'arrestation par le Canada à la demande des États-Unis de la directrice financière de Huawei Meng Wanzhou en 2018. Depuis, Pékin reproche notamment à Ottawa son alignement sur la politique chinoise de Washington tandis que les autorités canadiennes soupçonnent la Chine de s'immiscer dans ses affaires publiques.
(Avec AFP)