Hydrocarbures : le Canada veut réduire d'ici à 2030 ses émissions sous les niveaux de 2019

Le Canada a publié jeudi les détails de son plan visant à plafonner, à partir de 2026, les émissions de son secteur pétrolier et gazier. L'échéancier est toutefois fortement critiqué par les écologistes.
Selon un rapport, les émissions canadiennes « sont considérablement plus élevées qu'elles ne l'étaient en 1990 » (Photo d'illustration du pipeline Trans Mountain au Canada).
Selon un rapport, les émissions canadiennes « sont considérablement plus élevées qu'elles ne l'étaient en 1990 » (Photo d'illustration du pipeline Trans Mountain au Canada). (Crédits : Reuters)

Mauvais élève de la décarbonation, le Canada cherche à remonter dans le classement. Quatrième producteur mondial de pétrole, le pays, qui a présenté jeudi le plan de réduction de ses émissions de son secteur des hydrocarbures, prévoit de faire baisser d'ici à 2030 les émissions de son secteur le plus polluant de 35 à 38% sous les niveaux de 2019. L'objectif est toutefois inférieur à ce qui était initialement prévu pour une industrie responsable de près d'un tiers des émissions canadiennes - ce qui n'inclut pas celles liées à la consommation finale de ces hydrocarbures.

Lire aussiDécarbonation : le Canada n'atteindra pas ses objectifs d'ici 2030

« Un sérieux retard »

Compte tenu des politiques mises en place actuellement, un rapport publié début novembre estimait que le pays ne pourrait réduire ses émissions que de 36% sous le niveau de 2005 d'ici 2030, contre les 40 à 45%, auxquels il s'est engagé l'an dernier. Un sérieux retard provenant surtout d'un manque de moyens publics dégagés, selon le texte. Le commissaire à l'environnement Jerry DeMarco attribuait alors ce déficit, en premier lieu, à des retards dans l'implémentation de certaines mesures climatiques comme le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier et les nouvelles réglementations sur les carburants décrits comme « propres ».

La modélisation climatique du gouvernement a aussi été vivement critiquée, notant qu'elle incluait des « hypothèses trop optimistes », une « analyse limitée des incertitudes ainsi que l'absence d'examen par les pairs ». Enfin, Jerry DeMarco a souligné le manque de contrôle du ministre de l'Environnement Steven Guilbeault dans l'application des politiques de réductions des émissions, actuellement partagées par plusieurs organisations fédérales.

« Je suis tout à fait d'accord avec le commissaire, on doit faire plus, on doit aller plus vite en matière de lutte au changement climatique », a reconnu ce dernier, en conférence de presse, ajoutant qu'Ottawa comptait mettre en œuvre les recommandations du rapport.

Les émissions canadiennes « sont considérablement plus élevées qu'elles ne l'étaient en 1990 », ajoute le rapport qui a été devancé d'un an compte tenu du « besoin urgent de réductions rapides et importantes des émissions ».

Un secteur qui doit rester « concurrentiel dans le marché mondial »

 « Aucun secteur de l'économie ne devrait être autorisé à polluer sans qu'une limite ne lui soit imposée », a de nouveau souligné cette semaine le ministre de l'Environnement. Signe des difficultés de l'exécutif, il avait ajouté vouloir s'assurer « que le secteur reste concurrentiel dans le marché mondial ». Le gouvernement fédéral va ainsi permettre aux entreprises d'échanger des crédits carbones pour atteindre ces objectifs et il prévoit également une certaine souplesse, a-t-il complété depuis Dubaï où il prend part à la COP28. Certains producteurs pourront ainsi dépasser le seuil et émettre des émissions de 20 à 23% inférieures à celles de 2019.

Lire aussiCOP 28 : comment la crise climatique chamboule le travail des économistes

Le mécanisme s'appliquera aux producteurs de pétrole et de gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi qu'aux secteurs en amont qui « génèrent la majorité des émissions », souligne le gouvernement. Le volume de production d'hydrocarbures ne fait cependant pas l'objet de limites de la part du gouvernement fédéral.

La province de l'Alberta, principale productrice de pétrole, et plusieurs associations représentant l'industrie ont qualifié le cadre d'inutile et inacceptable. A terme, « ce système pourrait entraîner d'importantes réductions dans la production de pétrole », a souligné Lisa Baiton, présidente de l'Association canadienne des producteurs pétroliers.

« Les Canadiens et le monde ne peuvent attendre trois années »

Les groupes de défense de l'environnement ont salué le plafonnement. Ils ont toutefois déploré sa mise en œuvre tardive (prévue pour 2026, une fois les consultations effectuées) et le fait qu'il « comporte trop d'échappatoires », notamment les crédits compensatoires, dénonce l'ONG Equiterre.

« Les Canadiens et le monde ne peuvent attendre trois années supplémentaires de chaos et de destruction de la part de l'industrie des énergies fossiles », a pour sa part asséné Caroline Brouillette, directrice générale de Réseau Action Climat Canada.

A l'occasion de la COP28, plusieurs pays en développement ont dénoncé « l'hypocrisie » des pays riches, Etats-Unis et Canada en tête, qui ne donnent pas assez l'exemple sur la sortie des énergies fossiles, mais voudraient que les pays pauvres interdisent les hydrocarbures. Par ailleurs, le Canada fait partie de la vingtaine de pays qui ont appelé samedi, dans une déclaration commune à la COP28, à tripler les capacités de l'énergie nucléaire dans le monde d'ici 2050, par rapport à 2020, pour réduire la dépendance au charbon et au gaz.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.