Chine  : un net tassement de la croissance attendu au premier trimestre

La Chine doit annoncer mardi un net tassement de la croissance au premier trimestre, au moment où une crise de l'immobilier exacerbée par une consommation sans tonus pénalise l'activité sur fond d'incertitudes économiques.
Les exportations de la Chine, historiquement un levier de croissance et qui ont un impact direct sur l'emploi, se sont affichées en mars en repli sur un an (-7,5%).
Les exportations de la Chine, historiquement un levier de croissance et qui ont un impact direct sur l'emploi, se sont affichées en mars en repli sur un an (-7,5%). (Crédits : ALY SONG)

La Chine a bien du mal à reprendre sa marche en avant. Et pour cause, alors que les chiffres officiels de la croissance sont attendus mardi, un groupe d'expert interrogés par l'AFP estime que son produit intérieur brut (PIB) ne devrait augmenter, entre janvier et mars, que de 4,6% sur un an en moyenne. Il s'agirait du rythme trimestriel le plus lent depuis le début de la publication de ces données il y a plus de 30 ans, et hors période de pandémie - durant laquelle l'activité en Chine était perturbée.

En outre, cette performance serait largement inférieure à l'objectif « d'environ 5% » fixé pour cette année par le gouvernement et à celle du trimestre précédent (+5,2%).

Fitch a abaissé à négative la perspective du crédit souverain de la Chine

Mercredi dernier, l'agence de notation Fitch a abaissé à négative la perspective du crédit souverain de la Chine. « La révision des perspectives reflète les risques croissants qui pèsent sur les finances publiques de la Chine alors que le pays est confronté à des perspectives économiques plus incertaines », a-t-elle ainsi justifié. Le ralentissement prévu de la croissance économique « exacerbe les difficultés à gérer l'effet de levier élevé dans l'ensemble de l'économie », a-t-elle ajouté.

Une annonce qui n'a pas manqué de faire réagir Pékin. « Il est regrettable de voir Fitch abaisser sa perspective sur la note de crédit souveraine de la Chine » a ainsi réagi le ministère chinois des Finances dans un communiqué, estimant que « les résultats montrent que le système d'indicateurs de la méthodologie de notation du crédit souverain de Fitch n'a pas réussi à refléter de manière efficace et proactive les efforts déployés par Pékin pour promouvoir la croissance économique. »

 Des efforts qui n'ont pas entraîné le rebond tant attendu après la levée des restrictions sanitaires contre le Covid-19. La reprise bute notamment sur une confiance morose des ménages et des entreprises dans un contexte d'incertitudes, ce qui pénalise la consommation. « Le manque de demande intérieure reste un frein » à la croissance en dépit d'une amélioration sur le front de la production industrielle, indique à l'AFP Heron Lim, analyste pour l'agence de notation Moody's. La reprise est disparate avec des secteurs qui en bénéficient comme les services, portés par le retour des clients dans les restaurants, les transports et les lieux touristiques. Mais d'autres restent à la peine, notamment l'industrie, en raison d'une faible demande intérieure et à l'international.

Les exportations dans le rouge

En outre, les exportations de la Chine, historiquement un levier de croissance et qui ont un impact direct sur l'emploi, se sont affichées en mars en repli sur un an (-7,5%), selon des chiffres publiés vendredi par les Douanes chinoises. Les importations sont aussi dans le rouge, avec une baisse de 1,9% sur un an. Ces chiffres sont moins bons que ce que prévoyaient les analystes interrogés par l'agence Bloomberg, qui tablaient sur une baisse des exportations de 1,9% et une hausse des importations de 1%.

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La chute des exportations est « largement due au fait qu'il y avait deux jours ouvrés de moins en mars cette année, par rapport à mars l'année dernière » a néanmoins commenté l'économiste Zhiwei Zhang, du cabinet Pinpoint Asset Management. Mais sur l'ensemble du trimestre, la comparaison est plus flatteuse, souligne-t-il, avec un premier trimestre en hausse de 1,5% sur un an, contre un rythme de -1,2% au dernier trimestre 2023. La menace de récession en Europe, combinée à une inflation élevée, a contribué à affaiblir la demande internationale en produits chinois. Les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis et la volonté de certains pays occidentaux de réduire leur dépendance à la Chine ou de diversifier leurs chaînes d'approvisionnement expliquent également ces difficultés.

Un autre géant de l'immobilier dans la tourmente

Par ailleurs, une crise inédite dans l'immobilier et les déboires de grands groupes alimentent la défiance dans un secteur qui a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine. Ainsi, Fitch a abaissé vendredi la note de crédit de Vanke, un des principaux promoteurs immobiliers chinois. L'agence a dégradé de « BBB » à « BB+ » la note de Vanke, expliquant sa décision par les « performances commerciales affaiblies » du groupe et des difficultés d'accès au financement. Après Evergrande et Country Garden, il est le dernier grand nom de l'immobilier en Chine rattrapé par la crise. « Les acheteurs de logements restent très réticents » souligne l'analyste Gene Ma, de l'Institut de la finance internationale (IIF). D'autant que la baisse des prix du mètre carré fait perdre un intérêt à investir dans la pierre.

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La Chine est toujours confrontée au risque de déflation

Autre défi à relever pour la Chine : la déflation. Le pays en est sorti en février pour la première fois en six mois. Mais la hausse des prix a été quasi nulle en mars (+0,1% sur un an) à rebours des principales économies qui ont encore vu les prix s'envoler, selon les chiffres officiels. Elle est inférieure aux attentes des analystes interrogés par l'agence Bloomberg, qui prévoyaient 0,4%.

« Cela indique que la Chine est toujours confrontée au risque de déflation, car la demande intérieure reste faible », observe l'économiste Zhiwei Zhang, du cabinet Pinpoint Asset Management, notant que « le ralentissement du secteur immobilier s'est poursuivi en mars » et que « les dépenses budgétaires ont été faibles depuis le début de l'année ».

Selon le Bureau national des statistiques (BNS), les prix de l'alimentation, du tabac et de l'alcool sont encore en baisse, de 1,4% sur un an, mais d'autres catégories de produits affichent une hausse, notamment dans l'éducation, la culture et les divertissements (+1,8%), les services (+2,7%) et l'habillement (+1,6%). La Chine avait basculé en déflation en juillet 2023, pour la première fois depuis 2021. Après un bref rebond en août, les prix n'avaient cessé de baisser entre septembre et janvier.

Malgré la conjoncture, le gouvernement devrait « probablement parvenir » à son objectif de croissance « d'environ 5% » cette année, estiment dans une note des économistes de la banque d'affaires Goldman Sachs. En 2023, le PIB de la Chine avait cru de 5,2%. Ce rythme, qui ferait bien des envieux dans la plupart des grandes économies, n'en reste pas moins le plus faible pour le pays depuis 1990 (3,9%), hors période Covid.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 15/04/2024 à 10:55
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Pour limiter les ambitions de la Chine, c'est la seule méthode : Taper au porte-feuille. Sans exportations en UE et US la Chine stagnera, regressera, ce qui entraînera un mécontentement intérieur , une répression massive et possiblement un effondre...

à écrit le 15/04/2024 à 10:04
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

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