Climat : la COP28 conforte la stratégie des groupes pétrogaziers

L’accord de la COP28, qui appelle à une suppression progressive des énergies fossiles à l’issue d’épineuses négociations, a largement été salué par la communauté internationale. Mais c’est aussi un texte de compromis qui reconnaît le rôle du gaz comme une énergie de transition… Or, il s’agit là d’un élément de langage classique des entreprises pétrogazières pour justifier leurs nouveaux investissements dans ce combustible fossile. De fait, si le gaz apparaît indispensable pour le développement de l’Afrique notamment, cette formulation dans un texte international risque d’ouvrir la porte à certains abus.
TotalEnergies a salué l'accord trouvé à Dubaï à la COP28 qui trace la voie de l'abandon progressif des énergies fossiles. Pour le groupe pétro-gazier, le texte conforte sa « stratégie de transition », notamment dans le gaz.
TotalEnergies a salué l'accord trouvé à Dubaï à la COP28 qui trace la voie de l'abandon progressif des énergies fossiles. Pour le groupe pétro-gazier, le texte conforte sa « stratégie de transition », notamment dans le gaz. (Crédits : Reuters)

Comment l'accord décroché à la COP28 de Dubaï peut-il être à la fois une victoire pour « le climat », selon les termes du gouvernement français, et pour la major pétrogazière TotalEnergies ? Alors que le ministère de la Transition énergétique s'est félicité mercredi d'une « avancée historique » et d'un « langage très fort sur la sortie des énergies fossiles », l'énergéticien a en effet « salué » un texte « confort[ant] sa stratégie »...laquelle consiste, en grande partie, à accélérer dans le gaz fossile.

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Autre signal troublant : l'Alliance des petits Etats insulaires, qui figurent parmi les premières victimes du dérèglement climatique, a dénoncé mercredi un « manque d'ambition » et un « langage faible » sur les combustibles fossiles. La petite île du Pacifique Samoa affirmant même, sous les applaudissements, que « le processus a[vait] échoué ».

Une référence tacite au gaz naturel

Pourtant, l'accord final s'avère plus ambitieux que la version présentée lundi soir par la présidence émiratie et rejetée en bloc par l'Union européenne. Après une nuit de négociations intenses, l'appel à « réduire la production et la consommation d'énergies fossiles » s'est en effet changé en volonté de « transitionner hors » de ces combustibles (« transitioning away »), en « accélérant l'action dans cette décennie cruciale afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ». Soit une formulation plus engageante que la précédente, selon le ministère de la Transition énergétique, mais qui évite en même temps de recourir au terme de « sortie » de ces énergies (« phase out »), celui-ci faisant office de ligne rouge pour certains États pétroliers.

Il n'empêche : comme tout compromis, cette avancée ne vient pas sans contrepartie. Car dans un nouveau paragraphe, le texte « reconnaît que les carburants de transition peuvent jouer un rôle en facilitant la transition énergétique tout en garantissant la sécurité énergétique ». Une référence tacite au gaz, cet hydrocarbure moins émetteur de gaz à effet de serre que le charbon. Or, il s'agit là d'un élément de langage classique des entreprises pétrogazières pour justifier leurs nouveaux investissements dans ce combustible fossile, d'ADNOC à Shell en passant par TotalEnergies. Ce dernier « note » d'ailleurs « avec intérêt » la « mention dans l'accord de l'utilité des transition fuels comme le gaz », affirme un porte-parole à La Tribune.

« C'est une distraction dangereuse », réagit-on au WWF. « Les vrais gagnants du nouveau projet de texte sont les producteurs de combustibles fossiles qui continuent de qualifier de « gaz » le combustible de transition », estime même Vibhuti Garg, directeur de l'Asie du Sud au sein du groupe de réflexion IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis). Pour le ministère de la Transition énergétique cependant, l'idée est d'être « pragmatique », ce qui ne remet pas en cause la « cohérence » du texte au global.

Le gaz naturel, indispensable pour l'économie africaine

Le gaz naturel présente toutefois un intérêt dans certaines régions du monde. « La fin des énergies fossiles pour le développement de certains pays africains posent une vraie difficulté », pointe ainsi Thibaud Voïta, chercheur associé au Centre Énergie et Climat de l'Institut français des relations internationales (Ifri), alors que quelque 600 millions de personnes, soit 43% de la population totale du continent, n'ont toujours pas accès à l'électricité.

« L'Agence internationale de l'énergie (AIE) reconnaît ainsi que l'accès à l'énergie dans la plupart des pays africains ne pourra se faire que par le gaz naturel », rappelle le spécialiste.

Dans son scénario pour une Afrique durable (SAS), qui vise à instaurer un accès universel aux services énergétiques à l'horizon 2030, l'AIE table donc sur une augmentation de la demande de gaz naturel.

Elle estime même que l'industrialisation de l'Afrique reposera « en partie sur une utilisation accrue » de ce combustible fossile. « Plus de 5.000 milliards de mètres cubes de ressources en gaz naturel ont été découverts à ce jour en Afrique, mais leur exploitation n'a pas encore été approuvée. Ces ressources pourraient fournir 90 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires par an d'ici à 2030, ce qui pourrait bien être vital pour les industries des engrais, de l'acier et du ciment, ainsi que pour le dessalement de l'eau », développe l'agence. Les émissions de CO2 liées à l'utilisation de ces ressources gazières au cours des 30 prochaines années, ajoutées aux émissions actuelles de l'Afrique, porteraient la part du continent dans les émissions mondiales « à seulement 3,5 % », précise l'AIE.

Des risques d'abus

Reste que la formulation dans l'accord de la COP28, « peut ouvrir la porte à des abus, en dehors de l'utilisation du gaz naturel faite en Afrique », anticipe Thibaud Voïta. De fait, la reconnaissance du gaz naturel comme énergie de transition peut être perçue comme un signal et encourager d'autres pays, comme la Russie, ou même des entreprises à miser davantage sur cette ressource. A l'image de TotalEnergies, dont la stratégie de transition consiste justement à pivoter du pétrole vers le gaz, et notamment le gaz naturel liquéfié (GNL), dont la production doit augmenter de 40% entre 2021 et 2030.

« Dans nos scénarios [d'évolution du mix énergétique mondial, ndlr] le gaz naturel joue un rôle important car il est immédiatement substituable au charbon et il est deux fois moins émetteur de CO2 », expliquait encore récemment Patrick Pouyanné, le patron de la major pétro-gazière.

Si, pour ses défenseurs, le gaz naturel doit jouer un rôle clé dans le remplacement des centrales à charbon, l'accord de la COP28 reste sur ce point décevant. Il mentionne uniquement l'objectif « d'accélérer les efforts en vue de la diminution progressive de l'électricité produite à partir de charbon » non associée à des techniques de captage de carbone, sans fixer de calendrier précis. Nous n'avons pas « progressé par rapport à la COP de Glasgow », déplore-t-on dans l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique.

Surtout, le texte n'entérine aucun objectif ambitieux sur la réduction des émissions de méthane, à l'effet réchauffant 80 fois plus puissant que le CO2 sur une échelle de vingt ans. Le secteur gazier reste pourtant à l'origine d'une grande partie des rejets de cet hydrocarbure, en raison de fuites lors de sa production, son transport et sa distribution.

Lire aussiUn an après l'accord sur le méthane à la COP26, les émissions de ce gaz à effet de serre crèvent le plafond

Commentaires 14
à écrit le 14/12/2023 à 14:42
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A Dossier 51 , A noter que la France ne compte que pour 0,8% de la pollution mondiale , et la CEE , 5% du CO2 mondial, mais de concert ,mettent à genou leur population avec des normes( et taxes ) iniques ,sans le moindre effet pour la planète !...P...

le 15/12/2023 à 10:42
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"A noter que la France ne compte que pour 0,8% de la pollution mondiale" Et le lien il est où ? Tu vois toujours pas que je m'en tape des clans, des partis, des groupes d'intérêts, des pensées uniquement subjectives ? Seule la réflexion me motive et ...

le 15/12/2023 à 11:27
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Ben j'ai pas le droit dé répondre même quand on s'adresse directement à moi mais vu mon niveau par rapport aux vôtres les gars je comprends, il me faut plusieurs tonnes d'handicap pour pas vous pulvériser en un mot c'est clair mais c'est vraiment pén...

le 15/12/2023 à 11:27
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Perdo c'est le nom de mon ordinateur.

le 15/12/2023 à 11:27
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Pedro c'est le nom de mon ordinateur.

le 15/12/2023 à 11:38
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Pardon, puisque vous me le validez autant être précis, Pedro c'est le nom d'utilisateur avec lequel je me connecte sur l'ordinateur, a savoir le truc qui n 'a pas à être connu de qui que ce soit d'autre que moi. Voilà, voilà... :-)

à écrit le 14/12/2023 à 5:40
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Les escrocs , affairistes , commerçants verts vont devoir patienter, leur entreprise dé démolition ne va pas aller aussi vite qu'ils le souhaitent, c'est tout.. Le climat ,lui , continuera a faire ce qu'il veut.

le 14/12/2023 à 8:18
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C'est vrai que le lobby pétrolier est clean lui, tandis qu'il y a peu il générait des guerres un eu partout dans le monde pour en avoir toujours plus. LOL ! Les méchants verts contre les gentils pétroliers ! Tu es un comique donc, merci ça fait du bi...

le 15/12/2023 à 11:28
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Pedro c'est le nom de l’ordinateur que j'utilise pour commenter ici.

à écrit le 14/12/2023 à 0:10
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Le pétrole sera extrait et consomme jusqu'à la dernière goutte, le gaz jusqu'à la dernière molécule et idem pour le charbon. Les pays pauvres ou "en voie de développement "(sic!) ne pourront pas, voire jamais, se passer des énergies fossiles. Les CO...

le 14/12/2023 à 6:36
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D'accord avec vous, sauf que les pays riches sont très peuplés, raison pour laquelle l'immobilier y est si cher

à écrit le 13/12/2023 à 22:13
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Les groupes pétrogaziers ont le fric pour la transition énergétique, et ils y travaillent, même si ce n'est pas autant qu'on le voudrait. Tant pis pour les dogmatiques de ce qui est devenu une nouvelle religion : n plus de ses grands prêtres qui pré...

à écrit le 13/12/2023 à 21:55
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Ne faites pas semblant d'y croire, "certains abus", c'est peu de le dire. La lutte contre le réchauffement climatique est morte et enterrée

le 14/12/2023 à 4:44
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Et c'est une bonne nouvelle. Le monde entier veut consommer voyager se chauffer se rafraichir etc. Les COP sont inutiles. Et la France de Mr Macron qui se réjouit du développement du nucléaire alors qu'elle est incapable de construire un EPR qui f...

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