Covid-19 : la triple peine pour les économies asiatiques

Paralysée en février par l'épidémie, l'économie chinoise a essuyé une contraction historique du PIB de 6,8% au premier trimestre. Dans son sillage, ses voisins asiatiques ont également connu une violente chute de leur activité. En Asie orientale, les économies ont redémarré progressivement mais restent freinées par la paralysie qui frappe désormais l'Europe et les Etats-Unis. Les craintes d'une nouvelle contagion refont surface avec le retour des voyageurs.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

La propagation du coronavirus sur l'ensemble des continents multiplie les effets directs et indirects sur les économies. Dans une note confidentielle de l'assureur-crédit Coface consultée par La Tribune, les auteurs rappellent que de nombreux pays asiatiques sont fortement exposés à la fermeture des frontières en Europe et aux Etats-Unis. Dans leurs dernières prévisions, les économistes du Fonds monétaire international (FMI) estiment que les pays de la zone Asean, c'est-à-dire l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam pourraient connaître une récession violente cette année avec un PIB en recul de - 1% pour 2020, après 4,8% en 2019.

Certains pays, souvent cités en exemple dans leur gestion de la crise comme Singapour, Taïwan ou la Corée du Sud, devraient pâtir du commerce mondial en berne. Outre la perturbation des chaînes de production et des chaînes d'approvisionnement, la diffusion progressive de cette maladie infectieuse risque de provoquer une fermeture prolongée des débouchés commerciaux sur plusieurs mois, voire plusieurs années pour "les tigres asiatiques". La remise en cause de la mondialisation et la nécessaire prise en compte des enjeux climatiques dans la stratégie des Etats et des entreprises pourraient plonger ces pays dans un régime de croissance au ralenti.

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1-Des pays fortement exposés aux fermetures des frontières

La multiplication des foyers d'épidémie a provoqué un coup d'arrêt violent dans l'industrie et les services asiatiques. Les indices PMI des directeurs d'achats ont montré un effondrement de l'activité d'abord en Chine en février, puis dans les autres pays de la région au mois de mars comme le Vietnam, la Thaïlande ou la Malaisie. Ces pays dépendent fortement du commerce extérieur et des échanges mondiaux. Selon des calculs de l'assureur crédit Coface, des économies comme le Vietnam, Hong-Kong ou Singapour sont en première ligne. Le poids des exportations vers l'Union européenne et les Etats-Unis dans le produit intérieur brut de ces pays peut avoisiner les 30% (en 2018). Ce qui signifie qu'un prolongement d'une fermeture des frontières en Europe et aux Etats-Unis auraient des effets désastreux sur l'appareil exportateur asiatique. En outre, le FMI prévoit une chute brutale du volume des échanges de biens et services de 11% en 2020 à l'échelle de la planète.

2-Une reprise poussive de la croissance chinoise

La Chine, véritable moteur de l'économie du continent, connaît une baisse violente de son activité. Les économistes du FMI anticipent un fort ralentissement du PIB à 1,2% cette année contre +6,1% l'année dernière dans leurs dernières projections. Même si les usines ont redémarré leur activité, elles sont loin de tourner à plein régime.

En Chine, la plupart des entreprises ont repris le travail même si elles ne fonctionnent pas avec toutes leurs capacités. Pour l'instant, l'économie chinoise n'a pas non plus besoin de toutes ses capacités. Le grand défi des entreprises chinoises est de trouver le rythme adapté pour répondre à la faible demande interne et externe" explique Julien Marcilly, économiste en chef de Coface interrogé par La Tribune.

Du côté de la demande, les indicateurs ne sont pas non plus au vert. "En Chine, les entreprises se sont remises rapidement à produire mais la consommation des ménages reste atone. Les consommateurs chinois restent très prudents. Ils privilégient l'épargne de précaution. La reprise de l'économie chinoise devrait être plutôt lente" ajoute M.Marcilly. "Après avoir été confrontée à des problèmes d'offre, l'économie chinoise doit donc résoudre des problèmes de demande. Beaucoup de ménages ont connu une baisse de leur pouvoir d'achat avec la perte de revenus. La consommation des ménages se fait à un rythme très graduel. Pourtant, la consommation est déterminante au moment de la reprise" ajoute-t-il.

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3-Les risques d'une seconde vague

A ce stade, il est encore difficile de mesurer l'ampleur des dégâts même si l'épidémie a débuté en Asie. Les craintes d'une seconde vague de contagion dans certains pays se multiplient. "Pour l'instant, il existe peu de nouveaux cas. Il s'agit surtout de personnes qui ont importé le virus lors de leur retour en Chine ou dans d'autres Etats asiatiques. Cette recrudescence a souvent lieu dans des zones urbaines avec de très fortes densités de population et des revenus modestes", affirme Julien Marcilly.

A partir de la mi-mars, Singapour a connu une seconde vague de contagion. Dans une note rendue publique récemment, l'institut Montaigne explique que 80% des cas confirmés sont importés. "Les passagers en séjour court se voient interdire l'entrée ou le transit. Le ministère de la Santé décrit cette mesure comme venant «garantir la conservation des ressources et l'orientation de l'attention médicale sur les Singapouriens" indiquent les auteurs du document. Chez Coface, les économistes rappellent que "Singapour a imposé des mesures de distanciation sociale plus restrictives après la découverte d'un nouveau cluster dans un dortoir de  travailleurs, tandis que la Thaïlande a déclaré l'état d'urgence le 27 mars".

Des leçons pour l'Europe

Plusieurs pays en Europe ont déjà entamé leur déconfinement depuis quelques jours. Au Danemark relativement peu touché par l'épidémie par rapport à ses voisins, les écoles maternelles et primaires ont repris les cours la semaine dernière. De son côté, l'Autriche a permis la réouverture prudente de ses petits commerces et jardins publics. Jugeant la pandémie de coronavirus "sous contrôle", l'Allemagne a débuté lundi son déconfinement dans une Europe encore sous le choc des morts et des hospitalisations par milliers. A ce stade, le continent européen a payé le plus lourd tribut, comptabilisant près des deux tiers des 165.216 morts recensés dans le monde lundi à la mi-journée.

En France, le chef de l'Etat, Emmanuel Macron a annoncé un déconfinement à partir du 11 mai en laissant la place à divers scénarios. Pour beaucoup d'économistes, le scénario en W, avec une nouvelle chute de l'activité après un rebond, pourrait plonger l'économie dans une lente asphyxie. Sur le plan commercial, une ouverture prématurée des frontières pour accélérer les échanges des personnes et des biens pourraient faciliter à nouveau les chaînes de transmission d'un virus très contagieux. La stratégie économique des Etats européens se révèle délicate à un moment où certaines économies asiatiques semblent affronter un nouveau ralentissement de leur activité.

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Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 07/07/2020 à 4:37
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Fort Detrick in the United States has indeed brought disaster to the world

à écrit le 22/04/2020 à 17:42
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J'habite dans la région, les monnaies (mise à part la Roupie Indonesienne) pour l'instant tiennent bien le choc à comparer de 2008...

à écrit le 22/04/2020 à 8:45
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Les failles de la mondialisation, telle que nos dragons célestes l'ont exploité, deviennent béantes.

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