Élections cruciales aux îles Salomon, courtisées par la Chine et les Occidentaux

Les électeurs des îles Salomon se rendront aux urnes ce mercredi pour les élections législatives. Un scrutin qui sera observé de près pour son impact attendu sur la situation sécuritaire dans le Pacifique. L'archipel est en effet au cœur d'une bataille diplomatique intense opposant la Chine aux puissances occidentales, de par sa position stratégique dans cette région du globe.
Les élections législatives se tiendront ce 17 avril mais le long et opaque processus de formation d'une coalition pourrait prendre des semaines avant de déterminer qui sera le nouveau Premier ministre.
Les élections législatives se tiendront ce 17 avril mais le long et opaque processus de formation d'une coalition pourrait prendre des semaines avant de déterminer qui sera le nouveau Premier ministre. (Crédits : CHINA STRINGER NETWORK)

[Article publié le lundi 15 avril 2024 à 10h06, mis à jour à 10h54] Élections cruciales ce mercredi 17 avril aux îles Salomon, archipel du Pacifique de quelque 720.000 habitants. Ce pays, l'un des moins développés de la planète, est pourtant devenu ces dernières années le théâtre d'une bataille diplomatique intense opposant la Chine à ses rivaux occidentaux. Il intéresse autant car il offre un accès idéal aux routes maritimes de cette région. Et occuper une base militaire sur cet archipel permettrait à toute puissance de bloquer le trafic maritime venant des Amériques vers l'Asie du Sud-Est.

« Tout le monde sait que cette élection sera suivie de très près par les États-Unis, la Chine et les autres pays insulaires du Pacifique », souligne Anouk Ride, spécialiste des îles Salomon à l'Université nationale d'Australie (ANU). « On a l'impression que la pression est forte ».

Ancienne colonie britannique, les îles Salomon sont devenues indépendantes en 1978, établissant des relations diplomatiques avec Taïwan, l'un de ses premiers partenaires étrangers. Mais ces liens ont été brusquement rompus en 2019, lorsque le Premier ministre actuel et alors fraîchement élu, Manasseh Sogavare, a apporté son soutien à la position de la « Chine unique » prônée par Pékin. Des aides et investissements chinois ont afflué après ce repositionnement.

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L'ombre de la Chine

Le dirigeant a même signé un pacte de sécurité avec Pékin en 2022, tenu secret, prenant au dépourvu ses anciens partenaires, l'Australie et les États-Unis. Il a d'ailleurs promis de renforcer ces liens s'il était réélu. Ses adversaires s'inquiètent d'ailleurs de l'influence chinoise sur l'archipel. Les alliés occidentaux craignent que ce pacte ne débouche vers une base militaire chinoise permanente dans le Pacifique Sud, qui pourrait changer la donne en matière de sécurité régionale. La Chine a d'ailleurs déjà aujourd'hui une présence policière modeste mais visible dans le pays.

« Au cours des cinq dernières années, la Chine a été impliquée dans de nombreuses affaires. C'est vraiment inquiétant en ce moment », a souligné Daniel Suidani, l'une des principales figures de l'opposition dans l'archipel, dans un entretien avec l'AFP par téléphone depuis Auki, la capitale de la province côtière de Malaita.

Il accuse même des acteurs liés à Pékin de travailler en coulisses pour aider à maintenir les élus pro-Pékin au Parlement. « Ils sont très, très impliqués dans ce gouvernement », a-t-il déclaré. « Ils sont impliqués dans d'autres choses, il n'y a donc aucun doute qu'ils doivent être impliqués dans les élections. C'est ce qu'ils font depuis un certain temps ».

L'actuel Premier ministre a nié à plusieurs reprises que la Chine représente une menace et mis en garde contre toute ingérence étrangère dans les affaires souveraines du pays. Idem du côté de la première puissance asiatique. « La Chine mène toujours une politique de non-ingérence dans les affaires intérieures » d'autres pays, a assuré ce lundi Lin Jian, un porte-parole de la diplomatie chinoise.

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Un dirigeant autoritaire

Manasseh Sogavare domine la politique de l'archipel depuis ces 20 dernières années, occupant le poste de Premier ministre à quatre reprises depuis 2000. Surnommé le « maître du désordre » par un universitaire étranger, ses détracteurs craignent son autoritarisme croissant. L'homme de 69 ans a tenté de réprimer toute dissidence ces dernières années en menaçant d'interdire les journalistes étrangers indiscrets, Facebook ou encore des diplomates en visite.

« Il a centralisé et contrôlé le pouvoir d'une manière que les Premiers ministres précédents n'avaient pas fait », selon l'historien Clive Moore, expert des îles Salomon. Et Daniel Suidani d'ajouter : « À la communauté internationale, je voudrais dire que nous avons besoin de votre soutien. Nous voulons bénéficier de la même liberté que tout le reste du monde ».

Mais sa mainmise sur le pouvoir est loin d'être absolue. L'année dernière, sa décision de reporter les élections de sept mois a été largement critiquée. Et son ralliement à Pékin en 2019 a en partie alimenté une vague d'émeutes antigouvernementales qui ont ravagé le quartier chinois de la capitale Honiara. Une nouvelle éruption de violence s'est produite en 2021 quand une foule en colère a tenté de prendre d'assaut le Parlement, incendié le quartier chinois et tenté de détruire la maison de Manasseh Sogavare.

Ses principaux rivaux sont Peter Kenilorea, un ancien juriste des Nations unies considéré comme un membre de l'élite politique de l'archipel, et Matthew Wale, un expert-comptable et militant des droits humains. Ils ont tous deux fortement critiqué le pacte de sécurité avec la Chine, ce qui laisse présager un changement de cap s'ils parviennent au pouvoir. Mais le long et opaque processus de formation d'une coalition pourrait prendre des semaines avant de déterminer qui sera le Premier ministre.

Reste que les habitants sont plus préoccupés par la pauvreté et le chômage que par la géopolitique. Le pays affiche un indice de développement humain des Nations unies, juste au-dessus d'Haïti et plus bas que celui de la Birmanie, ravagée par la guerre.

Élections sous haute tension

Ce lundi matin, la capitale de l'archipel, Honiara, était en ébullition avec le passage de pick-ups bondés de partisans hurlant des slogans de campagne. La bataille d'influence est notamment visible dans l'affichage : des panneaux publicitaires géants de « Radio Australia » surplombent la seule route menant à la ville, tandis que des voitures de police recouvertes d'autocollants « China Aid » circulent sur des routes parsemées de nids-de-poule.

Au cours d'un rassemblement en faveur de l'ancien Premier ministre Gordon Darcy Lilo, à la périphérie de la ville, des centaines de personnes ont réclamé un changement de gouvernement. « L'économie s'effondre. Je veux que les habitants de Honiara se lèvent et récupèrent notre pays », a déclaré Josep, un enseignant, à l'AFP sur fond de klaxons.

Les élections sont souvent mouvementées aux îles Salomon. En 2000, le Premier ministre Bart Ulufa'alu a été contraint à la démission après avoir été enlevé par des hommes armés mécontents. En 2006, des forces internationales de maintien de la paix ont été déployées pour réprimer des violences post-électorales, et le Premier ministre Snyder Rini a été chassé au bout de huit jours seulement. Avant le scrutin de ce mercredi, l'alcool sera interdit dans les 900 îles et atolls de l'archipel.

(Avec AFP)

Commentaire 1
à écrit le 15/04/2024 à 10:16
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Ca fait longtemps que je dis que nous devons décupler notre marine nationale afin d'investir dans toutes nos réserves maritimes. L mondialisation hystérique c'est terminé ! Entre les éoliennes offshore, le nettoyage des océans et le transport de marc...

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