Ca y est. Après des dernières tractations, les chefs d'État et de gouvernement des 20 plus grandes économies mondiales ont approuvé samedi à Rome l'accord conclu début octobre sous l'égide de l'OCDE sur la taxation internationale. Un ultime feu vert à une réforme fiscale historique qui ambitionne de mettre fin aux paradis fiscaux et de taxer de manière plus équitable les multinationales en instaurant un taux d'impôt minimal mondial de 15% à partir de 2023. L'accord sera signé dimanche.
"Depuis quatre ans, je me bats pour mettre en œuvre une taxation internationale d'au moins 15% pour les entreprises multinationales. Ce soir, nous y sommes!" a tweeté le président français Emmanuel Macron.
"La taxe minimale sur les entreprises est un grand succès, c'est un signal clair d'équité", a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.
"C'est plus qu'un accord sur la fiscalité - c'est la diplomatie qui redessine notre économie mondiale et qui obtient des résultats pour nos peuples", a commenté le président américain Joe Biden sur Twitter.
150 milliards de dollars de recettes par an
Toutefois, cette avancée risque de prendre du temps puisque chaque pays doit désormais traduire cet accord dans sa propre législation. Pas gagné dans la mesure la taxation des entreprises là où elles réalisent leurs profits, indépendamment de leur siège social, se heurte notamment à de fortes réticences au Congrès américain. Car cette mesure frappe surtout les géants d'internet américains, les Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), qui, pour des raisons d'optimisation fiscale, basent leur siège là où la taxation est la plus faible. Résultat : leurs impôts sont dérisoires au regard de leurs revenus. Une centaine de multinationales enregistrant plus de 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel verront une partie de leurs impôts redistribuée vers les pays où elles exercent effectivement leurs activités
L'impôt minimal de 15% devrait rapporter environ 150 milliards de dollars de recettes supplémentaires par an. Un montant jugé insuffisant par certains pays émergents. Le Kenya, le Nigeria, le Sri Lanka et le Pakistan, associés aux négociations qui comprenaient 140 pays, n'ont pas approuvé le texte. La Commission indépendante pour la réforme de l'impôt international (ICRICT), un groupe de réflexion dont font partie des économistes de renom comme Joseph Stiglitz ou Thomas Piketty, estime de son côté qu'il s'agit d'un "accord au rabais" dont "la part du lion va aux pays riches".
Les négociateurs de l'accord "ont fait des concessions pour faire adhérer trois havres fiscaux comme l'Irlande, l'Estonie et la Hongrie, mais n'ont pas écouté les pays en développement", a déclaré à l'AFP son secrétaire général, Tommaso Faccio. L'Irlande a ainsi renoncé à son impôt sur les sociétés très faible de 12,5% contre l'assurance que le futur taux minimal restera scotché à 15%. Auparavant, il était question d'un taux d'"au moins 15%".
Plus difficile de s'entendre sur le climat
En revanche, malgré l'urgence du changement climatique, qu'ils ont reconnu comme une menace pour l'avenir de l'humanité, les chefs d'Etat et de gouvernement semblent avoir rencontré davantage de difficultés pour s'entendre sur des mesures concrètes permettant de maîtriser le réchauffement de la planète.
Le sujet sera au coeur des discussions dimanche à Rome, mais alors que la Conférence des Nations unies sur le climat (COP26) va s'ouvrir lundi à Glasgow, un projet de communiqué final consulté par Reuters montre que les responsables du G20 restent loin du compte.
Selon ce texte, ils ne prévoient en effet qu'un renforcement à la marge des engagements en matière d'action climatique, tout en ne fixant pas de nouveaux objectifs stricts qui, selon les organisations environnementales, sont essentiels pour éviter une catastrophe.
Même si le Premier ministre indien Narendra Modi, dont le pays est l'un des plus réticents à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, a effectué le déplacement à Rome, l'absence des présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine, officiellement en raison d'une reprise de la pandémie dans leurs pays respectifs, réduit les chances d'avancées majeures.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a reconnu que les discussions à Rome et à Glasgow seraient difficiles, mais il a averti que, sans action courageuse, la civilisation actuelle pourrait s'effondrer aussi rapidement que l'ancien empire romain, ouvrant la voie à un nouvel âge des ténèbres.
"Il sera très, très difficile de parvenir à l'accord dont nous avons besoin", a-t-il déclaré à la presse samedi.
Le projet de communiqué final indique que les pays du G20, qui représentent jusqu'à 80% des émissions mondiales de carbone, intensifieront leurs efforts pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius - le niveau jugé nécessaire par les scientifiques pour éviter des scénarios climatiques catastrophiques, sans toutefois préciser comment. La déclaration indique également que les dirigeants du G20 ont reconnu "l'importance capitale" de parvenir à des émissions nettes de carbone nulles d'ici le milieu du siècle, un objectif sur lequel certains des plus grands pollueurs de la planète, comme la Chine et l'Inde, ne se sont pas encore engagés.
Prix de l'énergie
Les craintes liées à la hausse des prix de l'énergie et aux pénuries frappant les chaînes d'approvisionnement ont également été abordées.
Joe Biden va appeler les principaux pays producteurs d'énergie du G20, notamment la Russie et l'Arabie saoudite, à augmenter leur production afin de conforter la reprise économique mondiale, a déclaré un haut responsable de l'administration américaine.
Difficile toutefois pour le président américain de présenter les Etats-Unis comme le bon élève en matière climatique, faute d'avoir convaincu l'ensemble du camp démocrate de soutenir son plan d'investissement de 1.850 milliards de dollars dans l'économie et l'environnement.
Comme c'est traditionnellement le cas, le sommet du G20 est l'occasion de nombreuses réunions bilatérales ou multilatérales, comme celle des dirigeants américain, britannique, allemand et français qui ont appelé l'Iran à reprendre des négociations de "bonne foi" sur son programme nucléaire.
(Avec AFP et Reuters)